Dernier roman de
Maurice Barrès écrit en 1922, ce texte raconte les amours tumultueuses d'un jeune croisé du XIII° siècle, le chevalier Guillaume, avec une belle musulmane prénommée Oriante, une femme de sang royal.
Le roman débute par la rencontre de Barrès en Syrie sur les bords du fleuve Oronte avec un mystérieux voyageur irlandais. Nous sommes à la veille de la guerre en juin 1914. On peut penser que ce voyageur se trouve être
Oscar Wilde mais rien ne le prouve. C'est juste une hypothèse. Cet Irlandais explique détenir un manuscrit. Barrès le prie de lui lire « cette histoire d'or, d'argent et d'azur ».
L'histoire se situe en Syrie partiellement occupée par les croisés. Les Francs nouent puis rompent des alliances avec les autochtones musulmans aux grès des intérêts et des humeurs des uns et des autres. Les dissensions des croisés entre eux (ils sont originaires de différents pays d'Europe problèmes auxquels s'ajoutent les haines personnelles), les rivalités régionales des émirs musulmans sur un même territoire, tout cela conduit à des situations complexes où l'on voit des nobles chrétiens s'allier durablement avec des émirs musulmans et des croisés -princes autoproclamés de cités nouvellement conquises- s'en prendre par pure ambition à des musulmans pacifiques amis des chrétiens.
Barrès choisit de raconter d'abord l'amitié du chevalier Guillaume avec l'émir de Qalaat puis la passion de Guillaume pour Oriante, la perle du sérail du dit émir. La volonté du prince chrétien d'Antioche de conquérir Qalaat va séparer les deux amants. Guillaume, échappé du siège sans son amante, va s'employer à la retrouver. Il sera surpris de la découvrir dans une situation pour lui très embarrassante. C'est là où se déploie le récit et l'analyse psychologique de ce personnage complexe qu'est Oriante. Ce qui risquait de ne devenir qu'un scénario bon pour la collection Arlequin devient un authentique drame digne de Racine. A cela s'ajoute la configuration politique de ce territoire occupé par des croisés où se mêlent aventuriers brutaux et idéalistes pacifiques.
On entend dire que le style de Barrès est décadent. Si l'on trouve sous sa plume des tournures un peu désuètes on ne peut nier – en tout cas dans ce roman- une forme d'écriture harmonieuse et variée. Les descriptions évitent la lourdeur des naturalistes façon
Zola comme dans « la faute de l'abbé Mouret » et dévoilent au lecteur la sensualité orientale. L'auteur varie le ton suivant les situations, il alterne les temps n'hésitant pas à user, par moment, du présent. Cela nous change du ronron ennuyeux des écrivains d'aujourd'hui, valets serviles d'une mode qui veut imposer le présent comme seul moyen de raconter une histoire.
Le roman fut décrié par les bien-pensants de l'époque (c'est-à-dire des catholiques réactionnaires à l'inverse d'aujourd'hui où la bien-pensance a changé de camp) car mettant en exergue les rivalités des chrétiens entre eux et l'amour d'un chevalier chrétien pour une musulmane. Un ouvrage à lire ou relire pour, d'une part, mieux comprendre la géopolitique de cette région et, d'autre part, disposer d'un aperçu original de la psychologie féminine des musulmanes d'ascendance royale.