Dieu était partout. Et les "voyageurs" venus le chercher de si loin ne le trouvaient nulle part, parce qu'ils oubliaient de le chercher en eux-mêmes.
Ils avaient porté la guerre dans les nuages, les ouvriers avaient gagné au ras du sol la bataille des bulletins de salaires. Dans un monde matériel, il faut être matérialiste. C'était la seule manière de vivre, mais est-ce que cela pouvait constituer une raison de vivre ?
Dieu était partout, et les "voyageurs" venus le chercher de si loin ne le trouvaient nulle part, parce qu'ils oubliaient de le chercher en eux-mêmes.
- La vérité, quelle vérité? Il faut bien s'arranger, si on veut vivre!...
- Il n'est pas indispensable de vivre, dit Olivier.
Mais le démon habitait la poitrine d'Olivier. Était-ce cela l'amour ?
Cette fille, qu'il avait à peine connue, tenue dans ses bras une seule nuit, lui avait tout à coup, après son entrevue avec son père, semblé constituer la réponse à toutes ses questions, la solution à tous ses problèmes. Il avait marché vers elle pendant des jours et des jours, se souvenant de ses grands yeux qui le regardaient sans l'ombre d'un mensonge, de son sourire clair, de ses paroles et surtout de la plénitude, du calme qu'il éprouvait quand il était auprès d'elle, même sans parler, même sans la regarder. Elle était assise dans l'herbe, près de lui, ou à quelques pas, et autour de lui et en lui tout était bien, en équilibre, et en paix.
À mesure qu'il marchait vers Katmandou, sa joie et son impatience augmentaient. Il avait descendu la dernière montagne en courant, comme on dévale vers une source, un lac, une cascade, pour s'y jeter en riant, la boire, la brasser, s'y noyer de vie.
Il n'avait trouvé que la poussière.
Heure après heure, pendant qu'il cherchait en vain, il avait eu la révélation progressive de l'abîme d'absence qui s'était creusé en lui et autour de lui depuis la minute où il s'était séparé de Jane, presque légèrement, sans y attacher d'importance. Sa hâte à quitter son père, sa course vers Katmandou, c'était le besoin de redevenir vivant en la retrouvant, de combler ce vide insupportable, dont il n'avait pas eu conscience tant qu'il marchait sur le chemin dont il savait, si long qu'il fût, qu'il le conduisait vers elle.
Au bout du chemin, il n'y avait personne.
La société qui oblige et qui interdit est mauvaise. Elle rend l'homme malheureux, car l'homme est fait pour être libre, comme un oiseau dans la forêt.
Vous parlez, vous parlez, et vous ne dites rien. Qu'est ce que c'est, la société de consommation ? Un gargarisme ! Quatre mots qui vous chatouillent la gorge et la cervelle en passant. Un petit plaisir... Vous vous masturbez avec ces mots .Tu en connais, toi, des sociétés qui ne consomment pas? Moi j'en connais... Celle où je vais, pas exemple. Les types se couchent par terre et ils ne consomment plus parce qu'il n'y a rien à consommer. Et quand ils ont fini de ne pas consommer, c'est les asticots qui les consomment. Pendant ce temps, on fait des discours partout. Vous parlez, vous parlez, et les crevards crèvent. Ils n'ont même pas la consolation d'entendre qu'on se fait du soucis pour eux et qu'on va un jour ou l'autre réinventer les bases de la société. Même si c'est la semaine prochaine, votre révolution, ça ne les concerne pas, ils seront déjà morts...
Dans un monde matériel, il faut être matérialiste.
Tu n'imagines pas, bien entendu, qu'aucun de nous ait l'intention de subventionner une révolution jusqu'à la réussite ? Il s'agit seulement de casser De Gaulle. Les Américains parce qu'il les empêche de s'installer en France, les Anglais parce qu'il est en train de les asphyxier, ce que ni Napoléon ni Hitler n'a réussi, les Hollandais parce qu'ils veulent vendre leur margarine à l'Angleterre, les Italiens simplement parce qu'il les ignore. Les Allemands ne font rien. De toute façon, ils sont gagnants.
La société qui oblige et qui interdit est mauvaise. Elle rend l'homme malheureux, car l'homme est fait pour être libre, comme un oiseau dans la forêt. Rien n'appartient à personne, tout est à chacun. L'argent qui permet d'accumuler des biens personnels est mauvais. Il faut quitter cette société, vivre en marge d'elle, ou ailleurs. La combattre est mauvais. La violence est mauvaise car elle crée des vainqueurs et des vaincus, elle remplace d'anciennes contraintes par des obligations nouvelles. Toutes les relations entre humains qui ne sont pas celles de l'amour sont mauvaises. Il faut quitter la société, s'en aller.