Michael et William se connaissent depuis l'enfance et ne se sont jamais quittés ou presque. Michael est orphelin mais il a été élevé dans l'amour par sa grand-mère Patricia. William a grandi auprès de parents qui lui ont plutôt témoigné une affection polie que prodigué de la tendresse. Michael et William sont inséparables, l'ont toujours été. Compagnons de leurs joies, de leurs peines, amis inséparés, des presque frères. Toujours là l'un pour l'autre, l'autre pour l'un. Michael, discret, pudique, tendre, secret. William, fanfaron, fier, admiré, parfois dur. Des amis qui se trouvent toujours dans leur complémentarité et leur complétude. Des amis si proches qu'ils pourraient être des...amants ?
Non, car Michael, sentimental et passionné aime Lucas...ou du moins le déclare...car William n'aime sentimentalement personne (ou du moins le croit-il) et additionne les relations éphémères, où les corps féminins défilent, tel un collectionneur de timbres comme le dirait Michael. Car ils ne sont qu'amis, depuis l'éternité, échangeant tous leurs secrets dans leur cabane à l'ombre du grand saule, leur refuge, où ils peuvent s'écarter des fracas du monde.
Mais...
Dans cette valse ininterrompue, où les corps se frôlent,
Marie-Chloé Bernard va faire surgir l'imprévisible. Sous la forme d'un pari qui, à la suite de celui-ci, va conduire William dans les bras d'Elena. Elena, personnage-pivot, incarnation à la fois de la passion de vivre et de la raison, qui va devenir le deux ex machina de cette histoire, à l'issue d'une scène d'un vertige absolu, où elle va confronter William à sa propre réalité.
C'est au vertige de nos propres vies que l'auteure va elle aussi nous confronter, au poids de nos inactions, de nos silences, de nos non-dits, à leurs conséquences et à leurs possibles regrets. Ces quelques secondes où ce que l'on croit être notre vérité pourrait basculer, nos incertains mensonges disparaître, et faire apparaître cette réalité, celle de nos sentiments, à la fois immanente et transcendante.
Elle va ainsi conduire ses personnages, Michael et William, à affronter ce qu'ils croient être leur vérité et révéler à nos yeux les vicissitudes et accidents de parcours qu'est parfois la compréhension d'un sentiment amoureux, chemin escarpé de leurs (et de nos) coeurs, et nous faire prendre conscience, que parfois ce que nous pensons n'est qu'un écran de fumée, dicté par les us et coutumes de la société, ses diktats, ses interdits, le poids des conventions sociales, de la famille, de la religion, un écran de fumée, qui s'estompe, et s'évapore au contact de ce que nous éprouvons parfois, la pureté de l'amour.
Ce qu'exprime Michael quand il déclare, parlant de ses sentiments : « Au final, l'homosexualité, c'est quoi ? Est-ce que c'est si tabou que ça, si horrible d'aimer une autre personne ? Comment les prochaines générations pourront-elles grandir tout en sachant que l'amour d'une autre personne, d'un autre être humain n'est pas moralement possible ?
C'est atroce… ». Car c'est aussi de tabou social dont l'auteure veut nous parler, des sentiments que certains veulent réprimer à Michael (et à William ?), parce qu'il affirme son amour, son homosexualité.
Et l'auteure de faire voler ce tabou en éclats au détour d'un baiser volé, presque arraché, où les certitudes s'envolent, où les interrogations ne suscitent plus que d'autres questions. Ce baiser volé va-t-il avoir le parfum de ceux de Truffaut, la passion va-t-elle croiser la raison, pour se réunir et s'épouser ? Ou alors va-t-elle comme Adam Rodgers, le réalisateur de « Middleton » (« At Middleton »), se faire croiser et s'entrecroiser son couple dans un ballet en suspension, à l'issue tragique inévitable ?
Pour connaître la réalité de cet amour, il vous faudra lire ce roman, roman de l'amour sentimental et sensuel, mais aussi roman d'amour familial et filial, roman sur la transmission, entre les vivants, mais aussi entre les morts et les vivants, par les souvenirs, les remembrances du passé, l'héritage sentimental entre générations. Dans ce théâtre d'ombres et de lumières, les femmes souvent, incarneront la raison, celle de l'expérience et de l'acuité caractérisée par Patricia, la grand-mère de Michael (et par le coeur celle de William), la raison de la perception et de la douceur caractérisée par Elena et celle de la bonté caractérisée par Lise, la soeur de William.
C'est ici à la nature du don que nous confronte l'auteure. le don de l'aveu, le don de l'amour, le don de l'aveu de cet amour, cet amour qui a pu naître et parfois mourir dans ces actes du passé, aujourd'hui ressouvenances, et parfois apparaître dans sa grandeur et sa pureté comme Michael l'exprime alors : « Il croit en l'amour, comme il croit au bonheur, à la joie, à la vie. Vous ne pouviez pas l'éduquer mieux que cela. Je le connais depuis que nous sommes enfants, et il a toujours été mon meilleur ami. J'ai grandi avec lui, il a grandi avec moi. On s'est construits ensemble, en comptant l'un sur l'autre...vous lui avez appris à aimer, plus qu'à détester, et je pense que je devrais vous remercier pour cela. »
Et il y a ici un parfum de « La chatte sur un toit brûlant » (« Cat on a Hot Tin Roof ») de
Richard Brooks, dans ce dialogue impromptu au coeur de la nuit entre Brick Pollitt (
Paul Newman) et « Big Daddy » Pollitt (Burl Ives) :
- BP « Or maybe he was laughing because he was happy. Happy at having you with him. He took you everywhere and he kept you with him. »
- BDP « I don't want to talk about that. Yeah, I loved him. I reckon I never loved anything as much as that lousy old tramp. »
- BP « And you say he left you nothing but a suitcase ? With a uniform in it from the Spanish-American War ? »
- BDP « And some memories. »
- BP « And love. ».
Car c'est dans la transmission de cet amour, cette passation, entre les parents et les enfants, entre les vivants, et entre les morts et les vivants, et entre les vivants et les morts, que celui-ci pourra acquérir son statut d'éternalité, quand au moment de partir, le témoignage de sa propre vie vous assurera de l'avoir transmis aussi, en ce coeur insoumis, où comme l'un des personnages de ce roman, vous pourrez serrer contre lui la preuve de cette transmission, de la beauté de votre passage.
Car l'amour défini par
Marie-Chloé Bernard épouse celui de toutes les saisons de la vie, qui trouve son caractère éternel dans les fragments que les personnages arrachent à celle-ci, où ils font disparaître l'écran de fumée de leurs vies, mettant fin à leur guerre intime, pour y trouver la paix.
Et c'est dans cette perception automnale, où impostures et tromperies ont disparu pour toujours, l'âme tranquille, que l'auteure laisse ses personnages à leur destin. Quel est-il ? Quel sera-t-il ? Pour le savoir, il vous faudra trouver le chemin de la cabane, à l'ombre du grand saule.
Pour finir, je voudrais remercier
Marie-Chloé Bernard pour l'envoi de son roman et de la confiance témoignée pour ce service presse.
Merci de m'avoir lu.