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Pascal Engel (Traducteur)
EAN : 9782738107244
656 pages
Odile Jacob (12/08/2000)
3.7/5   5 notes
Résumé :
Qu'implique vraiment la théorie de l'évolution par sélection naturelle ? Pourquoi dérange-t-elle autant, non seulement les esprits religieux, mais aussi les philosophes, et même certains biologistes ? En quoi révolutionne-t- elle notre conception de l'esprit ? Nous n'avons certainement pas tiré toutes les conséquences des découvertes darwiniennes.
Ni encore bien encaissé le choc qu'elles peuvent avoir sur nos conceptions les plus profondes de la vie de l'homm... >Voir plus
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« Darwin est-il dangereux ? L'évolution et le sens de la vie » (2000, Odile Jacob, 656 p.) du philosophe américain Daniel Dennett traduit par Pascal Engel de « Darwin's Dangerous Idea: Evolution and the Meanings of Life » (1995). L'envie m'est revenue de le relire, suite à l'annonce du décès de l'auteur par le Santa Fe Institute (SFI). C'est un institut qui s'est dédié à l'étude des phénomènes complexes, tant en physique qu'en économie ou en biologie. Basé au Nouveau Mexique, le SFI accueille en résidence des chercheurs de tous horizons pour travailler sur la complexité. D'où des sujets aussi divers que la sociologie des fourmis, ou la régulation des entrées sur bretelles d'autoroutes, lois d'échelle urbaines, ou l'origine de la vie sur Terre.
Pour sa part, Daniel C. Dennett est professeur au « Center for Applied Brain and Cognitive Sciences » (Centre de sciences cognitives) de « Tufts School of Engineering » à Medford, MA, aux États-Unis. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur la philosophie de l'esprit, les sciences cognitives et l'intelligence artificielle, notamment « La Stratégie de l'interprète » traduit par Pascal Engel (1990, Gallimard, 516 p.) et « La Conscience expliquée » du même traducteur (1993, Odile Jacob, 628 p.) ou « Théorie évolutionniste de la Liberté » (2004, Odile Jacob, 373 p.). Parmi ses ouvrages plus orientés vers le grand public, on peut citer « From Bacteria to Bach and Back: The Evolution of Minds » (2018, W W Norton & Company, 496 p.
Dans son livre, déjà ancien (1995) sur l'évolution, Dennett suggèrait que la sélection naturelle est un processus aveugle, assez puissant tout de même pour expliquer l'évolution de la vie. Tel « un acide universel si fort qu'il corrode tout ce qu'il touche, ou peut-être ne se corrode pas, mais change au moins ». L'idée force de Darwin, comme quoi la génération de la vie, et les processus qu'elle implique fonctionnent de façon à ce que les résultats vers lesquels ils tendent doivent être réalisé selon ces processus. Bien évidemment, en pleine vague néo-darwinienne, ces propos par un philosophe contemporain majeur se heurte aux travaux du grand biologiste du siècle dernier.
La théorie de l'évolution de Darwin exprimée dans « L'Origine des Espèces » (1859) explique « l'évolution biologique des espèces par la sélection naturelle et la préservation des races favorisées par la lutte pour la survie ». Cette hypothèse .a toujours eu des adversaires. Si elle est de nos jours globalement acceptée par la majorité des biologistes et des philosophes, elle n'en continue pas moins d'être encore régulièrement critiquée. Une simple anecdote, datée de juin 1860, soit sept mois seulement après la publication de l'ouvrage de Darwin. Cela montre qu'il a été très vite lu, et commenté. Samuel Wilberforce (1805-1873), alors évêque de l'Eglise d'Angleterre fils de l'abolitionniste William Wilberforce, apostrophe Thomas Huxley, darwiniste convaincu, lors d'un débat public. le premier demande au second si c'est du côté de son grand-père ou de sa grand-mère qu'il descend du singe. La réponse de Huxley est cinglante. « Je préfère avoir pour grand-père un singe plutôt qu'une personne qui profite de sa position prestigieuse pour ridiculiser une sérieuse discussion scientifique ».
