Coïncidence étonnante : j'ai reçu ce livre le 18 mars 2021, soit 150 ans tout juste après le début de la période insurrectionnelle de Paris qui dura 71 jours, du 18 mars au 28 mai 1871. Ce livre est une pépite qui permet d'approcher au plus près cet évènement historique et surtout d'accompagner
Georges Buisson pour ce passionnant voyage dans la pensée de
George Sand. Un regain d'intérêt, pour cette période occultée trop longtemps, est nettement visible actuellement et c'est un livre qui compte parmi la production actuelle autour de cette commémoration.
L'exergue indique bien l'état d'esprit de
George Sand à cette époque de sa vie face à la tragédie qui se joue à Paris : « Je me sentais petite feuille sèche dans la forêt dévorée par le grand incendie. »
L'auteur est allé puiser dans l'énorme production de l'autrice – son journal personnel nous est parvenu intact ou presque. – pour rechercher avec obstination les raisons de ce rendez-vous manqué entre
George Sand et la Commune de Paris. Il est dubitatif et cherche des éléments qui pourraient expliquer pourquoi celle-ci a eu des positions si différentes entre la révolution de 1848 – soutien actif, y compris pour défendre les victimes de la terrible répression – et celle de 1871, lors de la Commune, qu'elle a dénoncée comme une attaque contre la République.
A-t-il réussi à trouver ces raisons ? Je laisse la réponse à chacun de ceux qui liront ce livre, à ceux qui s'intéressent à cette période et à cette femme ô combien forte du XIXème siècle. le plus important pour lui était de s'interroger sur un évènement hors du commun, idéalisé par certains, haï par d'autres. Il m'a permis d'appréhender la Commune dans toute sa complexité. le propos va bien au-delà et aborde la période de la terreur en 1793, le recours à la violence pour atteindre un but politique, les gilets jaunes, la désinformation en période de crise et même le rapport à la nature.
La relation entre
George Sand et
Gustave Flaubert est présentée dans plusieurs chapitres.
George Sand a toujours eu besoin de s'entourer d'artistes, c'est son monde à elle qu'elle a su importé dans sa lointaine campagne berrichonne. Cette amitié véritable enrichit les dernières années de l'autrice alors même que leurs différents vont croissant. Une belle leçon ! Je m'interroge : notre époque permet-elle ce type d'amitié alors que tout pousse à l'entre-soi, notamment les réseaux sociaux ?
La dame de Nohant est avant tout une artiste, engagée totalement dans les problèmes de son temps mais ce n'est pas une femme d'action comme l'a été
Louise Michel. Un quart de siècle les sépare : « Les années de
Louise Michel sont celles d'un siècle à venir. Celles de
George Sand appartiennent encore au précédent. » L'étude des faits par
George Sand est subjective, certainement influencée par la propagande de la presse de Versailles, mais elle est celle « qui regarde le monde et qui nous aide à le regarder. »
Des jours sans lendemain, le sous-titre du livre est intéressant car il énonce une donnée non discutable... que l'auteur s'empresse de nuancer en rappelant que la IIIème République accomplira un des souhaits de
George Sand et du programme de la Commune : la mise en place d'une école laïque gratuite et obligatoire en 1882. Il y a aura aussi la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905 alors que le droit de vote des étrangers, l'égalité des salaires entre hommes et femmes attendent toujours. La Commune a fourni le terreau des progrès futurs.
C'est un essai littéraire et historique particulier. L'auteur y a mis toute sa passion, il connaît son sujet et à chaque affirmation correspond une citation. Cela se lit rapidement car on est en permanence dans l'enquête, l'auteur présente des hypothèses, les consolide avec les documents originaux –
Georges Buisson a tout inspecté –, disserte à partir de ces matériaux. Les premières pages sont celles d'un détective arrivant sur le lieu de l'investigation :
Les écrivains en vue de l'époque ont rejeté la Commune et certains ont participé au lynchage de la révolution. Ainsi le poète
Leconte de Lisle dans un courrier à J. M. de Hérédia – texte bien peu poétique – propose en toute simplicité de : « Déporter toute la canaille parisienne, mâles, femelles et petits pour en finir avec les vengeances certaines qui n'attendent que leur heure. »
Edmond de Goncourt, la comtesse de Ségur,
Théophile Gautier,
Gustave Flaubert qui traitent les insurgés de la Commune de chiens enragés, mais aussi des progressistes comme
Zola,
Anatole France,
George Sand... Tous contre la Commune. Restent aux côté des insurgés :
Jules Vallès et l'immense
Victor Hugo.
George Buisson, après une carrière dans l'action culturelle et le théâtre, a été pendant plus de dix années administrateur du domaine de Nohant, du Palais
Jacques Coeur et de la crypte de la cathédrale de Bourges. Il préside actuellement le conseil d'administration de la Maison de la culture de Bourges et donne régulièrement des conférences sur des sujets littéraires ou historiques. Cet essai littéraire est son sixième ouvrage. J'ai apprécié son approche prudente qui m'a aidé à réfléchir par moi-même à partir des nombreux documents cités :
Merci à
L Harmattan pour cet envoi qui m'a permis de découvrir d'autres facettes de la personnalité et de l'oeuvre de
George Sand grâce à cette brillante étude réalisée par
Georges Buisson dont il faut saluer la capacité d'analyse et l'ouverture d'esprit.
Je n'attends plus que la réouverture pour retourner visiter Nohant, faire une agréable pause au restaurant
La petite fadette, aux portes de l'imposante bâtisse qui a vu tant d'artistes, observer les croisées du premier étage afin d'imaginer
George Sand à son bureau, écrivant inlassablement sa confiance en l'être humain, confiance dont on a tant besoin actuellement.
******
Visitez mon blog Bibliofeel ou ma page Facebook clesbibliofeel afin d'accéder aux illustrations et liens.
Lien :
https://clesbibliofeel.blog