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Ce qui s'apparenterait à un roman d'aventure et de voyage à travers les yeux d'une Corneille, est en réalité un roman philosophique mêlant étrangeté morbide et humour.

Comme vous l'avez compris, le protagoniste est une Corneille, Dar du Chêne de l'herbe (Dar Duchesne). Mais loin d'être anthropomorphique, Dar Duchesne ne comprendra jamais le comportement des humains. C'est en observant ces derniers que l'oiseau apprendra à communiquer avec eux.

L'Oiseau de mort. Cet oiseau nécrophage qui se nourrit des cadavres deviendra aux yeux de l'Homme le symbole de la mortalité. Tandis que pour Dar Duchesne, cette association restera pour elle un mystère : « Pour ces animaux-là, il était difficile de comprendre ce que faisaient les Humains. Les Humains leur paraissaient aimer la mort : ils chérissaient les cadavres de leurs semblables et s'évertuaient à en augmenter le nombre, pour les traiter en bien ou en mal. » Tout au long de sa vie, Dar Duchesne les contemplera se massacrer, sacraliser les cadavres des alliés ou au contraire de proposer la pitance des ennemis morts aux Corneilles. Ils s'accrochent à cette Corneille capable de communiquer et espèrent d'elle l'éternité…

Il m'a été difficile de le commencer (deux tentatives) et certains passages m'ont semblé longs. Mais enfin lancée, je l'ai trouvé magistral ! Certains moments m'ont fait rire et d'autres m'ont énormément captivé. J'ai ressenti de l'effroi, j'ai ressenti de l'Amour, j'ai ressenti de la compassion, du chagrin et de l'amusement. Peu de romans parviendront à me transmettre autant de sentiments. Ma bibliothécaire crie au chef-d'oeuvre. Il faut d'abord que je me remette de cette immersion pour approuver ou pas. Car tandis qu'il a été difficile d'y rentrer, il est maintenant difficile d'en sortir.
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Les amitiés babéliotes (est-ce le bon suffixe ?) ont ce pouvoir remarquable de vous emporter vers un horizon littéraire que vous sentez totalement étranger. Sans le billet passionnant de JustAWorld, il est fort probable que je ne me serais pas aventurée dans l'univers de John Crowley, ni n'aurais envisagé la lecture de son dernier roman Kra qui s'est révélé fascinant pour son souffle mystique et ses strates narratives fécondes.

Entre conte épique et fantasy historique, tout est colossal : le thème, la construction, l'ampleur de la narration, chaque page tournée laisse le sentiment de visiter un édifice à l'architecture époustouflante. Un peu à la manière de William H. Gass, Crowley affectionne les fictions amples et complexes dont l'ambition est de considérer la condition humaine jusqu'aux interrogations métaphysiques.

Ici, l'auteur américain imagine une corneille devenue immortelle traverser les différents âges de l'humanité, des commencements à nos sociétés contemporaines malades de leur opulence où tente de survivre une humanité à bout de souffle.
On pourrait penser que cette longévité irradie avec le temps, qu'elle dote notre animal de pouvoirs extraordinaires. Mais l'auteur lui a réservé un destin plus propice à la réflexion cette immortalité permettant avant tout à cette corneille d'approfondir son rapport au monde et celui des autres, les humains. Ce groupe mystérieux qu'elle observe, guette et accompagne dans la vie comme dans la mort, que ce soit dans le cadre des rites chamaniques des sociétés primitives aux cadavres dont elle se repaît laissés sur les champs de guerre.

John Crowley déroule ainsi le récit à hauteur de corneille, toujours à la périphérie de la conscience, dans l'interstice entre l'intuition et l'oubli pour ne pas prêter à cet animal des attributs humains. On progresse à coup de réminiscences vagues, la perception se trouble parfois dans ce monde où réalité, mythes et croyances se télescopent et entrent en résonances les uns avec autres. Mais cette complexité ne nuit en rien à la fluidité du récit.
C'est l'émerveillement qui l'emporte parce que non seulement l'auteur nous offre une perspective originale de l'histoire de la civilisation humaine mais aussi les aventures de cette corneille deviennent le support d'une réflexion et d'une rêverie intensément poétiques.
Kra fut une lecture passionnante, vertigineuse, je dirai même un moment de grâce bien difficile à retranscrire dans ces lignes. Et John Crowley est assurément un écrivain remarquable, il compte parmi ceux capables à travers une vision hallucinée de donner à l'expérience du monde un sens.
Roman inoubliable.

