La pratique de la transcription «d'entretiens» (yulu) attribués à tel ou tel maître Chan et se présentant en grande partie sous forme de dialogues entre le maître et ses disciples semble avoir débuté dans l'école de Mazu. En effet, dans le Zutang ji, ouvrage rédigé vers 952, il est écrit : «A la mort de Mazu [...] on mit par écrit les bonnes choses.» Les entretiens s'opposent aux «Chants» (ge) plutôt caractéristiques de l'école de Shitou, grand maître contemporain de Mazu, qui vécut sur le mont Nanyue et mit dans son enseignement l'accent sur la vie contemplative. Lui et ses disciples, inspirés par la vie érémitique dans les montagnes, écrivirent de merveilleux chants poétiques descriptifs de leur expérience spirituelle. Mais les entretiens ont l'avantage de présenter un témoignage de la pratique quotidienne du Chan, ils nous permettent de goûter la subtilité et le sens de l'humour des maîtres, ils nous aident à comprendre ce qu'est réellement le Chan.
Mazu est l'un des plus grands maîtres Chan (Zen) de la dynastie des Tang (618-907), sinon le plus grand. La version des Entretiens de Mazu sur laquelle est fondée notre traduction est celle du Sijiayulu (Entretiens des quatre écoles). Cet ouvrage rassemble les dits des quatre maîtres les plus célèbres de la dynastie des Tang : Mazu Daoyi (709-788), Baizhang Huaihai (720-814), Huangbo Xiyun (v. 850) et Linqi Yixuan (v. 866).
Le terme chinois Chan est l'une des traductions utilisées dans les textes bouddhiques pour le terme sanskrit dhyâna. Ce dernier désigne, dans son sens le plus courant, un état de grande absorption de l'esprit. Les ouvrages bouddhiques mentionnent quatre dhyâna abondamment décrits dans la littérature du Petit Véhicule (mahâyâna), mais également exposés dans les textes du Grand Véhicule (mahâyâna) et notamment dans un texte fondamental pour l'école Chan, le Lankâvatârasûtra.