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EAN : 9791030706710
400 pages
Au Diable Vauvert (04/04/2024)
4.02/5   44 notes
Résumé :
À qui profite le bonheur ?

Bienvenue dans un monde parfait. Ici la vie heureuse s’étale quotidiennement sur le réseau HappyApp, où l’indice de bonheur individuel donne accès à ce que la société réserve aux meilleurs. Offres premiums, métier et logements hauts-de-gamme, et surtout parentalité, désormais réservée aux citoyens les plus épanouis.
Jeunes, beaux, amoureux, jusqu’où Juliette et Néo Lanhéry seront-ils prêts à aller pour y accéder ?
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
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Imaginez un monde idéal où le seul but dans la vie la course au bonheur ! Oubliez le flot incessant d'informations qui affluent par le biais des lentilles greffées sur votre cornée. Ne tenez pas compte de l'enjeu du score, attribué en fonction de l'attractivité des vidéos de chatons ou des hashtags dégoulinants de félicité sur les réseaux, score qui vous permet d'accéder à des promos alléchantes mais aussi de rejoindre les plus heureux dans les meilleures zones d'habitation et cherry on the cake vous lancer dans le Grand Projet…
C'est ce que que vise le couple Néo-Juliette en lice pour la sélection.

Outre la description édifiante de ce monde hyperconnecté, qui fait froid dans le dos, le roman présente une galerie de personnages, avec leur ressenti personnel et leur adhésion plus ou moins factice aux artifices de classification sociale. Sans être dupes, les plus zélés se confirment sans broncher, pour profiter des avantages promis. Quant aux rebelles, ils risquent gros…

Si la première partie est une satire sociale sans compromis, le roman prend vite des allures de thriller avec un crescendo fort réussi.

Très habilement construit de telle sorte que l'on est embarqué dans l'intrigue, ce roman est par ailleurs fort bien écrit et est pour moi un coup de coeur

400 pages Au Diable Vauvert 4 avril 2024
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ayant vraiment bien apprécié le précédent roman de l'auteur, Alfie, sur l'intelligence artificielle en mars dernier, il ne faisait aucun doute que j'aurais fini par lire Tout est sous contrôle du même auteur, sorti en avril. Quand j'ai vu dans mes mails que Babelio organisait une rencontre avec l'auteur concernant ce titre, je n'ai pas hésité plus de quelques secondes avant de m'inscrire.

Autant vous dire que je ne regrette pas du tout mon choix, car il s'agit là encore d'un excellent bouquin, et je suivrai avec attention les prochaines publications de l'auteur. Je dois dire néanmoins avoir une très légère préférence pour son roman Alfie, pour tout le décalage créé par ce narrateur particulier de l'IA, amenant un humour et une légèreté au récit assez réjouissants que j'ai beaucoup moins retrouvés dans Tout est sous contrôle.

J'ai trouvé qu'on avait là un roman plus complexe au niveau de la trame narrative, plus abouti aussi au niveau de ses thématiques. Là où Alfie avait un aspect hyper divertissant, Tout est sous contrôle est beaucoup plus impactant. Cela s'explique probablement par le ton résolument sombre de ce roman : on a en effet ici un très bon roman noir d'anticipation.

Un roman choral, où le bonheur conditionne votre vie et vos rapports aux autres. L'auteur nous propose un futur proche dans lequel un système de notation sociale est mis en place, ayant pour base la notion de bonheur. Plus vous êtes heureux selon les critères définis, plus vous aurez une bonne note, et cette note conditionne beaucoup de choses dans cette société, notamment la possibilité de devenir parents. Seuls les couples les plus “heureux” peuvent le devenir.

Un roman qui nous questionne ainsi tout au long de sa lecture sur ce qu'est le bonheur, sur le paraître, sur bon nombre de travers de nos sociétés. L'auteur n'est pas tendre avec notre société actuelle, et même s'il a exacerbé les traits, j'ai trouvé ce roman bien plus angoissant qu'Alfie, car bien plus proche, je trouve, de notre réalité de tous les jours.