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« Les mots sont plus grands que leur sens, et capables de vivre sans eux. »

Les livres sont mes compagnons d'évasion, une porte ouverte vers d'autres horizons. Chaque année, pour Noël, je m'offre un roman. Je prends le temps de le choisir, ne recherchant pas forcément la notoriété d'un auteur, d'un livre ou d'une maison d'édition. Je recherche un roman dense, original, bien écrit, et qui fait rêver. Et cette année, je me suis laissée tenter par « Kra » de John Crowley, suite à la critique très prometteuse de JustAWord que je remercie.
La couverture et des illustrations intérieures signées Sonia Chaghatzbanian sont superbes, mais je trouve vraiment dommage que l'impression soit de mauvaise qualité avec le titre en lettres dorées qui s'efface.

*
En raison de leur plumage noir, de leur croassement rauque et lugubre, de leur rapacité et de leur nécrophagie, les corneilles et corbeaux sont, depuis toujours, dépeints comme des oiseaux de mauvais augure, porteurs de mort et de malheur.

« C'est peut-être à cette époque que les jeunes Humains se mirent à lire leur destin dans les Corneilles qu'ils dénombraient :

Une pour la peine
Deux pour la joie
Trois pour une fille
Quatre pour un gars
Cinq pour l'argent
Six pour l'or
Sept pour un secret qu'on cache encore

Les Corneilles de la région auraient pu leur dire qu'on en voit toujours moins qu'il n'y en a en réalité ; mais, comme les rares flocons de neige qu'on reçoit sur la langue ou les feuilles mortes qu'on réussit à attraper, ce ne sont que ceux ou celles qu'on dénombre qui importent. »

Les corvidés ont une influence considérable dans de nombreuses cultures (amérindienne, scandinave, asiatique, grecque, romaine...). Les mythes, les légendes, les croyances se sont tissés depuis le début de l'humanité autour de ces animaux funestes.
La littérature de toutes les époques s'est également emparée de cet animal, considéré comme un intermédiaire entre la vie et la mort.

« Quand tu rentreras chez toi, tu vas raconter ton histoire, …, et cette histoire sera répétée, et répétée encore. Même quand tu seras mort, on continuera de la raconter ; tu parleras et agiras alors à travers cette histoire et tu seras à nouveau en vie. »

C'est ainsi que John Crowley, primé en 2021 pour ce récit, offre aux lecteurs un roman fantastique insolite dans lequel le rôle principal a été confié à une corneille nommée Dar Duchesne, la première de toute L Histoire des hommes à avoir porté un nom à elle.

*
Alors que les conditions climatiques se dégradent sur la Terre, un vieil homme trouve une corneille blessée dans son jardin.
En la soignant, il se rend très vite compte que cet oiseau est différent de ses congénères et qu'il cherche à communiquer avec lui. Avec le temps et en écoutant avec plus d'attention les cris de l'oiseau, l'homme est stupéfait de le comprendre. Et c'est ainsi qu'il va écouter le récit de cette corneille vieille de deux mille ans, qui a voyagé et est descendu à plusieurs reprises dans le royaume des morts dans lequel elle s'est emparée du secret de l'immortalité.

*
Condamné à la vie éternelle, Dar a traversé les âges, de la préhistoire jusqu'à un futur indéterminé en déclin progressif, en passant par l'Europe médiévale, la colonisation du Nouveau Monde, et la guerre de Sécession.
Dar vole d'une période à une autre, et ses aventures, parfois ordinaires, d'autres fois magiques, offrent une vision personnelle de l'histoire des hommes à travers le temps.

« Il m'est à cet instant venu à l'esprit pour la première fois que Dar Duchesne a peut-être vécu des vies qu'il ne se rappelle pas aujourd'hui – des vies trop courtes, trop insignifiantes, ou tout bonnement perdues dans le temps et indisponibles pour en faire des histoires ou des souvenirs. J'y ai réfléchi. Je me demande en outre si les histoires qu'il me raconte, ou les vies qu'il se rappelle avoir vécues et quittées, relèvent d'un choix à ma seule intention. Celles que j'ai le plus besoin d'entendre. Il est possible qu'aux Corneilles il en raconte d'autres qui leur sont d'un grand intérêt. Celles-ci sont les miennes. »

Durant ce long récit, Kra va s'attacher à quelques humains, mais tout en gardant son instinct : une jeune fille chamane, un moine, un guérisseur amérindien, une jeune voyante aveugle et, enfin, le narrateur de l'histoire.
Pour ma part, je ne peux pas dire que je me sois attachée à Kra, alors que j'aime les oiseaux. Son appétit vorace de chair en putréfaction m'a refroidie et légèrement écoeurée. Mais j'ai aimé suivre ses aventures.

