Du Bobin, tendre poétique, comme un souffle d'air pur qui porte nos prières ou nos âmes vers un ailleurs sans contraintes.
Eloge pour sa femme, tout est dans ce livre un chant d'amour pour celle qui n'est plus, sa lumière est partout, sa présence aussi, la force de son amour pour elle est surprenante, envoutante...A travers la nostalgie de sa perte, la douleur de son effacement ressemble à de l'espérance. La mémoire permet aux morts de continuer à vivre en nous, à travers nous, et si nous n'étions justement que mémoire enfermée dans un corps, qu'un peu de lumière viendrait libérer quand on ne s'y attend plus....
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Une fois n'est pas coutume je suis incapable de donner une note comme de rédiger une critique structurée de ce petit livre qui, comme d'autres de cet auteur, se construit sur le deuil de sa compagne et réunit des fragments de la pensée de Bobin, de sa sensibilité, de son émotion... L'idée est belle, forte, émouvante aussi tant la sincérité de cet homme est évidente, tant sa démarche de souvenir est profonde. C'est vraiment le témoignage du coeur d'une existence, d'une acceptation et d'un refus mêlés.
Beaucoup de phrases m'ont laissé froid voire insensible, d'autres me touchent, parfois profondément, sans que je puisse vraiment l'expliquer. Je vous en propose certaines, afin que vous puissiez déterminer si découvrir cet ouvrage (environ une demi-heure de lecture) pourrait vous tenter ou pas.
"Je me souviens de tes crimes. Je les voyais alors comme innocents. Je ne me trompais pas. Tu émergeais en riant des douleurs que tu infligeais , comme on ressort de l'eau, baptisée de soleil, les yeux fous de renaître. Même nos erreurs il faut les faire d'une main ferme.Il est impossible de vivre sans cruauté. Respirer, exercer sa joie, c'est déjà blesser quelqu'un alentour. Les femmes sont brutales, n'est ce pas. Les madones sont sanglantes. Elles piétinent dans l'enclos d'une liberté- sautent par dessus la barrière et vont se perdre dans la nuit. Sans elles pas de vie risquée, pas d'amour, rien. "
"J'ai été une tache de soleil dans un sous-bois, jamais si proche de tout connaître. J'ai été toi et c'était la même révélation."
"Je t'aimais comme on aime un enfant unique, génial."
"Ton sourire était une signature divine sur le papier monnaie du temps- une caution un garant, l'indicible fleurissement de cette vie."
Bonne lecture ?
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Bobin se démarque encore avec ce bel ouvrage tendrement poétique, avec des phrases magnifiques et pleines de sens
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Il y a entre toi et moi une adorable barrière. C’est ta mort qui l’a construite. Son bois est du silence. Il n’est pas épais. Un rouge-gorge s’y pose.
Quand tu étais de ce monde j’adorais traverser avec toi la campagne au vert surnaturel, ses chorales de sous-bois et ses poèmes de barrières.
La barrière qui me sépare de toi est pauvre. Ses piquets suivent les mouvements de ma pensée, ils ondulent. Tu es de l’autre côté de la vie, pas si loin somme toute, bien moins loin de moi que ce médecin que j’ai vu feuilleter des visages toute la journée sans en regarder un seul. Les yeux vides ont envahi tous les métiers. Le monde n’aime pas les barrières de bois décoloré, mangées par les lichens, ces murailles qui laissent passer l’air, le parfum du chèvrefeuille et le rire des fantômes.
Même après toutes ces années dans ton joli cimetière de campagne, ton visage revenant a le vif d’une rose de jardin. Aux modernes qui ne savent que compter, j’oppose la lente passion des nuages, les heures ardentes au chevet d’une phrase, et ton visage quand une crédulité le visitait.
Ta voix est accrochée aux silences de ce monde comme le crin doré d’un cheval aux barbelés d’une barrière.
La voix fraternelle rassemble les mondes, apaise le sommeil des étoiles.
NOIRECLAIRE, "Pour Ghislaine, ce livre hanté", pp. 69-70, 127 & 84
J’aime tant les livres que je ne peux pas passer un jour sans poser ma main sur le front d’une page imprimée pour sentir si elle a ou non de la fièvre.
Ce qui s'enfuit du monde c'est la poésie. la poésie n'est pas un genre littéraire, elle est l'expérience spirituelle de la vie, la plus haute densité de précision, l'intuition aveuglante que la vie la plus frêle est une vie sans fin.
Ce verre de cristal je l'ai rempli d'eau fraîche, je l'ai posé sur la table et il est aussitôt devenu le signe de l'impossible entre toi et moi : je peux le boire d'un trait, toi pas.
(...)
L'eau dans le verre de cristal danse imperceptiblement.
Les conversations ont dans leur insouciance quelque chose de célèste et j'y surprends le même bruit de fond de l'éternel que dans les cris des poètes.
Avec Catherine Cusset, Lydie Salvayre, Grégory le Floch & Jakuta Alikavazovic
Animé par Olivia Gesbert, rédactrice en chef de la NRF
Quatre critiques de la Nouvelle Revue Française, la prestigieuse revue littéraire de Gallimard, discutent ensemble de livres récemment parus. Libres de les avoir aimés ou pas aimés, ces écrivains, que vous connaissez à travers leurs livres, se retrouvent sur la scène de la Maison de la Poésie pour partager avec vous une expérience de lecteurs, leurs enthousiasmes ou leurs réserves, mais aussi un point de vue sur la littérature d'aujourd'hui. Comment un livre rencontre-t-il son époque ? Dans quelle histoire littéraire s'inscrit-il ? Cette lecture les a-t-elle transformés ? Ont-ils été touchés, convaincus par le style et les partis pris esthétiques de l'auteur ?
Et vous ?
Au cours de cette soirée il devrait être question de Triste tigre de Neige Sinno (P.O.L.) ; American Mother de Colum McCann (Belfond), le murmure de Christian Bobin (Gallimard) ; le banquet des Empouses de Olga Tokarczuk (Noir sur Blanc).
À lire –
Catherine Cusset, La définition du bonheur, Gallimard, 2021. Lydie Salvayre, Depuis toujours nous aimons les dimanches, le Seuil, 2024. Grégory le Floch, Éloge de la plage, Payot et Rivages, 2023. Jakuta Alikavazovic, Comme un ciel en nous, Coll. « Ma nuit au musée », Stock 2021.
Lumière par Valérie Allouche
Son par Adrien Vicherat
Direction technique par Guillaume Parra
Captation par Claire Jarlan
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