Je voudrais qu'il y ait une seconde première fois.
"J'aime une femme, cette femme m'aime. Je ne suis plus seul."
[...] celui qui avait le regard de son grand-père. Ce regard fuyant et traqué, ce regard terriblement noir d’homme qui n’aimait pas la vie et que la vie n’aimait pas [...]
Tu ne crois pas, me dit-telle, que tu es es un peu dirigiste ? Je la regarde, étonné : il me semble que j'arrange tout au mieux.
Est-ce que je mérite d'avoir le coeur brisé? Est-ce que je mérite que tu me quittes? Que tu me gifles? Tu ne m'as pas giflé, tu as fait pire, mais si tu as fait pire, c'est parce-que je t'ai fait souffrir. Je n'ai pas su t'aimer, pas su te voir.
[...] quand on rentre, la pluie se met à tomber, l'orage éclate, mon père range les chaises longues comme on ferait la toilette d'un mort, ma mère à la cuisine fixe des yeux la cocotte-minute avec l'air d'attendre stoïquement qu'elle lui explose à la figure.
Mais vient le moment, à table, où quelqu’un demande à Sophie ce qu’elle fait dans la vie et où elle doit répondre qu’elle travaille dans une maison d’édition qui fait des manuels parascolaires. Je sens que c'est dur pour elle de dire ça, et moi aussi j’aimerais mieux qu’elle puisse dire : je suis photographe, ou luthière, ou architecte ; pas forcément un métier chic ou prestigieux, mais un métier choisi, un métier qu’on fait parce qu’on aime ça. Dire qu’on fait des manuels parascolaires ou qu’on est au guichet de la Sécurité Sociale, c’est dire : je n’ai pas choisi, je travaille pour gagner ma vie, je suis soumise à la loi de la nécessité. Cela vaut pour l'écrasante majorité des gens, mais autour de cette table tous y échappent et plus la conversation continue, plus elle se sent exclue.
Un type qui se trouve tout en bas de l’échelle, humilié de tous, trouve habituellement du réconfort à en trouver un autre encore plus bas que lui et à l’humilier à son tour...
Et ton chagrin, alors, d'où te vient-il? Et l'épuisement mortel de ton âme? Et ce pli de désespoir au coin de ta bouche? Est-ce que tu ne le sais pas, que tout ce que tu as touché de ta main s'est transformé en destruction et en malheur? Tu n'as toujours pas compris, petit faucon? Tu es seul, complètement seul, personne ne t'accompagne ni te suit.
Un type qui se trouve tout en bas de l’échelle, humilié de tous, trouve habituellement du réconfort à en trouver un autre encore plus bas que lui, et à l’humilier à son tour.