« Nous sommes maintenant faits d'histoires, mon frère. Voilà pourquoi nous ne mourons jamais, même quand ça nous arrive. »

*
L'histoire traverse l'espace et le temps, offrant de belles réflexions philosophiques sur la vie, l'importance du nom, l'appartenance à un groupe, le pouvoir des histoires, la mortalité, la mort.
Et malgré toute cette noirceur et cette morbidité, j'ai trouvé l'histoire lumineuse, emprunte de merveilleux et de magie.

*
Ce qui m'a beaucoup plu, outre l'écriture de l'auteur, à la fois poétique et imagée, c'est l'originalité du procédé narratif. En effet, l'histoire est racontée du point de vue du corbeau, par l'intermédiaire du vieillard. Ce sont bien les pensées de l'oiseau qui sont clairement exprimées, et sa propre voix résonne de son regard ignorant et lacunaire sur le monde des hommes.

L'auteur a sûrement fait des recherches assez poussées sur les oiseaux et en particulier les corneilles et les corbeaux car il réussit à incorporer subtilement dans l'intrigue leurs caractéristiques biologiques et leur comportement social, nous rendant Kra plus accessible.
*
L'écriture de l'auteur est vraiment très belle, à la fois onirique, imagée et contemplative. Certains passages sont magnifiques, d'autres effrayants, nauséeux ou répugnants.

« Si les Humains devaient décrire les Corneilles, j'imagine qu'ils les compareraient à une écharpe noire aérienne étalée depuis l'autre côté de l'horizon jusqu'au milieu du ciel. »

*
« Kra » est un roman qui brouille les frontières entre les genres littéraires. Entre réalisme magique et Fantasy historique, John Crowley propose un roman unique, étonnant, ambitieux, une fable douce-amère captivante, mais également exigeante. Ce roman se lit et se digère lentement pour en apprécier toute sa richesse.
Si vous aimez les mythes, si vous êtes attirés par des romans atypiques qui dépassent les limites de genres littéraires, ou bien, si les corneilles vous fascinent, laissez-vous tenter par l'histoire de Dar.
Quoi de plus intrigant que de vivre les histoires d'une corneille chapardeuse et égoïste, porteuse de mort !

« Dans la Terre il est une Porte
Vers les Cieux – quelque part – Où le Tégument et l'Esprit – À jamais – se Séparent. »
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L'imaginaire en France reprendrait-il des couleurs ?
L'année dernière a en effet été marquée par la sortie de plusieurs ouvrages (très) ambitieux et particulièrement exigeants sur le plan littéraire.
On pense notamment à Trop Semblable à l'éclair d'Ada Palmer au Bélial' ou à Vorhh de Brian Catling chez Outre Fleuve mais aussi, et surtout, au sublime Vita Nostra de Marina & Sergueï Diatchenko, roman de fantasy subtil et brillant paru aux éditions L'Atalante.
Fort de ces succès critique et public, les éditions L'Atalante ont décidé de tenter un second coup de poker en confiant à Patrick Couton la traduction d'un ouvrage aussi érudit qu'ambitieux : Kra, Dar Duchesne dans les ruines de l'Ymr.

John Crowley, le retour d'un géant
La traduction française de Kra marque surtout le retour dans l'Hexagone d'un fabuleux auteur américain : John Crowley.
On se souvient tout particulièrement de L'Été Machine, son roman post-apocalyptique joyeux ou encore de son chef d'oeuvre fantastique, le Parlement des Fées.
Pourtant, depuis 1997 et le second volet de sa tétralogie Ægypt (qui n'a jamais été intégralement traduit en français…), aucune nouvelle fraîche de l'écrivain à l'exception de quelques rééditions ici ou là.
Le public français serait-il réfractaire au style de l'américain ?
Ce n'est pas l'avis de L'Atalante qui nous offre son dernier roman en date, Kra, petit pavé de 500 pages paru en 2017 et lauréat du Mythopoeic Fantasy Award l'année suivante.
Il était grand temps de retrouver la plume unique de John Crowley et son talent de conteur à nul autre pareil.

