Avant d’atteindre la sérénité, il leur faut mourir encore. Personne toutefois n’a le courage de signifier la sentence aux condamnés. Pire encore, ce combat dont l’issue ne fait plus désormais le moindre doute, dont chaque jour qui passe apporte sa moisson de souffrance et de mort, on le prolonge pendant plus de dix jours sans trop savoir pourquoi. Peut-être parce que chacun des chefs concernés rejette sur l’autre la responsabilité de la catastrophe et attend de lui qu’il l’assume. Peut-être aussi pour qu’il soit possible, grâce à une résistance poussée au-delà des limites de l’humain, de se prévaloir devant l’Histoire de l’héroïsme des sacrifiés. C’est paraît-il, ce que l’on appelle un combat pour l’honneur. Qu’est-ce que l’honneur vient foutre dans ce charnier ?
La preuve par l'oeuf... Trois soldats en ont parlé. Ils montrent un œuf dur dont le jaune est prisonnier du blanc. Puis un œuf cru qu'ils laissent tomber par terre. Et chacun constate que seul le jaune apparaît ; il n'y a plus de blanc. (p. 73)
Les Annamites, eux, ne rient jamais de plaisir, mais seulement pour cacher un sentiment de tristesse qu'il serait indécent de manifester en public. Ou pour faire croire qu'ils l'éprouvent, puisqu'ils prennent soin de le cacher. (p. 52)
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