L'une et l'autre

François Cérésa consacre un beau roman aux problèmes d'un vieux couple, qui s'enlise dans la routine et dont les sentiments se sont émoussés. Toujours fringuant, Marc ne parvient plus à regarder Melinda, son épouse, avec des yeux conquis. La soixantaine a marqué les corps et les gestes remplis de tendresse ne le font plus frémir. Pourtant, un soir de Saint Sylvestre, une nouvelle Melinda apparaît sur le seuil de la porte, fraîche comme elle l'était lorsqu'elle avait trente ans, les traits superbes et avec une allure de jeune femme prête à reconquérir celui qu'elle a épousé par amour. Il ne s'agit évidemment pas d'une analyse sociologique sur la situation de vieux amants, mais d'une parabole sur le temps qui fuit et sur les regrets que certains formulent à propos de celui-ci. Lorsqu'une seconde chance leur est donnée, sont-ils capables d'en profiter ou tout n'est-il qu'une illusion destinée à s'évaporer dès le retour au présent ? Ici l'écriture est belle et coule sans s'appesantir sur les personnages, qui traversent l'existence en regardant derrière eux, plutôt que de voir l'avenir avec sérénité. L'irruption d'une touche de fantastique apporte la fantaisie nécessaire pour tout remettre en question, bousculer les certitudes et amener le protagoniste à réapprendre la valeur des choses, le langage du coeur et l'introspection. Vieillir n'est pas une malédiction, plutôt le juste prolongement de l'existence, faite d'expériences, de sagesse acquise au fil des décennies et l'obligation de poser un regard différent sur soi et ceux qui nous entourent. La beauté est-elle purement physique ? Avec un corps qui ressemble à celui de Jane Fonda dans « Les félins », Melinda sera-t-elle une meilleure épouse pour Marc ? le lecteur le découvrira en dévorant cet ouvrage à la fois grinçant et drôle.