Des hommes et des corneilles
Tout commence par le sauvetage d'une corneille malade par un homme endeuillé. Dans un futur sinistre où l'humanité a quasiment réussi à s'autodétruire, notre narrateur existe encore, hantée par la mort de sa femme, Debra, qui le suit en clair-obscur comme un rappel de sa fin prochaine et inéluctable.
En recueillant cette corneille balafrée d'une étrange marque blanche, l'homme ne sait pas qu'il vient de venir en aide à Dar Duchesne, un immortel qui a vu le début du monde…et qui en verra certainement sa fin !
Dar Duchesne, qui connaît la langue des hommes, se met alors à raconter à son bienfaiteur des histoires tirées de ses multiples vies, des histoires incroyables et terribles, belles à en mourir, vieilles à en pâlir.
John Crowley utilise sa langue poétique et sensible pour se pencher sur l'existence d'un animal. Mais pas n'importe lequel : la Corneille. Cet oiseau tout de noir que l'on dit messager de la mort, un oiseau de mauvaise augure, un mauvais présage, un charognard.
Seulement voilà, John Crowley a une autre idée en tête. Il imagine un royaume, celui du Kra, celui des Corneilles, et un autre, l'Ymr, celui des humains. Il imagine des mondes, des époques, des histoires, des épopées.
Le roman égraine les siècles et offre par le détail la vie des Corneilles, ou, plutôt, de LA corneille.
LA Corneille, un jour, rencontre des êtres étranges, des deux-pattes qui manipulent des bâtons. Bien vite, il apprend que les deux-pattes se nomment eux-mêmes humains grâce à Toque de Renard, chaman en devenir, ni homme, ni femme, indompté et indomptable. Avec Toque de Renard, la corneille comprend l'importance du nom, l'importance de nommer ce qui l'entoure…de se nommer. C'est avec le nom que l'on devient immortel, c'est avec le nom que l'on donne une existence aux choses, qu'on se les approprie.
Alors, la Corneille devient Dar Duchesne et nous parle de ses aventures de Corneille. Il nous explique les dangers de son existence, les règles qui régissent le monde des corneilles, leur immortalité et leurs royaumes, leur accouplement et leur dortoir.
John Crowley déroule le monde de Dar Duchesne comme une fabuleuse aventure épique, où l'amour, la mort, la chasse, la communion s'entremêlent.
Tout est en place pour l'exploit.

Des histoires qui font le monde
Au gré des pages, Dar Duchesne traverse le temps. Il rencontre les premiers Hommes et mêle le destin des corneilles et celui des êtres humains. Il donne aux hommes décédés une possibilité de rejoindre l'autre Royaume, apprend aux autres qu'ils peuvent échanger avec les deux-pattes, qu'ils peuvent coopérer, coexister.
John Crowley ne se contente pourtant pas d'une seule histoire, il nous en raconte une myriade. Revisitant les légendes et mythes de l'humanité, de Virgile à Prométhée en passant par la Genèse, Dar Duchesne semble tout vivre. Il vole la chose la plus précieuse avant de se brûler les ailes, il part aux Enfers pour ramener son aimée, il se sacrifie pour les siens tel un martyr de plumes noirs.
Pourtant, c'est définitivement lors de sa visite de la Vallée du Bonheur avec Toque de Renard que Dar Duchesne commet l'irréparable.
Par accident, il égare l'immortalité et celle-ci devient son fardeau.
Quel est la chose la plus précieuse pour le vivant ?
Si certains répondront la vie éternelle, John Crowley, avec malice et subtilité, répond l'inverse. C'est la mort qui devient un cadeau, une finitude qui permet d'apprécier son existence et surtout, qui évite de voir les autres mourir, de perdre les siens, de se perdre soi avec le temps.
Alors que se passe-t-il pour Dar Duchesne ? La vie, voilà ce qu'il se passe. Malgré des morts tragiques, la corneille revient toujours au monde des hommes et poursuit son existence. Il communique avec d'autres oiseaux, noue des amitiés avec des Saints et avec des Indiens, contemple la boucherie de la guerre de Sécession, renverse un tueur de corneilles…et surtout, Dar Duchesne aime et aime encore, malgré ses réticences et ses doutes.
De Renardeaux à Na Cerise, la corneille éternelle devient de plus en plus humaine avec le temps. Ses émotions, sa compréhension des autres, son empathie, tout concourt à faire de Dar Duchesne un homme ET une corneille d'exception.
Mais surtout, surtout, Dar Duchesne raconte.
Encore, encore. Et encore !
John Crowley, à travers son masque de plumes noires, réfléchit sur le pouvoir de l'histoire elle-même et, derrière elle, sur celui du conteur. Qu'est-ce que l'humanité si ce n'est un ensemble de noms et d'histoires, des mots puissants qui vivent pour toujours ? Dans cette oeuvre somme, l'américain semble regarder son propre travail de conteur pour se mesurer aux plus grands mythes, aux plus vibrantes légendes. Il se les réapproprient, les modifient, les modernisent. Il les fait tout simplement revivre encore et encore, cycle après cycle, itération après itération.
Le pouvoir de Kra est là, celui d'analyser le rôle des histoires sur le monde et d'en tirer une conclusion époustouflante : « Nous sommes faits d'histoires » et sans elles, le monde meurt. le monde s'arrête. Grâce à nos imaginaires, à nos aventures fantasmées ou réelles, sanguinaires ou bienveillantes, héroïques ou égoïstes, nous sommes et le monde est.
Ainsi tourne l'univers, sous la plume de John Crowley et de milliers d'autres, de chacun et de chacune d'entre nous, sorciers et magiciennes de notre propre existence.
En filigrane, avec une intelligence époustouflante, Kra devient également un livre de deuil, une façon d'accepter la mort de l'autre et de survivre pour raconter son histoire, sa vérité, ses émotions, ses larmes, ses cris.
Et tout part d'une rencontre, celle d'un homme qui pense être prêt à mourir et celle d'une corneille qui n'en peut plus de vivre.
Mais peu importe ce qu'il se passe, on ne revient jamais sur ce qui fut, on avance, toujours, tout simplement, jusqu'au bout.

