L'intelligence artificielle alimente autant de peurs que d'espoirs : les écrivains de science-fiction se sont souvent emparés du concept, présentant des robots comme des fidèles machines qui oeuvrent pour le bien-être de l'humanité, ou au contraire comme les prochains maîtres du monde, capables de réduire leurs créateurs en esclavage.
Si la « machine pensante » n'est pas une idée neuve (les golems, Pygmalion, Pinocchio, …), le développement de l'informatique la rend désormais possible. Cet essai de
Crevier retrace l'histoire de cette jeune discipline qu'est l'intelligence artificielle, âgée d'une septantaine d'années seulement. Les espoirs ont été grands dès le départ : androïdes capables de réaliser des tâches courantes, formalisation du langage et traduction automatique, systèmes capables de produire de nouvelles idées, … Ces objectifs ne sont pas prêts d'être atteints aujourd'hui : les rares robots produits n'arrivent à remplir que quelques tâches de base, à condition qu'aucune perturbation ne se produise ; les ordinateurs ne font que ce qu'on leur dit de faire, et ne font toujours pas preuve d'indépendance. Quant aux traducteurs automatiques, quiconque s'est déjà amusé à traduire une phrase dans une langue, puis à la retraduire dans la langue d'origine, sera convaincu que ce n'est pas encore pour tout de suite.
La cause de ces déceptions est principalement le manque de connaissances sur le fonctionnement de l'intelligence humaine. Les chercheurs doivent procéder par tâtonnements, s'inspirant tant bien que mal des dernières recherches en psychologie, avec quelques réussites, mais plus souvent dues au matériel (capacité de stockage des informations, vitesse de calcul) qu'à une réelle intelligence : un joueur d'échec parvient en un coup d'oeil sur le plateau de jeu à se concentrer sur les cinq ou six coups les plus prometteurs, l'ordinateur ne parvient à lutter qu'en étant capable d'examiner des millions de possibilités.
L'essai est assez agréable à lire, bien qu'un peu daté aujourd'hui, puisqu'il est sorti vers les années 90. L'auteur expose bien les attentes et les déceptions de cette discipline passionnante aux frontières de l'informatique, de la biologie, de la philosophie et de la psychologie.