Souvent, la cohabitation se transformera en une torture physique pour l'un des partenaires (le plus souvent la femme) tandis qu'elle procurera encore un peu de plaisir à l'autre, et ce, pour une raison simple : les corps, tout comme les âmes, évoluent rarement, voire jamais, de façon synchronisée. Ce manque de simultanéité est la plus grave objection que l'on puisse opposer au mariage. Même si deux personnes sont parfaitement et constamment adaptées l'une à l'autre, rien ne prouve qu'elles continueront à l'être durant le reste de leur existence.
Les terribles tragédies de l'antipathie sexuelle, le plus souvent au nom de la honte, ne seront jamais dévoilées. Mais elles ont causé d'innombrables meurtres sur cette terre. Et même dans les foyers où l'on a maintenu l'harmonie et où, apparemment, règne la paix conjugale, un tel climat familial n'est possible que parce que l'homme ou la femme s'est résigné, a nié sa propre personnalité. L'un des partenaires accepte de s'effacer presque totalement pour préserver la famille et le respect de la société.
Si ces phénomènes, cette dégradation physique sont horribles, rien n'est plus terrible que la dévastation des âmes. Lorsque la période de l'attraction physique prédominante prend fin et que les tendances de chaque âme commencent à s'affirmer de plus en plus ouvertement, rien n'est plus affreux que de se rendre compte que l'on est lié à quelqu'un, que l'on va vivre jusqu'à sa mort avec une personne dont on sent que l'on s'éloigne chaque jour de plus en plus.
« Pas un jour de plus ensemble ! » affirment les partisans de l’union libre. Je trouve de tels slogans encore plus absurdes que les discours des avocats de la « sainteté » du mariage. Les liens existent, les liens de la vie commune, l’amour du foyer que l’on a construit ensemble, les habitudes associées à la cohabitation et à la dépendance ; il n’est pas facile de se débarrasser de ces véritables chaines, qui tiennent prisonniers les deux partenaires. Ce n’est pas au bout d’un jour ou d’un mois, mais seulement après une longue hésitation, une longue lutte et des souffrances, des souffrances très éprouvantes, que la séparation déchirante se produira. Et souvent elle ne se produit même pas.
Supposons qu'ils se marient, disons à 20 ans ou quelques années plus tard, ce qui est généralement le cas puisque l'appétit sexuel est le plus actif à cet âge ; les deux partenaires (et pour le moment, je mets de côté la question des enfants) se trouveront trop (et trop fréquemment) en contact. Rapidement, ils ne savoureront plus la présence de l'autre. L'irritation commencera. Les petits détails mesquins de la vie commune amèneront le mépris. Ce qui était autrefois. une joie exceptionnelle deviendra un automatisme, et détruira toute retenue, toute délicatesse.
Timelapse Portrait : Voltairine De Cleyre.