Roman exigeant mais d'une infinie beauté, Kra revisite nos légendes et nos croyances, notre passé et notre futur, construit des royaumes et des histoires pour porter le monde et les hommes.
C'est immensément beau, incroyablement dense, extraordinairement rare.
John Crowley parvient au sommet, là-bas, très haut, sur le mont Olympe, parmi les Dieux conteurs de notre temps…et pour longtemps !
Lien : https://justaword.fr/kra-dar..
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Dar Duchesne est une Corneille qui assiste à l'avènement de l'humanité avec un esprit critique que beaucoup d'humains lui envieraient.

Dans un futur très proche, une corneille blessée est recueillie et soignée par un homme. La corneille, qui parle notre langue, va alors lui révéler son immortalité et les histoires qu'elle a vécue depuis le début de l'humanité.

Le récit suit ainsi plusieurs époques.
Au début, la corneille vit avec ses congénères jusqu'à ce qu'elle rencontre et se lie d'amitié avec un shaman issue d'une tribu primitive. de par sa nature extraordinaire, elle va réussir à communiquer avec les humains. Elle apprendra ainsi à nommer les choses. Dès lors, elle nommera le Kra comme le royaume des corneilles et l'Ymr celui des hommes. Dar Duchesne explique le mode de vie des corneilles, comment elles ont acquis leur sinistre réputation de charognards et de mauvais présage.
L'auteur mêle des explications zoologiques et mythologiques dans un récit un peu confus où la corneille sert de témoin à l'avènement et au déclin de l'humanité. Les mondes imaginaires se mêlent à la réalité lorsque la corneille fait l'expérience de visites dans le royaume des morts, des fées ou au purgatoire où elle assistera au jugement d'âmes.
Lors d'un de ces épisodes, Dar Duchène va partir à la recherche du « bien le plus précieux » pour les hommes. Il trouvera ce bien et le perdra aussitôt ce qui lui vaudra sa malédiction. Devenu immortel, il deviendra le conteur, celui qui témoigne du passé mais qui ne peut sauver celles et ceux à qui il tient.
Condamné à mourir et à renaître sans cesse, la corneille nous parle également du deuil et de la mémoire. L'immortalité du conteur et de ses histoires est traitée de façon poétique, j'ai beaucoup apprécié.

Une écriture dense pour une lecture exigeante. de réflexions philosophiques en passages oniriques, l'auteur m'a plusieurs fois perdue dans ses messages. Au final, je ressors de ma lecture avec un sentiment mitigé. D'un côté j'ai fait un beau voyage en compagnie de cette corneille hors du commun et de l'autre, rien de marquant dans l'intérêt que j'ai pu avoir par moment.

