Qu'est-ce qui fait l'individualité d'une substance matérielle ? Est-ce la nature de la chose ? Non. Scot admet, et prouve même, que l'espèce est réelle. Mais elle n'a pas encore l'unité supérieure (numérique), parce qu'elle n'est pas un concept qui se prédique de ces objets en particulier (cet-objet-ci). La quiddité se retrouve en chaque sujet, mais pas en tant que prédicable - ici, nature et concept se distinguent, et se coproduisent. L'humanité est présente en Socrate, mais Socrate n'est pas l'humanité. Les universaux, compris comme concepts prédicables, sont des conceptions intellectuelles, tandis que les natures existent véritablement au sein même des choses sensibles, sans pour autant les individuer. Est-ce alors l'existence de la chose qui est principe d'individuation ? Encore moins : comment, en effet, pourrait on différencier les individus par ce qu'ils peuvent avoir de commun, à savoir le fait d'exister ? Ce n'est d'ailleurs même pas en vertu de son existence qu'un étant est ce qu'il est (et non seulement ceci), mais en vertu de son être d'essence, de sa nature. Est-ce alors par la quantité ? Certainement pas, ni par la quantité continue, ni par la quantité discrète. D'abord, pour distinguer cette quantité ci de cette quantité là, il faut bien renvoyer, in fine, aux substances premières. Ensuite, même si la division en parties subjectives (en sujets) se superpose à la division en parties intégrantes ("quantitatives"), la division quantitative d'un tout donne lieu à des parties intégrantes, et non pas, formellement, à des parties subjectives, c'est-à-dire des sujets auxquels se prédique l'espèce : un quantum ne se prédique pas des parties intégrantes en lesquelles il s'est divisé (le diviseur n'est pas le divisé). de toute manière, une espèce ne se divise pas en ces sujets, mais s'individue en eux. Est-ce la matière ? Non : si la matière individuait la forme, elle serait en soi un amas inconnaissable. Or, ce que défend Scot, c'est que la matière est tout aussi individuée dans la substance matérielle que la forme elle-même. On sera déçu de ne pas trouver une description plus positive de l'eccéité, mais l'ouvrage lui retire tout caractère douteux.
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"Nous éprouvons en nous-mêmes, que nous pouvons concevoir l'être sans le concevoir comme telle substance ou tel accident que voici, car on ne sait pas quand on conçoit l'être, s'il s'agit d'un être en soi ou dans un autre. Nous concevons donc d'abord quelque chose d'indifférent aux deux, et nous trouvons ensuite que l'un et l'autre sont immédiatement inclus dans un terme tel que le premier concept, celui d'être y est compris."
"Il est impossible que la substance soit individuée par un quelconque accident, c'est-à-dire qu'elle soit divisée en parties subjectives par quelque chose qui lui viendrait du dehors, et par qui elle serait "celle-ci" et ne pourrait pas être "celle-là"."
« Cet acte d'intelligence peut être dit, au sens propre, intuitif, parce qu'il est la saisie d'une chose comme existante et présente ».
"De toutes les entités principalissimes, c'est l'individu qui répond le plus à l'intention de Dieu."
Le style, c'est à dire l'individuation ultime et intime au réel.
En librairie le 2 juin 2023 et sur https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454276/de-la-restitution
Ce volume, traduction de la distinction 15 du livre IV du commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard, livre la pensée de Jean Duns Scot sur la propriété privée. Parmi tous les commentaires des Sentences du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle, de la restitution tient une place singulière puisqu'il s'agit d'un traité de droit politique et civil à part entière, y traitant de façon détaillée des transferts de propriété, des contrats, de l'usure ou encore du prêt à intérêt.