La notation sociale existe déjà, notamment en Chine, mais aussi dans une certaine mesure en France et en Europe. Je pense par exemple à tous les métiers libéraux. Il est courant aujourd'hui de lire des avis ou des notes sur les cabinets médicaux ; quand il n'y a qu'un médecin dans ce dernier, c'est bien la personne qui est notée… Notre rapport aux réseaux sociaux n'est déjà pas si éloigné de ce qui est présenté dans le roman : Instagram, TikTok et la volonté d'étaler de manière dégoulinante à quel point on est heureux et qu'on vit bien, partageant la moindre photo de ce que l'on mange au restaurant ou de son chat, car c'est trop mignon les chats. Les exemples sont nombreux tout au long du roman ; c'est assez acerbe, cela sonne très juste, et cela a un côté du coup assez angoissant, car il n'est pas délirant que le schéma présenté ici devienne réalité d'ici quelques années si on n'y prend pas garde.

L'histoire en elle-même, une fois le cadre posé, s'avère hyper prenante. Une fois la moitié du roman dépassée, il devient difficile de lâcher le livre ; j'ai d'ailleurs lu cette seconde moitié d'une seule traite, curieux de voir comment le couple allait s'en sortir et jusqu'où chaque membre du couple serait prêt à aller pour devenir parent, et les conséquences que cela entraînera dans leur rapport. Les personnages présentés sont hypers intéressants. On découvre, l'air de rien, le point de vue de pas moins de huit personnages (même si l'on suit principalement le point de vue de seulement trois d'entre eux) qui se partagent le roman sans que jamais l'on ne s'y perde. Cette diversité de personnages très différents les uns des autres amène, je trouve, une grande richesse au roman, permettant justement d'entendre différents sons de cloche et de traiter certaines thématiques comme celle de la parentalité, qui est centrale dans le roman sous différents aspects.

Bien maîtrisé et bien construit, Christopher Bouix propose ici un roman solide et impactant qui ne laisse vraiment pas indifférent. J'ai par ailleurs beaucoup aimé la fin, que j'ai trouvée au final assez fidèle à l'ambiance du roman. Je conclus ma chronique en remerciant Babelio, Au diable vauvert et l'auteur pour cette belle découverte que je ne peux que vivement vous recommander.
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Tout est sous contrôle, nous murmure Christopher Bouix. Une idée à ne pas discuter trop ouvertement, dans ce futur tout est écouté et scruté…

L'auteur pousse les curseurs plus loin, plus fort. Un avenir pas si éloigné, comme une suite assez logique de ce qui est en train de se mettre en place. Pousser vers certaines extrémités n'en rend pas la vision moins crédible.

Ce roman joue sur plusieurs tableaux, plusieurs ambiances, il cache aussi son jeu dans cette société où tout est devenu public. Comédie ou tragédie ? Les deux, pour un texte étonnant et vraiment jubilatoire.

2084, 100 ans tout juste après le 1984 de George Orwell, clin d'oeil qui ne doit rien au hasard. Ce monde de demain est bien moins sombre que celui d'Orwell, du moins en apparence.

Oui, l'apparence, voilà bien le terme qui convient. Ce monde ultra-connecté est une excroissance du nôtre, où tout est partagé entre tous (et surtout avec les autorités), où les injonctions vont vers un lissage des comportements pour que tout tende vers le bonheur parfait.

Un univers policé (policier ?) où tout tourne autour d'un indice du bonheur, qu'il faut faire fructifier à chaque moment de sa journée sur les réseaux sociaux, devenus aussi omniprésents et indispensables que de respirer. Jusqu'à en étouffer.

L'idée de base n'est pas neuve, je me souviens d'un excellent épisode de la saison 3 de Black Mirror par exemple, sur une thématique proche. Dans la vie réelle, la Chine s'y est même essayée. Mais Christopher Bouix va vite faire preuve de singularité, par sa créativité et surtout par sa manière de raconter.

Croyez-moi sur parole, (personne ne met (encore) en doute mes propos), voilà un roman qui est une sacrée belle réussite ! Cynique, impertinent, visionnaire, drôle, flippant. Un mélange de tons et d'émotions qui font que ces 400 pages se dévorent.

Dans ce futur, le gouvernement contrôle effectivement tout, et les citoyens plus grand-chose. On pense à leur place, on leur dit quoi manger, quoi faire et quoi penser. La pensée conservatrice a pris le pas sur tout le reste, pour le bonheur de tous, en apparence. Ça marche pour certains, surtout en façade, mais derrière les murs ce bonheur se craquelle.

