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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Contes des amérindiens Tsimshian d'une part et contes nippons d'autre part, Marie Charrel part à l'assaut de rêves peuplés des créatures fantastiques et d'une nature sauvage, prolifique et mystérieuse.
Dans les pas de Jack, creekwalker en Colombie-Britannique chargé du comptage du nombre de saumons dans les rivières. Des pas solitaires pour cet amoureux de la nature, qui, s'il l'écoute et la comprend mieux que personne, a des difficultés à communiquer avec les siens, en particulier sa belle-mère et son frère qu'il n'a pas réussi à dissuader de partir faire la guerre.
Des années 20 aux années 50, sur les ailes d'Aika, une picture bride, une jeune-fille japonaise de dix-sept ans, que son futur mari canadien a choisi sur une photo. Quelle humiliation à la descente du bateau de découvrir que celui qu'elle imaginait jeune et riche est en réalité un homme pauvre qui a menti sur son âge en envoyant une photo datée de quinze ans.
Ce roman raconte le destin de ces immigrés japonais, isei pour Aika (la première génération), nisei pour Hannah sa fille (la deuxième génération) en Colombie-Britannique, qui ont subi racisme, humiliations, privations de libertés.
J'ai découvert tout un pan de l'histoire qui m'était inconnu ; plus de vingt et un mille japonais et canadiens d'origine japonaise ont été internés dans des camps au Canada pendant la seconde guerre mondiale.
Ce récit s'est révélé enchanteur pour toutes les histoires et croyances transmises, en particulier celle du Moksgm'ol, l'ours esprit, ours blanc car porteur d'un gène rare, animal totem des Gitga'at, l'un des peuples tsimshian.
J'ai regretté cependant que l'autrice fasse d'inutiles allers-retours dans le passé, car s'ils ne nuisent pas à la compréhension du récit, ils l'alourdissent inutilement.
Des visions oniriques, des animaux fantastiques, une nature sublimée, des hommes perclus de violence et de haine, des femmes soumises qui se révèlent guerrières, tous les ingrédients d'un conte narré au coin du feu dans une petite maison de pierre perdue au fond des bois. Merci à Marie Charrel pour ces poétiques et terrifiantes histoires mêlant avec subtilité les petites et la grande.

