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Averroes a écrit ce petit traité - vraiment très clair, très abordable, aux ambitions généralistes pour ne pas dire universalistes - dans le but de concilier la doctrine de l'islam avec la philosophie grecque de l'antiquité et en particulier celle des péripatéticiens. Il ne trouve d'ailleurs aucune conciliation à faire puisque les deux visent le même but : la vérité. Il n'y a que des querelles d'interprétations, des mésententes sur le vocabulaire et surtout des méthodes différentes pour accéder à cette vérité.
Il distingue deux grandes façons de lire le coran, celle qui s'attache aux figures et aux symboles, qui est accessible à tout le monde, une lecture exotérique ; et celle qui à l'instar des philosophes grecs use de la raison, des syllogismes, de la démonstration, une lecture ésotérique, cette dernière étant réservée aux savants. Selon Averoes, malgré les erreurs dans lesquels ils peuvent tomber, aucun de ces savants ne peut être qualifié d'infidèle ou d'hérétique. Est infidèle celui qui nie la Raison et ses démonstrations car elles aboutissent forcément à la vérité révélée dans le coran ; est également infidèle celui qui essaye d'interpréter les symboles de la lecture exotérique. Cette distinction entre une lecture ésotérique réservée à ceux qui connaissent les méthodes de la raison et la lecture exotérique qui s'adresse avant tout à l'imagination est vraiment très importante. Il ne s'agit pas tant, pour Averroes, de défendre la philosophie grecque que d'accuser ses vulgarisateurs.
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Il faut préciser, derechef, que c'est là non pas un traité philosophique, mais une fatwâ, un édit légal en Islâm : ici, Ibn Rushd ne parle pas en tant que "le" commentateur (d'Aristote par excellence), mais statue comme qadî (juge) sur le philosopher dans la sphère islamique. Nous ne sommes pas dans le même rapport que celui de "coïncider" ou même "harmoniser" ce que beaucoup appellent "foi et raison".

Dans cette perspective, il utilise une argumentation qu'userait le juge (de rite malékite) qu'il était : est-ce que la philosophie est une innovation blâmable, une recommandation ou une obligation ? Se basant sur des sources scripturaires (le Qur'ân et la tradition) il opte pour le troisième : c'est une obligation et, après avoir réfuté les mésinterprétations d'al Ghazali (sur le fait de savoir si Dieu connaît les particuliers, l'éternité du monde ou la résurrection corporelle), Ibn Rushd précise toutefois que, même si la raison est universelle et chacun doit sonder les "étants" (monde phénoménal) dans l'esprit de la Révélation, la lecture des traités philosophiques devrait, elle, être réservée à une élite intellectuelle, non pas les spécialistes de l'éristique et dialectique, les théologiens, encore moins la "masse" - au risque de tomber, comme avec Al Ghazali et d'autres, dans des controverses dangereuses qui toucheraient l'être de la communauté toute entière.
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Ibn Rushd, que l'on représente souvent en Occident comme le parangon de la rationalité, voire même de l'athéisme masqué, et en plus celui de la tolérance, de l'humanisme, presque une avant-garde des Lumières (Le Destin de Chahine, par exemple) n'a vraiment pas grand-chose à voir avec cette figure issue de l'Averroès "latin" soit celui dont le système a été supposé (et attaqué, notamment par par Thomas d'Aquin) en s'appuyant sur une oeuvre aux trois-quarts in
gnorée car non traduite.
Lien : http://vitanova.blogspot.com..
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Averroès cherche les arguments légaux de rendre la philosophie (celle d'Aristote, surtout) indépendante de la Révélation et entreprend d'en décrire les "connexions".