Mais, après tout, le sujet peut paraitre primordial pour un américain moyen persuadé que la Terre est plate, comme 47 % de ses concitoyens. Pour un Européen, plus éduqué, la proportion chute en dessous de 15 % tout de même, et à un jeune (11-24 ans) sur quatre pour ne pas croire à l'évolution. Tant que le GPS ou les télécommunications par satellites fonctionneront avec des pigeons ou des cables enterrés, la foi sera sauvée. Sur quoi Dennett a une réponse en forme de pirouette. « Il n'y a rien qui puisse leur faire comprendre qu'ils pourraient se tromper sur le fait que le monde a été créé il y a environ 6 500 ans, mais c'est bien parce que je crois que le monde a en fait été créé il y a 10 secondes, et il a été créé pour moi ». Certes, il admet que l'on puisse douter, dans une sorte de déni inconscient. « Certains préféreraient de loin la régression infinie des mystères, apparemment, mais de nos jours, le coût est prohibitif : il faut se tromper. Vous pouvez soit vous tromper vous-même, soit laisser les autres faire le sale boulot, mais il n'existe aucun moyen intellectuellement défendable de reconstruire les puissantes barrières à la compréhension que Darwin a brisées ».
Première victime collatérale, l'idée même d'une évolution vers ou à l'image d'un Dieu tout puissant. Cela rejoint le mouvement du « nouvel athéisme américain », popularisé par les vidéos de « Atheist Expérience », et formalisée par Richard Dawkins « Pour en finir avec Dieu » traduit par Marie-France Desjeux-Lefort (2018, Tempis Perrin, 528 p.) et son nouveau « Dieu ne sert plus à rien : Lettre ouverte aux nouvelles générations sur la religion et la science » (2020, H & O Science, 320 p.). Terminé, remisé au grenier le « grand architecte » ou « grand horloger » régissant les choses selon son gré, ses desseins et ses humeurs. Dans notre monde moderne, la science nous offre des outils bien plus efficaces et bien plus utiles pour appréhender le monde dans lequel nous vivons. Attention, je ne vise pas ici les réseaux sociaux.
L'évolution, avec les développements de la biologie et la génétique permet d'expliquer le foisonnement de la vie sans avoir recours à l'irrationnel. Richard Dawkins explique pourquoi il est temps d'abandonner des croyances dépassées et de s'éveiller à l'esprit critique vis-à-vis des religions afin que l'humanité puisse entrer dans une nouvelle ère. C'est beau comme une parabole antique. A y regarder de plus près, c'est surtout une niche commerciale de toute splendeur. Les marchands du temple sont revenus. Après un stage de mise à niveau, ils sont devenus économistes. Ils l'étaient déjà auparavant, mais sous un autre intitulé, pour faire fructifier la dîme, à coup d'indulgences tarifées. Et Dennett d'enfoncer le clou. « Un lecteur d'une première version de ce chapitre s'est plaint à ce stade, disant qu'en traitant l'hypothèse de Dieu comme une simple hypothèse scientifique de plus, à évaluer selon les normes de la science en particulier et de la pensée rationnelle en général, Dawkins et moi sommes ignorant l'affirmation très répandue des croyants en Dieu selon laquelle leur foi est tout à fait au-delà de la raison, ce qui ne relève pas de méthodes de test aussi banales ».
Son épais volume de plus de 650 pages est divisé globalement en trois parties. Tout naturellement la première est intitulée « Commencer par le milieu ». Elle est suivie d'une partie « Pensée darwinienne en biologie », puis d'une partie au titre reprenant une citation de Nietzsche « Esprit, sens, mathématiques et moralité » tirée de « le Gai Savoir ».
Dès le premier chapitre, Dennett explique en quoi le Darwinisme élude la question d'un Dieu/Esprit qui sous tendait la logique antérieure de l'évolution. Cela reprend ses idées développées en 1991 dans « La Conscience expliquée ». Il y notait l'inconfort intellectuel chez les universitaires, mais aussi chez les religieux. Dans ce livre, Dennett voulait « amener les penseurs d'autres disciplines à prendre au sérieux la théorie évolutionniste, leur montrer comment ils l'ont sous-estimée et leur montrer pourquoi ils ont écouté les mauvaises sirènes ». Tout de suite, les mots qui fâchent. Il suggère alors une vision « algorithmique » et utilise largement les grues comme analogie.
Il fait pour cela référence aux théories de James Mark Baldwin (1861-1934) philosophe et psychologue américain, auteur de « The Baldwin Effect » (l'effet Baldwin). Il suggère une idée de la sélection organique, conçue par interprétation des données observées dans l'étude expérimentale sur l'atteinte du nourrisson et son rôle dans le développement mental. Toute pratique du mouvement du nourrisson doit favoriser l'intégration de comportements favorables au développement. C'est une sorte d'apprentissage et de répétition des gestes dans une épreuve d'imitation. Plus récemment, Richard Dawkins réintroduira ce concept sous le nom de « Théorie des Mêmes » dans « le Gène égoiste » traduit par Laura Ovion (2003, Odile Jacob, 200 p.).
