L'uchronie peut être un genre sérieux ; la revue Guerre et Histoire s'y est bien essayée dans un hors série, il y a quelques mois.
En bande dessinée, c'est sans doute plus compliqué. Car là, quand l'on se demande ce qui aurait pu se passer si..., on veut aussi broder et beaucoup, et le risque est que l'on finisse par tout mélanger.
Alors, si Venise est bien responsable du détournement de l'expédition en 1204, avec la prise de Constantinople par les Croisés, manipulés par la République de la lagune, peut-on imaginer que si, contre toute attente, l'Occident avait réagi à temps en 1453 et s'était uni pour porter secours à la capitale de l'Empire byzantin face à la menace turque, les "Grecs" auraient laissé venir les Européens pour mieux se venger de la traîtrise de 1204, une fois les Ottomans vaincus.
C'est un peu tordre
L Histoire dans un sens excessif. Et cela se voit, les ficelles sont grosses, surtout quand l'on vient introduire là-dedans un Vlad Dracul (l'Empaleur), qui se fait complice de cette vengeance byzantine - mieux, qui épouse les "querelles byzantines" - pour mieux laisser libre cours à sa cruauté insatiable, une cruauté qui viserait presque plus les Chrétiens (le prince de Valachie étant présenté ici comme un suppôt du diable), que les Turcs, considérés ici comme de simples ennemis, presque secondaires, dès lors qu'ils sont regardés comme vaincus (puisque l'on est dans une uchronie). Un peu tarabiscoté tout cela.
Le dessin est bon, l'imagination fertile, pour ne pas dire échevelée. Mais ce n'est pas de l'uchronie pure et simple. On est plutôt ici dans une grande fiction et l'on met en scène des personnages animés par des passions qui les enferment dans des comportements extrêmes. Enfin, l'on flirte avec l'irréel et la légende, comme par exemple avec cette disparition ou cette évasion finale de Vlad Dracul de la prison où il aurait été jeté. Cela finit vraiment trop brusquement. Tout cela parce que l'histoire imaginée est peu crédible. C'est dommage.