« -Mon père aimait les histoires lui aussi, dit-elle après un long moment. Ma mère ne comprenait pas. Lui disait qu'elle ne les entendait pas pleurer.
-Qui ?
-Les histoires. Mon père affirmait qu'elles sont des filles du vent, pareilles à de petites fées errant dans l'immensité du ciel, perdues, jusqu'à ce qu'elles rencontrent un conteur disposé à les libérer par ses mots.
- C'est une belle histoire sur les histoires.
- Il aurait aimé celle des Tsimshian. Il est mort avant d'avoir pu me raconter toutes celles qu'il portait en lui. »
(p.190)
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Premières pages : une jeune femme se fait attaquer par un ours blanc en Colombie Britannique. Il sera mis en doute plus loin que les ours blancs n'existent pas dans cette partie du monde. L'explication ne viendra jamais. Ormis cette petite contrarié, le reste m'a bien plu et surtout cette belle rencontre, sans sexe, de deux êtres si différents, une chinoise et un amérindien, une soignée et un soigneur. Deux êtres qui ont souffert du racisme et de l'exclusion. Ces deux taiseux vont s'ouvrir en se côtoyant. Révoltant de découvrir ce pan de l'histoire où on a fait venir des nippones au Canada par l'intermédiaire de lettres pour les exploiter puis les persécuter. de belles légendes amérindiennes nous sont contées. La nature y est sublimée. À découvrir.
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Les mangeurs de nuit sont, dans la mythologie des Issei (ces japonais nés au Japon mais ayant émigré à l'étranger, mais c'est aussi le prénom du célèbre couturier et du cannibale qui n'ont rien à faire dans notre histoire), de grosses lucioles un peu féériques.
Elles sont, en quelque sorte, au centre du récit de Marie Charrel.
La chronologie de celui-ci s'étend de 1926 à 1956 mais, comme se serait trop facile, alors on commence "in ultima res" puis on analepse puis "in médias res" puis on analepse et ainsi de suite...mais le récit est particulièrement fluide, on se perd juste comme il faut...
Nous allons donc suivre les destins croisés de deux individus singuliers, atypiques, solitaires et parfois solaires quelque part entre Vancouver et la Grande forêt pluviale.
Sans trop rentrer dans les détails, ce serait trop dommage:
- Il y a Hannah, fille d'AÏka qui a traversé le pacifique pour rejoindre un époux dont elle n'a vu que la photo. C'est le sort de milliers de japonaises précaires(les "picture brides") qui se marient par correspondance à des immigrés japonais de Colombie britannique, supposément riches.
-Il y a Jack dont la belle-mère Ellen (qui l'a élevé) est une Gitga'at, une autochtone.
Hannah et Jack, pour des raisons différentes vont être ostracisés, stigmatisés.
Hannah connaitra la vindicte, l'exil, les camps de réfugiés : il y a eu Pearl Harbour bien sur, mais le racisme anti-"jaune" pré-existait.
Jack, orphelin de mère a un demi-frère (qui a du sang indien donc, j'espère que je ne vous ai pas perdus!) Mark. Ce dernier sera, comme beaucoup de natifs, christianisé de force dans les internats de l'horreur.
Jack est un creekwalker, un patrouilleur qui recense le nombre de saumons de sa zone de responsabilité.A la fois névrosé, autiste et timide, Il évoluera vers une symbiose sylvestre pour devenir une sorte d'anachorète de la forêt.
Evidemment Jack et Hannah vont se rencontrer, se percuter de plein fouet, et changer le tracé de leurs vies:
"Guérir serait revenir à l'état initial. On n'efface pas de telles blessures ; on plonge dedans, on s'immerge dans la douleur et l'obscurité jusqu'à les traverser. Lorsque l'on est passé de l'autre coté, seulement alors, on peut recommencer à marcher"
Marie Charrel nous livre un texte très inspiré, qui relève du "Nature writing" et de l'épopée chamanique. Il y a une sorte d'hybridation de Pete Fromm et de Nastassjia Martin.
On s'indigne bien sur de toutes ces haines xénophobes mais on s'émerveille devant ces résiliences déroutantes, semi-magiques qui tiennent beaucoup des contes et légendes indiennes et japonaises (Tsimshian et Issei donc) .
L'autrice raconte les mythes fondateurs de peuples que tout éloignent mais que tout rassemblent à l'intérieur des récits fondateurs.
C'est beau, troublant, exotique, rythmé mais il m'a manqué un poil d'émotion pour m'attacher vraiment aux protagonistes. Ce n'était d'ailleurs peut-être pas l'intention de Marie Charrel...
Hannah et Jack deviennent des personnages d'anthologie qui s'éloignent inexorablement du lecteur.
Restera le Moksgm'ol, l'ours esprit, qui prend parfois la forme d'un gros nounours blanc, fantomatique et omniscient.
Une lecture déroutante, étrangement rayonnante.
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Marie Charrel décrit avec une infinie poésie les arbres, le ciel et le lac, les parant d'une aura sibylline alors que des légendes amérindiennes et japonaises s'invitent dans ces pages. Celles-ci éclairent les héros d'un jour nouveau, faisant des minorités qu'ils représentent des passeurs d'histoires, des peuples à l'héritage malmené par le racisme du siècle passé. Humains, touchants, les protagonistes sont pourtant écrits d'une plume bien plus prosaïque que les mythes qu'ils relatent, que la forêt où ils vivent (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/03/30/les-mangeurs-de-nuit-marie-charrel/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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En voilà une très jolie découverte. Un roman conseillé par mon libraire, écrit par une française alors qu'il se passe en Colombie britannique et qu'il est manifestement très inspiré par le courant « nature writing » américain. Bref une surprise totale en littérature française et une bonne surprise ! Il traite aussi du triste sort des japonais installés au Canada avant la seconde guerre mondiale.

Aïka arrive sur un bateau dans les années 30 pour épouser un japonais installé au Canada. Elle rêve du bel homme qu'elle a vu sur les photos qui lui ont été envoyées mais elle va vite déchanter. Hannah est retrouvée presque morte après avoir été attaquée par un ours. Elle fuit un danger mais lequel ? Jack vit seul dans la nature et est payé pour compter les saumons qui remontent les rivières. Il vit en ermite avec son chien et fuit les contacts, mais il va recueillir Hannah.

