Heureux qui réalise une ambition d’enfant ! Et c’est mon cas ! En entendant les récits du bon vieux, je rêvais de ramener l’animation et la vie dans ce petit pays, si plaisant et si fertile que l’homme s’y fixa dès les temps préhistoriques. Il me disait aussi que la France était un beau grand jardin, et que si chacun cultivait sa plate-bande provinciale, l’ensemble s’en trouverait magnifiquement embelli !
La contradiction l’excitait au lieu de le convaincre. En cet imbroglio, comme en tant d’autres circonstances, ressortaient les caractéristiques de ce tempérament de lutteur : goût de l’aventure, recherche du risque, confiance en sa maîtrise, plaisir d’exercer son énergie, sa décision, et de se colleter avec la difficulté.
Sans doute, l’accoutumance serait pénible, mais mieux valait tout de suite en subir la meurtrissure que de conserver au centre du logis, un cénotaphe interdit et redoutable qu’on ne se décide plus à ouvrir qu’avec un frisson. L’effet s’amortirait à la longue. Les choses évocatrices deviendraient des reliques chères.
Égoïstes, guindés et gourmés pour l’ostentation perpétuelle, sans besoin de tendresses et d’intimité, le mari et la femme ne demandèrent pas autre chose à leurs futurs héritiers que de s’habiller avec chic et de fréquenter le cercle le plus select, afin de représenter avec un éclat flatteur la famille distinguée dont ils étaient issus.
Révéler la véritable situation, ce serait empoisonner des pires amertumes la douleur si violente qui allait frapper Hélène. Flétrir ses plus beaux souvenirs, ruiner sa foi, lui enlever la force de supporter la dure épreuve ! Mieux valait encore soustraire la coupable supposée à un légitime châtiment que d’accabler une innocente.