L'art de la nouvelle est plus que périlleux. L'auteur doit faire preuve d'un fort esprit de synthèse alors que le romancier peut multiplier les actions, se permettre des digressions, accumuler les descriptions. Lors d'une rencontre littéraire, à Wavre, l'écrivain belge Michel Lambert a déclaré que la nouvelle moderne se devait d'être une petite tranche de vie, à la fin ouverte, afin que le lecteur puisse en imaginer les développements. Ou alors, comme le fit l'Américain
Fredric Brown, l'auteur cultive le sens de la chute de l'histoire, celle qui intervient par un retournement de situation, celle qui vous cueille et vous désarçonne. Dario Bacchielli pratique le second type de nouvelles, avec énormément d'humour, voire d'ironie, pimentée de quelques pincées de cynisme. Cette structure narrative lui permet de nous confronter au jeu des apparences de ses héros, de nous amener à les construire pour mieux tout démolir dans les dernières lignes : la victime, le fou de guerre, le bienfaiteur universel, le fauteur de troubles sont tous « quelqu'un d'autre » ; en tout cas, autres que ceux que nous avions imaginés. Et là, se trouve la grande force de
Dario Bicchielli : il parvient à nous manipuler, à nous guider sur une autoroute, en oubliant de nous dire qu'il y a des carrefours…
Mais le jeu de la surprise finale aurait pu devenir répétitif, si plusieurs intermèdes de textes, courts ou rimés, ne venaient casser le système. Ils donnent à l'ouvrage un autre rythme, accéléré ou ralenti, c'est selon. le style est aéré, alerte et concis, jouant sur les modalités de l'écriture, sur les conventions du récit, sur la structure de la page. Si bien que le texte présente, en certains endroits, des accents d'
Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle)…
Enfin, j'ai remarqué que, de manière récurrente, apparaît un questionnement sur la condition humaine, sur le sens de la vie, sur la métaphysique. Et les réponses des héros de ces nouvelles nous prouvent, une fois de plus, qu'il n'y a pas une Vérité, mais bien des vérités.