Vous vous demandez ce que l'omniprésence des réseaux sociaux et de l'image publique peut donner demain ? L'auteur vous en propose une vision sacrément bien pensée et réfléchie. Pas de concepts compliqués, place aux travaux pratiques.

Même si les sujets sont graves, la plume est mordante, maniant l'humour noir avec talent. Avec un auteur qui se place aux côtés de ce qui fait le coeur du roman : les personnages.

Une sacrée galerie, une belle ménagerie. Un couple prêt à tout pour être autorisé à faire un enfant, dont un psy qui pense davantage à lui-même qu'à ses patients. Leur conseillère totalement névrosée et écrasée par son horrible vieille mère, ou encore un vieux flic réactionnaire. Ils sont tous formidables à leurs manières, si vous aimez détester les personnages tout en étant parfois touchés par eux.

La quête de parentalité du couple va les faire dépasser certaines limites, poussé par un système dévoyé. Avec un engrenage qui va se mettre en place et faire évoluer l'histoire vers le roman noir.

Je dois vraiment insister sur la narration, bourrée de trouvailles stylistiques, à l'image des passages qui concernent la névrosée de service. Les chapitres où elle tente de dominer son acrimonie intérieure sont aussi drôles que terribles. du grand art.

Le côté choral permet à l'auteur de s'en donner à coeur joie, jouer avec les tonalités, les ambiances, les caractères. C'est bien là le sel de ce roman, au-delà de la vision épatante de ce futur.

Tout est sous contrôle, vraiment ? Il ne faut pas se fier aux apparences, dans cet avenir qui se repose entièrement sur elles. Christopher Bouix nous en dresse un portrait terrifiant, mais rendu jubilatoire par son écriture pleine d'inventivité et d'humour (noir). Une très belle réussite, à mettre entre toutes les mains !
Lien : https://gruznamur.com/2024/0..
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« Tout est sous contrôle » est le second roman de Christopher Bouix que j'ai l'occasion de lire. le premier, « Alfie », présentait un robot d'assistance du quotidien doté d'une intelligence artificielle. L'écrivain continue sur sa lancée en proposant cette fois un roman plus adulte où l'injonction au bonheur deviendrait la norme et un idéal sur lequel est basée toute la société. Après tout, l'aspiration au bonheur n'est-elle pas le but de toute existence ? Nous sommes en 2084 dans une société où le bonheur est une norme obligatoire pour « évoluer ». En fonction de votre indice de bonheur, vous êtes engagés dans certaines sociétés ou pas, vous êtes autorisés à vivre dans certains quartiers, vous pouvez devenir parent, ou pas… Pour y parvenir, il vous suffit d'être heureux et de le faire savoir sur HappyApp en postant « le maximum de contenus heureux ». Par ricochet, vous gagnez ainsi des followers, vous multipliez vos interactions avec eux, et certains pourront même devenir « vos amis ». Votre indice de bonheur doit être haut, car de celui-ci, dépend votre vie entière. Chaque jour, l'application HappyApp vous informe de l'évolution de cet indice de bonheur depuis votre dernière connexion, du nombre d'amis en attente, et du nombre de messages reçus. Grâce à des lentilles implantées dans vos yeux, il vous suffit de cligner deux fois pour ouvrir l'application et savoir où vous en êtes.

#Happyme

« Profitez de chaque plaisir pour sublimer votre vie. »

Dans ce monde parfait où « Tout est sous contrôle », rien ne dépasse. Les habitants sont à la fois dans le contrôle et constamment sous surveillance. Cette injonction au bonheur et le faire savoir à tous est implicitement réglementaire. Chacun sait que toute évolution dans la sphère personnelle et professionnelle en dépend. Ainsi, Juliette et Néo, aux indices de bonheur respectivement de 7,2 et de 7,9 ont la chance de déménager dans un quartier à indice haut pour entamer une nouvelle étape de leur vie, un Grand Projet pour lequel Juliette travaille sans relâche : elle partage avec sa « communauté » ses moments de bonheur quotidiens, quitte à consommer quelques HappyPills quand son moral flanche ou qu'elle se met à avoir des crises d'angoisse. Dans ce monde tout en joie, positif et optimiste, où même manger constitue un risque non négligeable, Juliette s'évertue chaque jour à montrer la meilleure version d'elle-même et de son couple. Bonheur parfait, félicité communicative, bien-être contagieux, ravissement démonstratif. Être heureux est l'aboutissement d'une vie entière, la récompense ultime pour accéder aux rangs les plus enviables de la société.