Tout d'abord la Révélation n'a rien à craindre des démonstrations de la "science" (philosophie) puisque la Révélation rapporte la Vérité. La philosophie ne pourra que conclure aux mêmes résultats. Si des divergences apparaissent, il faut alors interpréter les énoncés de la Révélation pour les rendre conformes à ceux de la philosophie. Ce procédé ne diminue en rien la Révélation car le Livre comporte déjà un certain nombre d'énoncés qui impliquent d'être interprétés, comme la Sourate III, 7, le mentionne clairement. Or il se trouve qu'il est impossible d'établir qu'aucun consensus n'ait jamais été trouvé sur aucun d'entre eux. En conséquence, un philosophe ne peut être accusé d'être infidèle si les conclusions auxquelles il arrive se trouvaient être en désaccord avec un énoncé du Livre et il appartient aux Théologiens, si le savant ne s'est pas trompé, de trouver l'interprétation qui convient.

En outre, les effets de la démonstration s'imposant à l'esprit, le philosophe ne saurait être responsable légalement de ses erreurs car la responsabilité implique le libre-arbitre. Un philosophe qui se trompe doit donc être pardonné.

Cependant, il est fortement recommandé que les conclusions des philosophes ne soient pas diffusées au-delà des philosophes eux-mêmes, car la majorité de la population est incapable, par nature, d'en comprendre les énoncés. La foule, en effet, est incapable de raison et réfléchit par images ou récit : elle développe des croyances plutôt que des certitudes, réservées à ceux qui savent suivre les démonstrations des philosophes, et se réfèrent aux arguments rhétoriques et dialectiques du Livre, qui sont aussi ceux des Théologiens. Interpréter un énoncé, pour un théologien, c'est remplacer le sens évident par un sens métaphorique ou métonymique. Son guide doit donc être la démonstration philosophique (logique).

Néanmoins, le philosophe n'est pas autorisé à contredire les trois dogmes fondamentaux qui sont l'existence de Dieu, des prophéties et de la béatitudes et des tourments dans l'au-delà. Il appartient au pouvoir politique d'organiser cette distinction entre philosophie et théologie et de ne pas permettre que les livres de science soient mis entre les mains de la foule, ce qui corromprait sa compréhension de la Révélation, comme l'exemple d'Al-Ghazali l'a montré par le passé.

Le Discours d'Averroès n'aura pas les effets escomptés et, après lui, la Révélation, dont il reconnaît la suprématie puisque l'établissement des conclusions philosophiques impliquent encore la réinterprétation des énoncés du Livre, dévore la philosophie. C'est qu'il paraît difficile de tenir qu'il n'existe qu'une seule vérité qui soit démontrable mais dont la valeur des conclusions appartient au jugement de théologiens. le Discours décisif fait découvrir une époque, à Cordoue, de l'Islam et permet d'aborder avec précision, grâce aux très complètes introduction et notes de l'édition (60 pages de notes, 90 pages d'introduction pour un texte de 34 pages), la pensée islamique.
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Livre très interessant. Ne pas se fier à son nombre de pages, car une page sur deux est en arabe et l'autre est sa traduction en français. Format Original. Ce livre traite et légitime une approche philosophique quant à l'interprétation du Coran. La passerelle qui lie la Raison à la Révélation.
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Je cherche à répondre ici à la demande formulée ci-dessous par Romane2 qui a cherché en vain dans ce « Discours décisif » d'Averroès la référence et la source précises de cette phrase célèbre prêtée à Averroès, on pourrait presque dire son fameux "théorème de la violence" : « L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence... voilà l'équation ». J'ai moi aussi longuement cherché dans son oeuvre la source réelle de cette phrase (si précieuse aujourd'hui !), mais je ne l'ai moi non plus jamais trouvée, nulle part (mais je n'ai pas encore lu tous les écrits disponibles d'Averroès). Elle est reprise dans beaucoup de sites de citations, mais jamais avec sa source précise. Et elle est scandée à satiété par les réseaux sociaux (jamais sourcé précisément non plus, bien sûr, puisque l'approximation règne souvent dans les réseaux sociaux...), plus encore bien sûr en cette brûlante actualité marquée par les attentats djihadistes. Elle est même citée par Emmanuel Macron dans sa lettre ouverte sur le séparatisme publiée le 4 novembre sur le site de l'Elysée (voir : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/11/04/la-france-se-bat-contre-le-separatisme-islamiste-jamais-contre-islam). Elle n'est donc jamais sourcée…