Darwin n'est pourtant ni le premier ni le seul à s'être aventuré sur ce terrain. Cinquante ans avant lui, le naturaliste français Jean-Baptiste de Lamarck propose ce qui est considéré comme la première théorie matérialiste et mécaniste de l'évolution des êtres vivants.
Cet effet Baldwin, Dennett l'assimile à une grue. « The Baldwin Effect : a Crane, not a Skyhook ». C'est une grue, et non pas un simple crochet céleste. Il ne s'agit aucunement d'un processus qui tire le vivant par le haut, mais un processus mécanique qui ne présuppose donc pas l'existence d'un esprit dirigeant le cours de l'évolution du vivant, qu'il s'agisse d'une intervention divine ou d'un mystérieux élan vital.
Cependant, avec Darwin, Dieu n'est plus la cause ultime de tout dessein, c'est l'évolution qui prime. Avec un mécanisme pour l'expliquer qui serait la sélection naturelle. Ce serait selon Dennett, un processus insensé, mécanique et algorithmique. D'où sa notion de l'idée dangereuse de Darwin. Dans ce schéma, les deux idées importantes de Darwin seraient que les organismes vivants sont sujets à des variations aléatoires et que les plus adaptés ont une descendance plus nombreuse. Cependant, lors de ce processus de sélection aveugle, qui aurait donné naissance à la diversité du vivant, les organismes ont souvent évolué comme s'ils avaient suivi une direction bien précise. D'où sa remarque « Darwin est-il dangereux ? ». Enfin, dans le dernier chapitre de cette première partie, Dennett traite de la culture comme une branche d'un espace de conception unifié. Il existe bien des « mouvements forcés » ou des « bons trucs » qui seront découverts à plusieurs reprises, soit par sélection naturelle, soit par investigation humaine.
On passe ensuite à la seconde partie, qui examine la biologie sous l'angle du Darwinisme. « le noyau fondamental du darwinisme contemporain, la théorie de la reproduction et de l'évolution basées sur l'ADN, est désormais incontestable parmi les scientifiques. Elle démontre chaque jour sa puissance, contribuant de manière cruciale à l'explication des faits géologiques et météorologiques à l'échelle de la planète, en passant par les faits de taille moyenne en matière d'écologie et d'agronomie, jusqu'aux derniers faits microscopiques du génie génétique. Il unifie toute la biologie et l'histoire de notre planète en une seule grande histoire. Comme Gulliver lié à Lilliput, il est inébranlable, non pas à cause d'une ou deux énormes chaînes d'argumentations qui pourraient – espoir contre espoir – contenir des maillons faibles, mais parce qu'il est solidement lié par des centaines de milliers de fils de preuves qui l'ancrent. à pratiquement tous les autres domaines de la connaissance. Il est concevable que de nouvelles découvertes conduisent à des changements spectaculaires, voire « révolutionnaires » dans la théorie darwinienne, mais l'espoir qu'elle soit « réfutée » par une avancée fracassante est à peu près aussi raisonnable que l'espoir que nous revenions à une vision géocentrique et rejetions Copernic ».
Puis, il invoque « L'Arbre de Vie », ou schéma de l'évolution des êtres vivants, esquissé par Darwin, et depuis modifié en fonction des avancées de la biologie. On part généralement des bactéries, archéobactéries, puis passant aux eucaryotes, organismes à noyau qui donnent naissance à la flore, champignons et faune. On pourra se référer à l'ouvrage de Guillaume Lecointre et Hervé La Guyader « Classification phylogénétique du vivant » (2001, Editions Belin, 607 p.). A noter que dans cet arbre, actuellement, il est difficile d'incorporer les virus, qui pourraient former une autre arborescence, plus ou moins superposée à l'arbre de vie.
D'après Dennett, non argumenté comme souvent. « Cet arbre de vie* est-il un Dieu que l'on pourrait adorer ? une vérité après tout. L'Arbre de Vie n'est ni parfait ni infini dans l'espace ou dans le temps, mais il est réel, et s'il n'est pas « l'Être plus grand que rien ne peut être conçu » d'Anselme, c'est sûrement un être qui est plus grand que quelque chose que chacun d'entre nous puisse concevoir en détail est digne de ce détail. Oui, dis-je avec Nietzsche, je ne peux pas le prier, mais je peux affirmer sa magnificence ».
Puis une pirouette. « Les problèmes scientifiques sont parfois facilités par l'ajout de complications ».