#ForeverHappyLife

« Faites de chaque moment un instant exceptionnel. »

Dans cette dystopie positive, utopie fantasmée, Christopher Bouix navigue entre Intelligence artificielle, progrès scientifiques et médicaux, et omniprésence des réseaux sociaux. Fin observateur de notre société actuelle où les réseaux véhiculent déjà une vision altérée et déformée de ce que chacun choisit d'y projeter, il pousse simplement les curseurs en en faisant une « loi », un règlement accepté de tous. « Tout est sous contrôle », même les émotions. Nos pensées les plus intimes et les plus secrètes restent privées et ne sont partagées qu'avec soi. le malheur, la souffrance, la peine et toutes les émotions négatives sont proscrits. Combien de temps peut-on vivre avec de telles injonctions ? Quels sont les renoncements consentis sur le grand autel du bonheur obligatoire ?

#LoveOfMyLife

Certains personnages de « Tout est sous contrôle » révèlent un côté plus sombre, et donc plus « objectif » de cette société fantasmée. Soit, ils ne bénéficient pas d'un indice de bonheur de « winner » et tout est donc plus compliqué pour eux, soit leur esprit critique n'a pas encore été totalement stérilisé. Ça va souffler fort sur cette société au bonheur indispensable… Les personnages secondaires ont autant de force que ce couple sur le chemin du Grand Projet et permettent d'équilibrer un peu la balance en laissant entrevoir quelques failles du système. Comme il est jubilatoire de voir s'écorner, petit à petit, cette image d'Épinal trop lisse ! Lorsque quelques individus commencent à éliminer ceux qui possèdent un indice de bonheur trop élevé, un curieux vent vient charrier cette communauté un peu trop parfaite. « Des citoyens dotés d'indices de bonheur au rabais se vengeaient sur ceux qui affichaient un chiffre un peu trop élevé au compteur. (…) Et la conclusion encore plus limpide : le bonheur pouvait rendre fou. (…) le bonheur est une pute, la vie est son mac. »

#BeGoodToYourself

Entre thriller et roman d'anticipation, « Tout est sous contrôle » foisonne d'idées ingénieuses sur « le monde d'après » et Christopher Bouix semble prendre un pied phénoménal à déployer cet univers. le moins que l'on puisse dire c'est que cet enthousiasme est contagieux ! Caustique à souhait, l'écrivain tisse des concepts révolutionnaires avec une aisance déconcertante. Il déploie un tourbillon d'idées novatrices et des concepts inédits, comme s'il puisait son inspiration dans le réservoir de notre société actuelle.

Préparez-vous à embarquer dans un voyage époustouflant à travers l'esprit génial d'un auteur qui repousse les limites de l'imagination humaine ! « Tout est sous contrôle » ne se contente pas de raconter des histoires, il crée un autre monde, un univers parallèle où la réalité se plie à la volonté de l'imagination. La capacité de Christopher Bouix à explorer des territoires inconnus et à repousser les frontières du connu pour nous entraîner vers des horizons insoupçonnés est vertigineuse. Chaque page est une révélation, chaque chapitre est une invitation à repenser notre perception du monde qui nous entoure. Il ouvre de nouvelles voies et défie les conventions avec une audace et une ingéniosité hors du commun. Mais ce qui rend « Tout est sous contrôle » vraiment unique, c'est son bel esprit créatif et cette inventivité débordante qui captivent et émerveillent le lecteur.