Une lecture déconcertante mais plutôt agréable.
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Je me suis laissé tenter par les excellentes critiques des autres babéliotes...Mais voilà, il m'a manqué un truc...Quoi, je ne sais pas trop...

C'est magique cette histoire, comme les contes amérindiens ou africains, mais il y avait un peu trop de corneille à mon goût et pas assez de liaisons avec le monde des humains. Ou alors, trop d'humains dans cette histoire de corneille.

Un peu trop d'incursions dans le monde des morts également, et je n'adhère pas aux croyances d'un univers après la vie, ou parallèle à la vie, comme le dit Dar Duchesne, quand on est mort on est mort...Je dois être une corneille peut-être...

En milieu de livre, cela a commencé à me sembler un peu longuet, je n'ai pas été totalement emportée, ce n'était pas réellement une histoire pour moi, dommage.
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Passé, présent, futur, "Dar Duchesne", corneille immortelle mais tout de même mortelle, va nous conter par le biais du narrateur, tous ses voyages et toutes ses découvertes, ce qu'il se souvient et ce dont il ne se souvient pas, toutes ses vies et toutes ses morts, ses rencontres, le passage du "Kra" à "L'Ymr", son passage de la vie sur Terre à l'ailleurs, d'avant l'humain, jusqu'à notre futur proche.


"KRA" est un ovni littéraire, singulier, puissant, fort de réflexion, beau et noir à la fois, onirique à souhait, un vrai conte universel.


La plume de John Crowley (ainsi que la traduction de Patrick Couton), est exigeante et en même temps raffinée, attirante, elle aimante le lecteur malgré de longs passages de contemplation et de philosophie, on prend son temps, mais on y revient tous les jours avec cette obsession "d'écouter" "Dar Duchesne", oui j'ai bien dis écouter car cette lecture donne cette sensation.


Les amoureux d'imaginaire, de contes, d'onirisme et de beauté doivent absolument lire ce roman qui deviendra très certainement culte si le lecteur est au rendez-vous, mais qui de toute façon sera pour ma part une référence.


Je regrette une toute petite chose, le titre en lettres dorées s'efface au passage répété des doigts, je m'en suis aperçu trop tard, j'ai donc abîmé mon livre qui a pourtant une si belle couverture signée Sonia Chaghatzbanian.
Lien : https://unbouquinsinonrien.b..
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En Résumé : Ce roman m'a offert un excellent moment de lecture, se révélant à la fois onirique, captivant et ne me laissant pas indifférent. L'auteur ne construit ainsi pas son récit de façon classique, mais plus dans une sorte de mélange d'histoire avec en personnage principal un corbeau qui, en plus de vivre sa vie, va voir évoluer l'humanité. Il s'agit clairement d'un récit qui ne plaira pas à tout le monde, mais pour ma part il m'a happé rapidement pour ne plus me lâcher. On plonge ainsi dans un univers que j'ai trouvé d'une certaine façon flamboyant, riche le tout porté par une ambiance étrange, captivante qui vient développer de façon réussie et magnifiques des mythes et légendes. L'auteur remet ainsi le corbeau dans sa position mythique, de l'animal qui fait voyager les morts. John Crowley évite avec Dar Oakley l'anthropomorphisme facile, tout en offrant un protagoniste riche et complexe. le récit offre aussi de nombreuses réflexions intéressantes qui m'ont fait réfléchir, tournant autour de deux axes principaux : les histoires et la mort. La plume de l'auteur est vraiment magnifique, soignée et poétique. Alors après le dernier quart essouffle peut-être légèrement, mais franchement rien de bien bloquant. Au final ce roman m'a fait voyager, m'a fasciné et m'a fait réfléchir, tout en demandant un investissement su lecteur. Il ne plaira pas à tout le monde, mais si vous vous y retrouvez dans ma chronique laissez-lui une chance surtout que normalement il devrait être traduit en VF.


Retrouvez la chronique complète sur le blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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Et voilà
Et voilà un bon livre
Un bon livre qui n'est pas pour moi
Ou que je n'ai pas lu au bon moment.
Je me suis sans doute aussi créé moi-même une attente.

