N'étant pas du tout de formation littéraire, je n'ai à peu près aucune expérience de ce type d'ouvrages destiné aux étudiants de premier cycle universitaire ou, à l'extrême rigueur, aux lycéens pointilleux et désireux d'aller creuser un peu ce domaine en ayant à l'esprit de poursuivre vers un cursus littéraire.
L'originalité, semble-t-il, puisque je le répète, je n'ai pas de connaissances très vastes dans les ouvrages synthétiques universitaires spécialisés en littérature française, l'originalité, donc, semble résider dans le fait que l'auteur,
Michel Brix, citoyen et chercheur belge, est moins formaté que ses confrères à l'école française de présentation de sa propre histoire littéraire.
En termes clairs, cela signifie que d'ordinaire, on vous présente par exemple le XVIIème siècle dans un manuel, le XIXème dans un autre, etc. Ce faisant, par ce découpage artificiel, on perd parfois les césures naturelles de l'histoire qui ne coïncident que très rarement avec des débuts ou des fins de siècles.
Ici, vous tenez dans une seule main — et sans vous rompre le poignet — un panorama complet de l'histoire littéraire française, avec des découpages " intelligents " par tranches de signification historique et/ou littéraire. (Quand je dis " complet ", il faut entendre que toutes les tranches de l'histoire y sont traitées et non qu'il s'agit d'un livre exhaustif et ayant des prétentions à l'universalité.)
À titre d'exemple, le Moyen-Âge est scindé en deux sous parties, selon que la langue d'expression était l'Ancien ou le Moyen français. La seconde partie, la plus consistante de l'ouvrage, baptisée " L'Ancien régime " littéraire, est scindée en sept sous-parties qui ne respectent pas nécessairement les découpages traditionnels, le XVIIIème étant divisé en deux moments distincts et, fait notable, le romantisme étant intégré à cet " Ancien régime " car étant une émanation d'une manière de penser " à l'ancienne " et qui tranche fortement avec la nouveauté et la modernité naissante du XIXème siècle.
Ainsi,
Baudelaire se retrouve être un dernier avatar de cet " Ancien régime " littéraire. C'est assez osé, je trouve, de le présenter comme cela (je le répète, de mon point de vue de profane en la matière).
Hormis le découpage original sur lequel je me suis un peu longuement étendue, de quoi est composé l'ouvrage ? Eh bien, il ne me paraît pas vain de préciser que c'est d'abord et avant tout un livre d'histoire. Ceci peut être un peu surprenant pour certains (dont moi, qui m'en faisais une idée préconçue) mais ne cherchez pas de larges extraits des oeuvres dont il est fait mention, vous n'en trouverez pas.
Ici, on applique la méthode et les recettes des livres d'histoire à un domaine particulier qui est la littérature, mais ce n'est pas du tout un livre de littérature(s). Chaque période est très bien resituée d'un point de vue historique et les auteurs importants jouissent d'une présentation biographique, exactement comme tel ou tel roi dans un livre d'histoire générale.
C'est aussi un très bon outil pour aborder l'histoire des idées qui sont toujours intimement liées (en amont ou en aval) à la littérature. Les idées, d'un point de vue philosophique, les idées d'un point de vue religieux, les idées d'un point de vue plus politique, etc.
Ensuite, c'est un livre clair en ce qui concerne l'évolution des genres, comme le théâtre, la poésie, le roman, etc. On y retrace leur ontogenèse et les différents courants ou ramifications qui les animeront au cours des âges.
Enfin, c'est une bonne introduction aux termes " techniques " employés pour parler de littérature. Si je vous dis : mise en abîme, octosyllabe, vaudeville, style indirect libre, allégorie ou décadence, ces termes n'auront plus beaucoup de secrets pour vous après avoir compulsé ce manuel à la frontière entre le livre universitaire et l'ouvrage grand public (mais public averti s'entend).
Je tiens à remercier tout particulièrement Élise Faucon et les Éditions de Boeck pour m'avoir permis de découvrir cet ouvrage agréable et instructif qui fera le bonheur de ceux qui désirent mettre un peu d'ordre dans leur propre panorama de la littérature française des siècles passés. Mais, faut-il le rappeler ?, ce que j'exprime ici n'est qu'un avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.