Tous ces personnages ne semblent pas voir de liens au départ, mais petit à petit le récit les rapproche et déroule leur histoire. La narration est un peu complexe dans les premiers chapitres mais rapidement, le puzzle se met en place. On apprend le sort tragique des japonais installés au Canada quand les tensions montent entre leur pays d'origine et leur pays d'accueil. Dépossédés de tous leurs biens, parqués dans des camps, il leur faut survivre dans des conditions extrêmes. En parallèle, l'auteur aborde aussi le sort des amérindiens dont les enfants leur sont arrachés pour être placés dans des pensionnats.

Une belle lecture avec des personnages attachants et une écriture qui sait rendre la beauté de la nature et sa fragilité aussi. Un roman qui prend parfois des accents oniriques en contant les histoires d'animaux fantastiques et les légendes amérindiennes.
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Les "picture brides"ou "mariées sur image" fait référence à la pratique au début du XXe siècle des travailleurs immigrés à Hawaï et sur la côte ouest des États-Unis et du Canada, ainsi qu'au Brésil, sélectionnant des épouses de leur pays d'origine via un système de photos.
Pour ces jeunes femmes, les désillusions devaient être nombreuses.
L'héroïne de ce roman est une jeune japonaise de 17 ans qui va rejoindre son futur mari au Canada, mais à peine arrivée, elle comprend que sa vie future ne sera pas du tout celle promise.
Son mari ne correspond pas à la photo envoyée, il est beaucoup plus âgé que prévu et surtout, il ne possède ni la maison, ni la voiture ni la situation professionnelle annoncée.
Il y a une très belle qualité d'écriture, j'ai beaucoup aimé les passages sur la nature et les légendes aussi bien japonaises qu'amérindiennes.
J'ai trouvé l'histoire passionnante d'un point de vue historique, on apprend plein de choses sur le sort des japonais et celui des amérindiens à cette époque (des années 20 aux années 40).
Bon, par contre, quelle tristesse de voir ces vies malmenées et ça ne s'arrange pas vraiment au fil de l'histoire....
Je ressors de cette lecture avec un avis mitigé, car d'un côté le roman se lit bien, l'intrigue est captivante, mais le pessimisme englobe vraiment tout le récit et la note d'espoir de la fin est vraiment très mince.

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Que voilà un roman foisonnant! Tout à la fois roman historique, roman nature writing, roman mêlant les contes japonais et les contes amérindiens, il se présente comme un immense fil d'Ariane . Hormis les bornes spatio-temporelles, Colombie britannique et espace temps entre 1926 et 1956, nous voguons de ci de là au fil de la mémoire d'Hannah ou de celle de Jack . Deux personnages hors normes elle la Nisei et lui le creekwalker nous ensorcellent.

Un roman foisonnant donc où les informations fusent où la magie s'infiltre par tous les pores de notre peau . Un roman également déroutant par sa structure de narration , un roman remarquablement écrit parfois même trop bien écrit .

Un sujet souvent traité , souvent abordé dans mes lectures un sujet abordé par Marie Charrel sous un angle plus en adéquation avec le regard que le monde lui porte aujourd'hui.
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Un roman nature-writing imprégné de légendes japonaises et amérindiennes sur la rencontre de deux êtres cabossés par leur histoire familiale. Pour le canadien solitaire et un brin misanthrope, la petite japonaise blessée par un ours, et qu'il lui faudra soigner, bouscule un quotidien tranquille faits de courses en forêts et le long des cours d'eau au comptage des saumons. Ces deux-là finiront par se trouver, en confiance et amour de la nature de cette magnifique Colombie Britannique.

Des années 30 à l'après-guerre, le fond historique du roman évoque l'ostracisme social des nippo- canadiens, et leur emprisonnement dans des camps à la suite de Pearl Harbor, à l'image de la communauté japonaise des Etats Unis. Les faits sont documentés, déjà souvent utilisés en littérature (c'est ce qui justifie ma note moyenne) et constituent la principale accroche du récit.
L'auteur construit dans ce contexte des personnages incarnés, les faisant évoluer dans des époques entremêlées, au risque de perdre un peu le fil.