Le roman commence par la rencontre entre un humain et une corneille.
Un corneille spéciale.
L'homme est seul.
On comprend que l'humanité est sur la voie de l'extinction ou tout du moins qu'une grande catastrophe ou régression a eu lieu.
Ce qu'il s'est passé ? On ne le devine qu'à peine.
Cette introduction m'a laissé penser qu'on allait parler de la chute de l'humanité.
Un roman post-apocalyptique raconté par une corneille ? J'ai donc plongé dans le récit de cette corneille en attendant qu'au chapitre suivant on revienne à l'humanité.

Le récit est raconté par Dar Duchesne, première corneille à porter un nom, à comprendre et se faire comprendre de curieux bipèdes qui s'installent près du pays des corbeaux, près du pays de Kra.
Dar Duchesne a fait de bien mystiques voyages.
La corneille n'est'elle pas de ces oiseaux qui accompagnent les morts humains ?
Au cours d'un de ses voyages, elle va découvrir un secret qui la libéra de la mort.

Libérée de la mort mais d'une grande curiosité pour ce monde et l'autre monde.
Elle va entrer en contact avec quelques humains réceptifs.
Il est beaucoup question de la mort, de nos rites, de nos rapports aux morts (rapports bien curieux pour les corneilles).

Il n'y a pas d'intrigue. Quand le récit parle des humains, il est quasiment situé au temps préhistorique ou moyen ageux.

Je n'ai pas su me libérer de mon attente.
Je n'ai pas su lâcher prise et m'embarquer pour ces récits mystiques entre la vie et la mort.

C'était beau. Bien écrit.
C'était très bien raconté d'un point de vue corneilliens. Mais je n'ai pas réussi à me laisser porter par la narration de Dar Duchesne.
J'attendais toujours de revenir aux « Hommes ».
Voilà comment je suis passé à côté d'un sans doute très bon roman.
Lien : https://post-tenebras-lire.n..
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Un roman que j'étais vraiment TRÈS impatiente de découvrir !

Dans un futur proche, le monde est ravagé par la pollution. Nous découvrons un vieil homme, qui a sauvé une corneille. Cette corneille se nomme Dar Duchesne et elle fut la première à porter un nom. Dar Duchesne va nous raconter son parcours, et ses nombreuses vies et morts...

Dar Duchesne est une corneille qui existe depuis fort longtemps : non seulement elle est la première à avoir reçu un nom, mais elle aussi la première à avoir rencontré l'homme. Dar Duchesne va ainsi se lier d'amitié avec plusieurs êtres humains, comme une jeune fille surnommée « Toque de Renard » ou avec « Une-Oreille », un Indien. La corneille va apprendre le langage des humains, leurs us et coutumes, et transmettre certaines de ses connaissances à ses congénères. Mais, ce faisant, Dar Duchesne va aussi se retrouver mis dans une place particulière avec ses congénères. Il va avoir des relations avec des femelles, des petits... Il a également une position de « sage », mais aussi d'étranger.

Kra est un roman très particulier : étant donné que le personnage principal est une corneille, John Crowley a fait en sorte de ne pas mettre un esprit humain dans un corps d'oiseau. Non, nous avons bien affaire – autant que possible – à un oiseau qui nous offre sa vision du monde. le fait de suivre Dar Duchesne fait de Kra un livre original, déroutant, mais deviens surtout une histoire de légende que l'on pourrait lire un soir d'hiver, au coin du feu. Avec son ambiance envoûtante, presque onirique, je ne pense pas que Kra parlera à tout les lecteurs. Mais c'est en tout cas une histoire qui ne peut pas laisser indifférent !

Surtout que l'intrigue de Kra n'est pas spécialement « fournie » : on va suivre les différentes vies de Dar Duchesne, qui va être essentiellement spectateur d'événements, qu'ils soient personnel ou de plus grande envergure. Il n'est pas un de ces héros dont la présence va bouleverser la marche du monde, ou qui va prendre une part active dans les péripéties. Kra est davantage un patchwork d'images, qui va dessiner peu à peu un motif plus large. Et le rythme est calme, posé, ce qui nous permet aussi de nous plonger plus profondément dans les pensées particulières de Dar Duchesne.

Je dirais donc que Kra est un livre vraiment particulier, qui peut ne pas plaire à tout le monde, mais qui m'a personnellement bluffée ! J'ai été conquise du début à la fin, et je vous encourage à au moins y jeter un coup d'oeil.

(Voir mon avis sur mon blog.)
Lien : https://chezlechatducheshire..
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