J'inventerai le jour où avec toi
et l'automne j'irai courir par les rues.
La lumière que nous foulons est si parfaite
qu'elle ne peut mourir, comme ne meurt
l'éclat du regard qui t'a vu te dévêtir.
Je ne sais si je t’écoute ou si seulement
la monotonie des grillons envahit la maison.
Un jour je serai moi-même ce chant,
le corps délivré, semblable
à la musique qui des cordes se détache.
L’air est mon élément, l’air.
Je viens à la fenêtre pour regarder les cèdres
une dernière fois cet été ;
tu dors encore ; le jour se lève
dans la rumeur lointaine des sonnailles ;
ils se font plus proches, les sentiers
lents de l'automne,
les écharpes de brume,
le ciel brouillé au ras des collines.
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J’entends courir la nuit par les sillons
du visage - on dirait qu’elle m’appelle,
que soudain elle me caresse,
moi, qui ne sais pas encore
comment assembler les syllabes du silence
et sur elles m’endormir.
J’inventerai le jour où avec toi
et avec l’automne j’irai courir par les rues.
La lumière que nous foulions est si parfaite
qu’elle ne peut mourir, comme ne meurt
l’éclat qui t’a vu te dévêtir.
XII
Tu peux me confier sans crainte
Les menues besognes matinales.
Laisse faire les nuages,
La poussière ardente par-dessus les toits,
Les marteaux de la tristesse sur la table.
Mon pays s’étend de juin à septembre
Avant la première neige appelle-moi.
Je t’écoute comme si j’écoutais venir l’été,
ses innombrables doigts courir à travers jours,
et nuits avec à l’extérieur les eaux,
j’écoute ces voix, cette rumeur de lumières
monter dans l’obscurité, buter sur les vitres,
avec le matin tomber haut sur les sables, mordre les murs, brûler de démence.
De quel pays reviens-tu?
De quel mer, de quels bras
Où lentement respire le désir?
Parle, dis encore le mot
Qui fera du silence la maison,
ou élèvera la couronne du feu
à la hauteur du regard.