La vie serait née sans aucune volonté de création. le monde ordonné que nous connaissons résulterait d'un mélange aveugle et non dirigé à travers le chaos. C'est une peu vite dit, sans trop de preuves. La biologie, ou plutôt comme l‘indique une tête de chapitre « La biologie est l'ingénierie » est l'étude de la conception, de la construction et de l'exploitation. Cependant, il existe des différences importantes entre la biologie et l‘ingénierie. Il faut y rajouter la faculté d'adaptation, ce qui en retour qualifie de « réfutation », et surtout d'« illusion » les idées de Stephen Jay Gould « Darwin et les grandes énigmes de la vie » traduit pas Daniel Lemoine (1984, Seuil, 299 p.), avec toutefois cet extrait « le foisonnement de la nature fait ma joie et je laisse les chimères de la certitude aux politiciens et aux prédicateurs » et de Richard C. Lewontin « La Diversité des Hommes » (1986, Pour la Science, 179 p.).
On retiendra plutôt les piques contre un article commun de SJ Gould et RC Lewontin « Spandrels of San Marco » sous-titré « The Panglosian Pradigm ». Ecrit par Gould après une visite de la cathédrale Saint Marc à Venise. Ils y affirment que le motif en mosaïque des écoinçons de la basilique Saint-Marc est « si élaboré, harmonieux et utile que nous sommes tentés de le considérer comme le point de départ de toute analyse, comme la cause, dans un certain sens, de l'architecture environnante ». Ils prétendent ensuite que cela serait inapproprié, car les écoinçons sont eux-mêmes une contrainte architecturale qui « fournit un espace dans lequel les mosaïstes ont travaillé ». Que vient faire là Pangloss ? Quelle est la responsabilité du Barolo ? On doit reconnaitre que les critiques sont à la hauteur du texte. « inhabituel, car un non-scientifique peut comprendre exactement ce qui est dit et le lire en entier sans s'endormir, alors que dans le même temps des vétérans et leaders mondiaux en théorie évolutionniste peuvent le lire et apparemment faire de l'apoplexie ». Mais Dennett relativise plus tard. « Ce sont des adaptations choisies à partir d'un ensemble d'alternatives équipossibles pour des raisons essentiellement esthétiques ».
L'argument fondamental de Dennett est que les arguments de Gould et Lewontin sont mal ciblés, que les « véritables » darwiniens ont toujours évité à la fois le panadaptionisme et le préadaptionnisme, et que « les bons adaptionnistes sont toujours à l'affût de contraintes cachées ». Têtu et revanchard, il remet une couche sur l'oeuvre de Stephen Jay Gould dans le chapitre « Bully pour Brontosaure » qu'il accuse d'avoir une vision déformée de l'évolution avec ses écrits « populaires » et ses « révolutions autoproclamées » contre l'adaptation, le gradualisme et d'autres darwinismes orthodoxes. Toutes qualifiées de fausses affirmations. Même chose destructrice plus loin avec l'héritage des traits acquis et le concept du « Point Oméga » de Pierre Teilhard de Chardin. Ayant lu « le Phénomène Humain » (1970, Seuil, 320 p.) il y a fort longtemps, j'en avais retenu une conception très orientée. J'avais, de loin, préféré ses « Ecrits du temps de guerre (1916-1919) » qui relatait son expérience des tranchées.
La dernière partie « Esprit, sens, mathématiques et moralité » commence avec est le frontispice du « Léviathan » de Thomas Hobbes, édité par Gérard Mairet (2000, Gallimard, 1024 p.) à propos duquel Michel Calon et Bruno Latour de l'Ecole des Mines de Paris avaient publié une superbe étude sur l'innovation technologique « le grand Léviathan s'apprivoise-t-il ? » (2006, Presse des Mines, 21 p.)
Retour sur les mêmes avec le chapitre « Les grues de la culture », et l'évolution culturelle. Elle peut désormais prendre le nom de « mèmosphère ». C'est le grand hymne à la gloire des mêmes, qui avaient également un magazine scientifique. La théorie explique en partie pourquoi les taxis dans de nombreuses grands villes sont jaunes, comme à New York, ou pourquoi les gens s'habillent avec des pantalons à trois bandes. Imitation, mimétisme, manque de créativité ou simple conformité à la publicité. le gène égoïste est bien loin de tout ce décervelage. Encore un effort avant que l'on en arrive à l'époque du mémocène. « Nous n'existerions tout simplement pas (...) sans l'évolution des interactions sociales qui exigent de chaque animal humain qu'il crée en lui-même un sous-système conçu pour communiquer avec autrui. Une fois crée, ce sous-système peut aussi dialoguer avec lui-même ».
