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Citations sur Un roman russe (79)

Tu étais fière que je devienne écrivain. Il n'y a rien de mieux à tes yeux. C'est toi qui m'as appris à lire et à aimer les livres. Mais tu n'as pas aimé la sorte d'écrivain que je suis devenu, la sorte de livres que j'ai écrits. Tu aurais voulu que je sois un écrivain comme, je ne sais pas, Erik Orsenna : un type heureux ou qui, en tout cas, le paraît. Moi aussi, j'aurais bien voulu. Je n'ai pas eu le choix. J'ai reçu en héritage l'horreur, la folie, et l'interdiction de les dire. Mais je les ai dites. C'est une victoire.
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A tes yeux j'appartiens au cercle à la fois enchanté et odieux des héritiers. Tout m'a été donné [...] à la naissance: la culture, l'aisance sociale, la maîtrise des codes, grâce à quoi j'ai pu librement choisir ma voie et vivre en faisant ce qui me plaît, au rythme qui me plaît.
P. 79
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Mon grand-père aurait maintenant plus de cent ans, et il est très probable qu’il a été abattu quelques heures, quelques jours ou quelques semaines après sa disparition. Mais pendant des années, pendant des dizaines d’années, ma mère s’est efforcée - ou interdit, mais c’est pareil - d’imaginer l’inimaginable : qu’il vivait quelque part, qu’il était prisonnier peut-être, qu’un jour il reviendrait. Aujourd’hui encore, je le sais parce qu’elle me l’a dit, il lui arrive de rêver de son retour.
J’ai compris que si l’histoire du Hongrois m’a tellement bouleversé, c’est parce qu’elle donne corps à ce rêve. Lui aussi a disparu à l’automne 1944, lui aussi s’est rangé du côté des Allemands. Mais lui, cinquante-six ans plus tard, il est revenu. Il est revenu d’un endroit qui s’appelle Kotelnitch, où je suis allé et où je devine qu’il me faudra revenir. Car Kotelnitch, pour moi, c’est là où on séjourne quand on a disparu.
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Je connais assez l’expression de ma mère quand on s’approche d’un sujet pénible pour conclure avec certitude que mes parents ne mentent pas. Si leur version est juste, ce dont je suis à présent convaincu, la mienne est fausse. Mon souvenir, pourtant, reste précis, vivace, il renvoie à quelque chose de réel, et le sentiment de culpabilité qu’il éveille m’a accompagné toute ma vie. Je n’ai peut-être pas tué Nana, mais alors qui ai-je tué ? Quel crime ai-je commis ?
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Page 341: " Je m'endors ivre, anesthésié par l'alcool. J'ouvre les yeux vers 9 heures, je reste prostré au lit jusqu'à midi. Je ne bouge pas du tout, comme si la souffrance était un animal, à l'intérieur de moi, que le moindre mouvement réveillerait."
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"Mon coeur, écrit-il, est devenu dur et froid comme de l'acier et, s'il n'y avait le contact de ta petite main, la seule chose qu'il soit encore capable de sentir, il aurait complètement oublié jusqu'à l'idée de la lutte."
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Voilà, c'est dit. Une fois dit, ce n'est pas grand-chose. Une tragédie, oui, mais une tragédie banale, que je peux sans difficulté évoquer en privé. Le problème est que ce n'est pas mon secret, mais celui de ma mère.
Adulte, la jeune fille pauvre au nom imprononçable est devenue sous celui de son mari - Hélène Carrère d'Encausse - une universitaire, puis un auteur de best-sellers sur la Russie communiste, postcommuniste et impériale. Elle a été élue à l'Académie française, elle en est aujourd'hui le secrétaire perpétuel. cette intégration exceptionnelle à une société où son père a vécu et disparu en paria s'est construite sur le silence et, sinon le mensonge, le déni.
Ce silence, ce déni sont littéralement vitaux pour elle. Les rompre, c'est la tuer, du moins en est-elle persuadée, et je me suis persuadé de mon côté qu'il est, pour elle et moi, indispensable de le faire. Avant sa mort à elle, et avant d'avoir, moi, atteint l'âge du disparu - faute de quoi je redoute qu'il me faille comme lui disparaître.
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Je voudrais te mériter, même si je sais que c'est trop tard. Je voudrais dans l'absence et le manque écrire un livre qui raconte notre histoire, notre amour, la folie qui s'est emparée de nous cet été, et que ce livre te fasse revenir.
Je voudrais qu'il y ait une seconde première fois.
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J’ai reçu en héritage l’horreur, la folie, et l’interdiction de les dire. Mais je les ai dites. C’est une victoire.
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Même si je ne l’ai encore racontée à personne, je sais déjà qu’il y a deux façons de la raconter. À la première, l’interlocuteur réagit en disant : tu as raison, cette fille est menteuse, jalouse et infidèle, ce que tu as de mieux à faire c’est de la quitter. Et à la seconde : vous venez de vivre une crise très violente, mais ce que j’entends dans ce que tu dis c’est que tu l’aimes et qu’elle t’aime, alors surmontez ça, déployez-vous, soyez heureux. Ce soir, je raconte la seconde version, mais je passerai de l’une à l’autre, les jours suivants, au gré de cette oscillation pendulaire qui est mon symptôme, le plus insupportable de tous.
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