Ouvrage remarquable, véritable travail d'enquête, cet essai brasse de nombreux points de vue et multiplie les angles pour décrypter l'arnaque idéologique qu'a été et qu'est toujours (notamment en France) la psychanalyse. Travail de fourmi tout en restant extrêmement intéressant, on apprend énormément de choses et ça se lit vraiment très bien.
On y apprend que la psychanalyse, qui se dit être une science, une anthropologie, qui soigne "de surcroit" (càd, sans être le 1er but recherché) échoue sur ces 3 plans :
- ce n'est pas une science, c'est une pseudo-science, aux arguments réfutables ou comportant des preuves avancées qu'on peut qualifier d'irréfutables (comme les systèmes religieux), donc sans aucun rapport avec la science
- ce n'est pas une anthropologie car les énoncés qu'elle prétend avancer (
le complexe d'Oedipe est universel, les femmes ont toutes l'"envie du pénis"), etc. sont de purs inventions, sans réalité et ont depuis longtemps été discrédités par la psychologie scientifique (qui elle, a des choses à dire sur le psyché réel des humains : la motivation, les biais cognitifs, etc.)
- ce n'est pas une méthode de soin efficace, elle échoue systématiquement à soigner, en grande majorité (selon l'INSERM, seulement efficace sur un des 16 troubles psy, et encore, avec la même efficacité que les thérapies alternatives classiques, comme les TCC, thérapies comportementales et cognitives)
A la lecture du livre, je me suis dit qu'on pourrait faire une série TV tellement on y retrouve des choses incroyables : mensonges, manipulations, drames, découvertes frappantes, complices/confrères tout aussi filous voire bien pires que
Freud, etc.
Freud y apparait comme un génie du mal. Côté pile (le moins dangereux), une personnage à la folle ambition, une capacité à créer et raconter des histoires (qui touchent les gens et visent juste sur les thèmes chers aux être humains, qui ont rapidement adopté ses théories), à un grand talent d'écrivain (je crois les auteurs sur parole, n'ayant jamais lu ses ouvrages), une force d'adhésion et de construction de sa communauté (et de son "entreprise" presque). Côté face : un manipulateur, un menteur, un cynique, un Tartuffe, un pillard qui n'a fait que reprendre et agréger les théories de son temps (sans reconnaitre ses sources), un Avare également, assoiffé d'argent.
Freud passe pour un petit joueur face à
Lacan (personnage détestable) ou à
Mélanie Klein (théories délirantes, glauques à souhait). Certains personnages font froid dans le dos : Klein est rejointe par par Élisabeth Roudinesco et ses propos, tour à tour simplement délirants (capacité d'imagination assez forte, il faut bien le reconnaître !), quand ils ne sont pas misogynes, accusateurs, etc.
L'ouvrage cumule les qualités :
- grande rigueur (nombreux témoignages et analyses d'universitaire), tout est sourcé, numéro, documenté. Rien n'est dit sans preuve
- nombreuses thématiques traitées (contexte historique,
Freud et sa clique, les théories
de la psychanalyse, les victimes
de la psychanalyse, ce qui a séduit dans les thèmes freudiens, etc.). Au fil des pages, toutes les questions et réflexions qu'on avait en tête "avant" de démarrer le livre, trouvent une réponse, chapitre après chapitre (sensation très agréable, en tant que lecteur !) et, sans avoir d'idées préconçues, on apprend énormément de choses.
- variété des intervenants, qui apporte une fraicheur à la lecture, un ton différent (parfois neutre, parfois plus caustique, mordant), sans qu'on y perde en qualité générale (c'est le risque avec les ouvrages collectifs)
- plan clair et détaillé, avec une introduction à chaque section et chaque chapitre
- prise de conscience des balivernes professées par le mouvement, parfois complètement tirées par les cheveux, qui fait souvent rire car pas méchant, mais qui est parfois très grave (victimes réelles à travers les toxicos, les schizophrènes, les autistes) ou glaude (
Freud qui analyse sa propre fille,
Mélanie Klein)
L'ouvrage n'est néanmoins pas parfait. Pour mériter sa 5e étoile et atteindre l'excellence, il faudrait corriger selon moi les points suivants :
- Revoir l'ordre des chapitres, pas forcément naturel (et logique dans sa progression) pour le lectorat moyen qui n'est pas un expert absolu de
Freud. On aurait aimé un "rattrapage" des notions et concepts en première partie, plutôt que de rentrer dans ce qui s'assimile parfois à des débats d'experts. Par ex, le concept d' "analyse didactique" n'est expliqué qu'à la page 190 alors qu'on l'évoque très vite dans l'essai.
Et même à l'intérieur des sections, la priorité donnée aux arguments m'a semblé parfois un peu aléatoire. Par ex, il aurait été plus simple de "démonter" les principales notions dans une même section, plutôt que de les disséminer dans tout le livre, sous la plume de divers auteurs (ex : l'argument scientifique de l'impossibilité d'avoir des souvenirs de sa petite enfance n'arrive que page 332).
- Traitement parfois "people" vs débat de fond :
Freud,
Freud,
Freud, sa vie, son oeuvre, avec qui il a passé la nuit dans un hôtel, etc. OK, c'est important car la psychanalyse prétend être une "science testimoniale" (sic) et donc tout repose sur la crédibilité des témoignages de son auteur, nécessairement honnête, sans quoi la théorie s'effondre. Mais le livre insiste beaucoup sur ces points et ça ressemble parfois à des attaques ad hominem plutôt qu'un débat sur le fond des idées et des notions vantées par la psychanalyse, ce qui m'amène à un autre point :
- Faire la part des choses entre les "bêtises" pures de
Freud sur les concepts et les autres explications plus crédibles aujourd'hui.
J'ai trouvé que ça manquait à l'ouvrage. Plutôt que de dire "OEdipe, ça n'existe pas, ça n'a jamais été validé scientifique" (OK), j'aurais apprécié qu'on dise également, "mais il est vrai que, dans la psychologie moderne, on reconnait que "tel" ou "tel" aspect du mythe freudien trouve une part de vérité dans telle point de la psychologie. Ou alors, 100% est à jeter ? Je comprends qu'une suite ("Les nouveaux psys") aborde les "nouvelles" théorie de la vie intérieure, ce qui explique peut-être l'absence de cette partie
- Quelques textes ne sont pas "originaux" mais repris dans des ouvrages ou revues internationales d'il y a quelques (dizaines d') années. On ressent du coup le traitement assez atypique de ces textes. A noter que la traduction de 2 ou 3 de ces articles n'est pas particulièrement bonne (tournures étranges faisant penser à un contre-sens, mot mal traduit, ex : medicine pour médecin, alors que dans le contexte, c'est "médicament")
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