En fin le chapitre ultime, qui enfonce le clou sur le cercueil « Perdre
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Je suis un public acquis à Dennett pour être l'un des quatre cavaliers du "nouvel athéisme américain".
Malgré mes nombreuses écoutes de Atheist Expérience sur YouTube et autres chaîne de l'ACA, je n'avais pas compris en quoi la théorie de l'évolution est si " dangereuse". J'ai d'ailleurs pris "Pour en finir avec Dieu" de Dawkins comme un exercice intellectuel intéressant.
Dès le premier chapitre Dennett explique en quoi le Darwinisme élude la question d'un Dieu/Esprit dont la logique tenais de l'indépassable conceptuel jusque là. Je n'adhère pas à sa vision "algorithmique" qui me fait penser aux théories freudienne pleine de mécanique : un alliage des modèles contemporains de découverte dans des domaines qui ont peu à voir (malgré une définition large).
J'adhère pleinement cependant à sa dénonciation des "crochets célestes" et attend juste de voir s'il n'y a pas d'autres "grues" envisageable. Pour une fois qu'un philosophe présente une solution explicite, elle mérite cependant d'être lisible.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Si vous avez jamais essayé d’écrire un sonnet, vous vous êtes trouvé face au problème de conception élémentaire qui fait l’objet des modèles de Kauffman : « l’épistase », ou les interactions entre les gènes. Comme le poète en herbe le découvre bien vite, écrire un sonnet n’est pas chose facile ! Dire quelque chose de sensé – sinon de beau – dans le cadre des contraintes rigides de la forme du sonnet est un exercice frustrant. Aussitôt que l’on parvient avec peine à mettre en place une ligne il faut réviser de nombreuses autres lignes, et cela vous force à abandonner des réussites difficiles à obtenir, et ainsi de suite, par recherche en cercles concentriques de la forme optimale – ou, pourrait-on dire, de la fitness globale. Le mathématicien Stanislaw Ulam a vu que les contraintes de la poésie pouvaient être une source de créativité et non pas des obstacles. L’idée peut s’appliquer à la créativité de l’évolution, pour exactement la même raison :

Quand j’étais enfant, je m’aperçus que les rôles de la rime dans la poésie consistaient à vous forcer à découvrir des nouveautés inattendues à cause de la nécessité de trouver une rime. Cela oblige à des associations nouvelles et garantit presque de se détourner de schémas de pensée routiniers. Cela devient paradoxalement une sorte de mécanisme automatique à produire de l’originalité. [Ulam, 1976, p. 180].

Avant Kauffman, les biologistes ont tendu à ignorer la possibilité que l’évolution aurait à rencontrer le même genre d’interactions tenaces, parce qu’ils ne voyaient pas comment les étudier. Son œuvre montre que la fabrication d’un génome viable a plus de rapport avec l’écriture d’un bon poème qu’avec l’établissement d’une liste de courses à faire. Du fait que la structure des paysages adaptatifs est plus importante que nous ne l’avions pensé (avec nos modèles simples d’ascension de collines du type mont Fuji), il y a des contraintes sur les méthodes d’amélioration de la conception qui canalisent les projets d’ingénierie à l’intérieur de voies plus étroites que nous ne l’aurions imaginé.
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Ces restrictions peuvent ne pas être un trait universel, mais seulement un trait temporellement et spatialement local, analogue à ce que Seymour Papert a baptisé le phénomène AZERTY dans la culture des ordinateurs et des claviers.

La rangée supérieure de la machine à écrire ordinaire se lit AZERTY. Pour moi cela symbolise la manière dont la technologie peut souvent ne pas servir de force de progrès mais de point d’arrêt. L’arrangement AZERTY n’a pas d’explication rationnelle, mais seulement une explication historique. Il est introduit en réponse à un problème qui remonte aux débuts des machines à écrire : les touches avaient tendance à se mélanger. L’idée était de minimiser le problème de collision en séparant les touches qui se suivaient les unes les autres fréquemment… Une fois cette technique adoptée, elle s’étendit à des millions de machines à écrire et… le coût social du changement… s’éleva avec l’intérêt créé par le fait que tellement des doigts connaissaient à présent comment suivre le clavier AZERTY. AZERTY est resté en dépit de l’existence d’autres systèmes, plus « rationnels » [Papert, 1980, p. 33]
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