Un plume élégante, qui se veut poétique pour une ode à la nature et à la vie. Je reconnais néanmoins être restée de marbre face aux contextes contes et mythes.
Une jolie lecture, en demi-teinte car peut-être un peu convenue
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Je savais que les japonais émigrés aux Etats-Unis avaient été parqués le temps de la seconde guerre mondiale, j'ignorais qu'il en fut de même au Canada.

J'ai eu de la peine pour Aika, jeune japonaise qui débarque au Canada pour se marier avec un homme qu'elle ne connait pas. le bateau qui la transporte est rempli de ces femmes. Mais j'ai aimé son courage tout au long de sa vie.

J'ai aimé son amie de voyage Kiyoko, une femme pragmatique qui ne souhaite pas vraiment se marier mais plutôt devenir indépendante dans ce nouveau pays.

J'ai aimé sa fille Hannah, bilingue et avide des histoires de son père qui lui raconte les légendes japonaises.

Je suis restée un peu plus distante de Jack, le creekwalker solitaire dont la mère adoptive appartient à la nation autochtone tsimshian.

J'ai appris que les immigrés de la première génération étaient appelés les Issey, et la seconde les Nissey.

J'ai aimé découvrir l'écosystème du saumon en Colombie-Britannique : les ours et les loups s'en repaissent, mais aussi les mousses des rives et les herbes qui absorbent les minéraux des carcasses, les mammifères se nourrissent des herbes, ainsi que les insectes.

J'ai découvert l'AEL : l'asiatic exclusion league qui pourchassait les japonais et les terrorisait. Mais j'ai aimé que certains personnages se rebiffent et fassent croire que l'armée du Japon, s'était eux.

J'ai aimé les contes et légendes, notamment celle de l'ours blanc, racontées dans ce roman en plus du récit initial.

Quelques citations :

Le désir des hommes est insatiables, et nous avons du pouvoir sur eux. Voilà pourquoi j'ai ouvert un bordel plutôt qu'un restaurant : j'y gagne beaucoup plus d'agent. Ici, j'ai du pouvoir. (p.103)….

l'obscurité ne tuait pas la lumière. Elle la révélait. Les souffrances et les deuils, les blessures que lui infligeaient la vie, ses propres faiblesses et échecs ne rendaient que plus intenses et précieuses encore l'étincelle qui brûlait en lui. (p.109)

Pourquoi tu penses que les Japonais réussissent si bien dans le commerce ? Pas parce qu'ils sont plus doués avec l'argent, loin de là, mais grâce aux femmes qui, dans les arrières-boutiques, tiennent les compte et gèrent les relations avec les fournisseurs. (p.118)

L'image que je retiendrai :

Celle du père de Hannah lui racontant la légende des mangeurs de nuit qui donne son titre au roman.
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Un livre très riche et poétique, où se côtoient légendes amérindiennes, contes japonais, nature sauvage des grands espaces canadiens et Histoire.
Mélangeant les temporalités, de l'avant guerre jusqu'en 1956, nous suivons le cheminement de plusieurs personnages au Canada. Aika, une "picture bride" qui perd toutes ses illusions lorsqu'elle découvre celui qui deviendra son mari, leur fille Hannah, et un creekwalker, Jack, qui arpente les rivières et la forêt en compagnie de ses deux chiens.
Un roman foisonnant donc, car Marie Charrel aborde de nombreux thèmes entre ces pages : le destin des japonais ayant immigrés en Colombie-Britannique, celui des "picture bride" qui quittent le Japon pour épouser des inconnus, le sort qui leur est réservé pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque le Japon devient ennemi. Est également abordé le destin des amérindiens, notamment des enfants, qu'on oblige à se défaire de leur culture dans les écoles. Des thèmes intéressants donc, qui questionnent aussi et des personnages dont les parcours faits de force et de fragilité sont tout autant intéressants.
Mais ce roman est avant tout une très belle ode à la nature, avec de magnifiques descriptions de ce qu'elle a de plus sauvage, mystérieuse, apaisante, et comment en son coeur peuvent coexister les légendes de différentes cultures. Ces moments passés dans la forêt en compagnie de Jack, un personnage que j'ai trouvé très beau, ont été mes préférés.
J'ai donc aimé me laisser surprendre par cette lecture, que l'on peut qualifier de nature writing, dont je ne peux que conseiller la découverte.
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