Citations sur Reste (166)
Si on me jetait dans une forêt maintenant, si je n'avais plus le droit de revenir, plus de foyer, plus de lit sec et chaud, plus de murs protecteurs, juste un tapis de feuilles mortes et de branchages humides, les bruissements, les cimes grinçantes, le vent cruel, l'obscurité opaque, je serais terrifiée. Mais tout s'apprivoise, des gens l'ont fait.
L'auteure cite Albert Camus : "Plus je vieillis et plus je trouve qu'on ne peut vivre qu'avec les êtres qui vous libèrent, qui vous aiment d'une affection aussi légère à porter que forte à éprouver. La vie d'aujourd'hui est trop dure, trop amère, trop anémiante, pour qu'on subisse encore de nouvelles servitudes, venues de qui on aime."
"Je ne veux pas qu'il s'en aille. Je ne eux pas qu'on me le prenne."
L'enchevêtrement serré des cimes me paraissait surnaturel, comme si une force obscure absorbait les rayons de la lune, enfantait les ténèbres propices à la sauvagerie, au meurtre.
Dehors le soleil éclaboussait le lac et la montagne, dedans il dessinait un carré sur le drap blanc, autour de nos pieds serrés.
Trente kilos de différence, ce n'est rien. Ça n'est pas un sanglier, c'est juste un homme. Et moi je ne suis pas une biche. Mais depuis toujours on m'a répété que les hommes sont plus forts, dangereux. Les femmes sont les victimes, les hommes les agresseurs. Et moi je n'ai pas osé vérifier.
Les années avec Romain sont des années d'oblitération. Si je voulais en parler avec douceur, je dirais que j'avais dressé un rideau de velours épais à l'intérieur de moi, derrière lequel j'avais caché mes besoins, mes aspirations, ma créativité. Derrière lequel je m'étais effacée. Si je voulais en parler avec plus de dureté j'évoquerais un cachot.
Il y a une part de transformation dans les histoires d’amour, j’en suis certaine, mais le désir qui meurt, c’est le désir qui meurt. Point.
Je me suis surprise à jalouser l'insouciance de ces gens. Nous n'appartenions plus au même univers. Je les regardais à travers une vitre sale, un brouillard. Comme si je ne pouvais plus les toucher, observant leur monde criard depuis une dimension parallèle, dévastée. Même les sons me parvenaient comme assourdis. J'aurais voulu les appeler à l'aide, qu'ils m'attrapent par la main et me ramènent de leur côté.
S'il avait vécu quelques années de plus, comment aurions-nous traversé les désastres à venir avec M. ? La prochaine pandémie, la guerre, les pénuries ? Si nous avions dû quitter la ville, fuir nos maisons, nous serions-nous regroupés, votre famille et la mienne, pour former une espèce de tribu ? Ou aurions-nous laissé les événements nous séparer ? Je vois Audrey se battre depuis des années, alerter, hurler. J'ai longtemps culpabilisé de ne pas avoir son énergie, sa hargne, d'être trop paresseuse sans doute. Ou trop désillusionnée. Culpabilisé aussi de ne pas avoir mieux préparé ma fille. Mais préparée à quoi ? Comment se préparer quand on ignore la forme que prendra l'ennemi ?