Désérable François-Henri – "
Mon maître et mon vainqueur" – Gallimard-NRF, 2021 (ISBN 978-2-07-290094-5) – format 21x14cm, 190p. – quelques illustrations.
Ce roman peut se lire sous deux angles fort différents.
Le premier consisterait à recenser ses indéniables atouts littéraires : l'auteur est un malin aguerri, détenteur d'un certain savoir, tous avantages qu'il sait mettre en avant. Ainsi, il mêle habilement quelques
poèmes, quelques illustrations, des connaissances (très) académiques sur
Verlaine et
Rimbaud (sans dépasser les sempiternelles rengaines), une technique d'écriture consistant à imbriquer plusieurs strates de récits (le narrateur raconte au juge et au greffier, mais en conservant certains apartés pour le lecteur, il raconte ce que l'un des protagonistes lui a raconté etc etc), des descriptions quasi documentaires (comme celles de la BnF, dont il ignore qu'il s'agit incontestablement d'un gigantesque raté architectural, urbanistique et bibliothéconomique). le final est amené comme une apothéose, qu'il n'est pas interdit de trouver fort drôle. Tout ceci relève du "métier", de la technique.
Malheureusement, l'autre angle de lecture consiste à s'intéresser à l'intrigue elle-même, à ce qu'elle reflète de l'air du temps, qui demeure l'une des caractéristiques fondamentales du genre romanesque.
Et là, patatras, l'édifice s'effondre car il ne s'agit que d'un tissu de lieux communs chers à certains auteurs mâles, qui inventent l'héroïne de leurs rêves.
Soit une Tina, qui
"était avec son amant dans une chambre d'hôtel, où elle se faisait baiser comme la petite putain qu'elle était" (p. 116),
qui profite de son bain pour – bien évidemment – user de son "canard vibrant... acheté dans un sex-shop à Pigalle" (p. 150). Non moins évidemment, elle boit et se saoule le plus souvent possible tout au long des pages, chante divinement faux (p. 31), se fait sauter dans la salle de la réserve de la BnF (p. 52-55), fréquente "youporn" (p.57).
C'est une "baiseuse" d'élite (pp. 101-103) telle qu'un pôvre écrivain mâle peut la rêver et se complaire à la décrire à grands renforts de lieux communs (probablement puisés sur youporn).
Ingénument, l'auteur révèle ainsi au passage comment les bobos cultureux surtout de "gauche" mais pas que, fervents partisans de la "libération de la femme" à la mode mini-jupe et string, se retrouvent aujourd'hui cloués au pilori par des accusatrices "féministes" ayant mis plusieurs décennies à comprendre qu'elles s'étaient fait violer par ceux-là mêmes qu'elles adoraient et dont elles prennent dorénavant la place.
Il fallut l'assassinat de Marie Trintignant et le traitement judiciaire extra-ordinaire réservé au Cantat... Il fut un temps où cette caste vivait en se contemplant le nombril, aujourd'hui elles et ils ne survivent qu'en expertisant continuellement leur entre-cuisses. Comment ne pas frémir d'indignation, d'horreur, à l'évocation d'un minable zozo comme Hulot, ministré par un Macron, se permettant d'effleurer le précieux fondement d'une "petite fille de
François Mitterrand" – incontestable crime de lèse-majesté ?
Mais attention, comme il convient d'installer une tension dans le récit, la Tina est déchirée (séquelles de "Jules et Jim" ?), car elle aime aussi un autre homme, le "père de ses deux enfants" (comme ça se dit aujourd'hui, une véritable horreur), fort gentil, mais bien incapable de satisfaire aux immenses besoins de luxure innés chez sa compagne : il dort et ronfle (p. 57), se laisse berner, s'occupe bien des enfants.
Il va même jusqu'à organiser un mariage "à l'ancienne" et "en province" (zone peuplée d'arriérés, bien évidemment, tout le reste du roman se situe à Paris) où il faudra même aller à l'église, bref, l'auteur campe l'archétype du mari benêt.
Ce ne sont là que les principaux lieux communs, tout le reste est à l'avenant – l'auteur nous inflige même la tirade sur les amours multiples
"quand le désir s'émousse au sein du couple, il faudrait pouvoir sous-traiter" (p.109).
Lamentable. Consternant. D'autant plus consternant que j'ai lu ce torchon juste après la lecture de "L'eau rouge" de l'écrivain croate Jurica Pavičić. Il est presque cruel de faire ainsi l'expérience de ce qui sépare un écrivain qui a réellement quelque chose à raconter, d'un auteur n'usant de sa plume que pour se vautrer dans un récit érotico-porno-rigolo ne présentant au final que fort peu d'intérêt...
Poubelle.