Et pour cause : il semble bien ―hélas!― que cette phrase soit apocryphe. Vous pourrez trouver une analyse de cette probablement fausse attribution dans l'excellent journal "Philosophie Magazine", article accessible en ligne ici : [ https://www.philomag.com/articles/emmanuel-macron-de-citer-le-mauvais-philosophe-tu-eviteras ]. Ainsi que les autres articles passionnants qui y sont consacrés à Averroès : [ https://www.philomag.com/dossiers/averroes ]. Si elle est attribuée à Averroès, c'est qu'elle correspond bien à la pensée de tolérance et de lumière, d'équilibre entre la foi et la raison, de ce grand philosophe musulman dont toute la pensée converge vers cette idée, comme un hymne à l'esprit encyclopédique, à l'esprit de synthèse de toute démarche de connaissance et à la Sagesse de la Raison. Et ce "théorème de la violence" représenterait un "slogan" bien utile pour répliquer à la logique « littéraliste », si souvent obscurantiste, morbide et mortifère. Si quelqu'un pouvait sourcer précisément cette phrase (même apocryphe pour Averroès, de qui serait-elle donc?), nous serions nombreux, je crois, à l'en remercier! Appel à témoins, donc...

Toujours est-il que cette phrase connaît de nombreuses et intéressantes variantes, qui sont bien sourcées, elles. La plus célèbre est peut-être celle du "maître-jedi" Yoda (de Georges Lucas, donc) à propos du jeune Anakin dans la saga de Star Wars (dans « La Revanche des Sith » : « La peur est le chemin vers le côté obscur : la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance », référence : [https://dicocitations.lemonde.fr/citation.php?mot=haine_peur]. Modulée en : « Et la haine conduit aux ténèbres » par Bree Despain dans Dark Divine (2009). Une autre jolie variante métaphorisée se trouve chez le grand romancier catalan Carlos Ruiz Zafón dans "Le Jeu de l'ange" (2008) : « La peur est la poudre et la haine est la mèche. le dogme, en dernière instance, n'est que l'allumette qui y met le feu ». Ou chez Alejandro Jodorowsky : « La peur se réfugie dans l'ignorance et l'ignorance produit la haine. Et qu'est-ce qui produit la peur ? le manque de connaissance de soi » [https://www.axiologie.com/emotion-et-conditionnement/]. Une autre variante intéressante pour ouvrir le débat (ou réplique à Averroès, plutôt que variante), trouvée sur le net, anonyme évidemment, d'un internaute qui se situe apparemment dans une optique clairement "anti-islamophobe" (mais qui ne saurait servir d'excuse selon moi au meurtre des innocents!) est la suivante: « le mépris est une forme de violence qui conduit à la haine qui conduit à la violence… voilà le cercle vicieux. » (https://twitter.com/coherence_e/status/1068971148250099712?lang=fr). À laquelle on pourrait répondre, à son tour, par le "cercle vertueux" proposé par la belle Fatou Diome dans "Le Gros Journal de Canal+" (22 mars 2017) : « Vous savez, le rejet a toujours peur de l'amour. L'amour est plus fort que la haine et la culture est toujours plus forte que l'ignorance ». [https://dicocitations.lemonde.fr/citation.php?mot=haine_peur].

Ainsi que le souligne Jacques Attali dans une conférence à la BnF [https://books.openedition.org/editionsbnf/1126?lang=fr] : en islam selon Averroès mais aussi selon le Coran « la philosophie ne peut pas contredire la loi divine ; elles sont vraies chacune dans leur sphère, ce qui est la condition de leur accord. L'une et l'autre ne peuvent donc que se rejoindre. Et la science a un sens intérieur, qui rejoint la foi ». le prophète lui-même dit : « La science est, en effet, plus méritoire que la prière », et « un seul homme de science a plus d'emprise sur le démon qu'un millier de dévots… ». Et enfin : « La vérité ne saurait contredire la vérité, elle s'accorde avec elle et témoigne en sa faveur. » Utile à méditer tout ceci, ces temps-ci, ne trouvez-vous pas ?
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