L'avantage d'une intégrale, c'est qu'elle permet d'appréhender une oeuvre dans sa totalité. L'inconvénient, c'est quand le découpage sépare 2 épisodes comme ici entre les volumes 12 et 13 des aventures de Jonathan. Mais il est aussi vrai que
Cosey a attendu près de douze ans avant d'écrire et de dessiner le volume 13,
Revenons à la première histoire : que fait donc Jonathan au pays des Naxis, au fin fond de la Chine, dans cette région encore marquée par le matriarcat ? Il cherche à acheter quelqu
e chose et à revoir quelqu'un, « une étoile en plein jour ». Sa quête rencontre celle d'un lama tibétain, évadé de la lointaine prison où le gardaient les Chinois et à la recherche d'un manuscrit dans son monastère.
Et tout à coup, sur la planche 20, la voici la personne que cherche Jonathan : c'est Jung Lan, mais l'étoile qui brille sur sa dent ne luit plus. Comme elle s'est engagée pour défendre les Tibétains qui sont devenus ses amis (dans le tome 12, « Celui qui mène les fleuves à la mer »), elle a été obligée de se soumettre à une rééducation. On dirait bien que Jonathan ne pourra jamais la revoir vraiment. Ils se croisent sans pouvoir se parler et quand Jonathan peut enfin acheter le « Bonheur » qu'il convoitait – en fait une moto pour s'enfuir avec Jung Lan -, tout se précipite : les Chinois brûlent tous les livres et ferment la région, Jung Lan doit retourner à Pékin pour une tournée. On croit que Jonathan et elle vont se manquer, mais finalement la dernière nuit est celle de tous les dénouements. Jonathan retrouve quelques livres dans le monastère, dont l'un se révèle être le manuscrit perdu ; alors que Jung Lan vient de le manquer, il la rejoint dans sa chambre et ils arrivent à passer ensemble leur première nuit – dans laquelle luit enfin l'étoile - ; Jung Lan apprend qu'elle doit partir en Europe pour une tournée. le lever du jour apporte la solution à leurs problèmes : en partant pour cette tournée, Jung Lan réussit à emporter le manuscrit avec son instrument de musique, et plus tard, elle peut se réfugier en Grande-Bretagne.
Un dernier commentaire graphique sur cette histoire : je trouve le découpage du haut de la planche 52 magnifique, passant de Jonathan et Jung Lan à son étoile sur la dent.
La deuxième histoire de ce volume se déroule loin des chemins habituellement parcourus par Jonathan, en Birmanie où il a accompagné un médecin du CICR. C'est une rencontre réelle de
Cosey avec des dessinateurs birmans qui est à l'origine de cette histoire, ce qui nous permet aussi d'avoir des cases de BD birmanes. Et d'apprendre que la censure agit dans ce pays en recouvrant de blanc les cases interdites.
En raison d'une halte forcée, Jonathan reprend son journal. C'est donc sous le signe de l'introspection que ce volume est placé, bien plus que sous celui de l'action. Il y a d'abord le journal de Jonathan et ses méditations sur « Elle » dont il ne connaît pas le visage, mais dont il sait qu'elle lui sourit. Il y a ensuite son dialogue imaginaire (ou à travers des lettres) avec « C. » A travers les allusions aux Alpes, à Jung, au lac de Zürich, on devine assez vite que ce « cher C. », c'est
Cosey lui-même. Il a trouvé ce moyen pour nous faire partager ses interrogations dans un dialogue avec Jonathan.
Cosey lui-même dit qu'il a assemblé dans cet album des éléments épars de ses carnets.
Il y a encore une lettre que Jonathan reçoit de Kate. Sur cinq pages, elle lui décrit son appartement, ses travaux de peinture qui la ramènent à son enfance et à une foule de détails qui la conduisent jusqu'au Château de l'Oiseau Blanc, en passant par le Palais du Roi sans Nom et de la Reine sans Visage.
Il y a enfin de longs entretiens de Jonathan avec U Kyi (frère Clarté) qui l'initie au bouddhisme tout en posant une foule de questions sur la pensée occidentale ou sur la société de consommation.
Alors que Jonathan résiste depuis longtemps au pouvoir des Chinois au Tibet, c'est presque malgré lui qu'il devient un résistant à la junte birmane, en suivant la « Voie du bouton de lotus » selon les instructions que U Kyi lui laisse. Ou comment utiliser la technologie occidentale et les moyens logistiques de la dictature pour communiquer au monde entier les noms de ses victimes. C'est un album où le surnaturel a une large place, notamment avec les 37 Nats. Mais cette « mission » de Jonathan l'ancre dans la réalité du pays, comme la rencontre avec Sabei, femme de l'un des prisonniers politiques, même si elle garde une part de mystère.
Un dernier clin d'oeil avant de fermer ce volume : une allusion à
Aung San Suu Kyi; la « Dame de Rangoon » dans la dernière case de l'avant-dernière page !
Pour terminer cette critique, un dernier commentaire sur ce 5e volume de l'intégrale : comme il ne comprend que 2 épisodes, le dossier introductif est un livre à part entière, avec 64 magnifiques pages.