Lorsque Petersen arriva au port pour y accueillir Martha et les enfants, il était nerveux et fatigué. La sueur ruisselait sur son col de chemise fraîchement empesé. Une migraine à faire éclater son casque colonial lui martelait le crâne. Jamais Bangkok ne lui avait semblé si chaud : la grande ville en bordure du fleuve, le Ménam, cuisait sous le redoutable soleil de l'après-midi. Petersen songeait avec nostalgie à son bureau climatisé et au café frappé que son boy chinois lui servait généralement à cette heure. Il persistait à absorber des boissons glacées, bien que ses clients chinois lui eussent assuré qu'un thé vert bouillant était ce qu'il y avait de plus rafraîchissant sous les tropiques. Petersen était Hambourgeois et entêté : lorsqu'à Hambourg l'été se mêlait de faire des petites fantaisies tropicales, il avait coutume de boire du café frappé ; il ne voyait aucune raison de changer ses habitudes.