#BeGoodToOthers

« le bonheur se construit une seconde après l'autre. »

Attachez vos ceintures, Christopher Bouix nous transporte dans un tourbillon d'émotions et de réflexions. « Tout est sous contrôle » explore des questions de société en puisant son souffle créateur dans des voies que nous empruntons déjà. « Le conseil du jour : chaque matin, récitez trois fois à voix haute : “je suis heureux et ma vie est parfaite.” Cela renforcera votre sentiment intime de bonheur. N'hésitez pas à partager et publier des vidéos de ce moment heureux accompagnées des hashtags #HappyLife et #AnotherPerfectDay, cela vous permettra d'obtenir 10 crédits et d'augmenter votre indice de bonheur de 0,003 points ! » Il nous pousse à réfléchir sur notre utilisation des réseaux, sur ce que cela dit de nous, sur ce que nous cherchons à transmettre par ce biais, aux autres. Grâce à des illusions supposées influencer le bonheur des autres en exposant nos soi-disant #ForeverHappyLife, nos obsessions à montrer à quel point nos existences sont parfaites, Christopher Bouix s'offre une fabuleuse opportunité de démontrer que nul n'est dupe de ce petit jeu très malsain. Un passe-temps qui pourrait très bien devenir une réalité !

Une expérience littéraire absolument jouissive !
Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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Imaginez un futur dans lequel la planète n'aurait pas sombré, et nous avec. Un futur dans lequel le bonheur serait l'objectif ultime à atteindre et pourrait être calculé le plus simplement du monde via une application. Bienvenue dans l'univers du dernier roman de Christopher Bouix ! Après nous avoir narré les mésaventures d'une intelligence artificielle chargée d'agencer le quotidien d'une famille ordinaire carrément dysfonctionnelle, le voici de retour pour nous interroger sur nos rapports à la technologie et sur la place qu'elle peut/pourrait occuper dans notre vie. le roman met en scène un couple, Juliette et Néo, qui possède un indice de bonheur assez élevé (il s'agit d'une note sur 10 établie par l'application HappyApp et basée sur tout un tas de critères flous mais qui correspondent globalement à leur degré de docilité et aux contenus postés sur les réseaux). Leur note s'élevant désormais à plus de 7, tous deux se voient offrir l'opportunité de déménager dans un meilleur quartier, et surtout les rend éligibles pour devenir de futurs parents. Parce que oui, dans le futur imaginé par Bouix, on n'habite pas où on veut, et on ne fait pas des enfants n'importe comment non plus. Toutefois, bien que le dossier des Lanhéry soit solide, un autre couple leur fait concurrence et pourrait bien les coiffer au poteau lors de l'attribution de l'autorisation à désactiver les puces stérilisatrices qui leur ont été implantées. Traumatisée par la perte de son précédent bébé et obsédée à l'idée de redevenir mère (la jeune femme n'est plus qu'à quelques mois des trente ans, date à laquelle elle ne pourra plus jamais prétendre à la maternité), Juliette est prête à tout pour mener son « grand projet » à bien. Quant à Néo, si l'arrivée d'un nouveau né le laisse relativement indifférent, il est pour sa part bien décidé à garder sa compagne et son niveau de vie. A ce couple aux abois viennent s'ajouter une poignée d'autres personnages, à l'image de Sibylle, femme visiblement très instable entretenant une relation toxique avec sa mère, ou encore d'un inspecteur et de son acolyte chargés d'enquêter sur les attaques de plus en plus fréquentes dont sont aléatoirement victimes des personnes à haut indice de bonheur.

Le pitch de base est plutôt alléchant et le résultat est tout à fait à la hauteur puisqu'on retrouve ici le même plaisir que dans le déjà excellent « Alfie ». Christopher Bouix nous dépeint un futur à priori enviable, avec une jolie vitrine, mais dont on devine très vite qu'il sent le souffre. Comme souvent en SF, se pose la question des nouvelles technologies, de leur intrusion de plus en plus pernicieuse dans tous les aspects de notre vie et surtout de l'usage que pourraient en faire des états afin de renforcer le contrôle qu'ils exercent sur leur population. Outre l'application HappyApps, tous les citoyens et citoyennes possèdent ici des lentilles connectées pour rester en permanence en communication avec leurs contacts à qui ils attribuent constamment des notes qui peuvent faire monter ou baisser leur indice de bonheur, mais aussi pour que le gouvernement puisse avoir accès n'importe quand à toutes leurs données. Ce contrôle s'exerce également par le biais de l'injonction presque incontournable de partager régulièrement (c'est-à-dire plusieurs fois par jour) sur ses réseaux les « petits bonheurs » du quotidien, accompagnés de hashtags « inspirants » plus dégoulinants les uns que les autres comme #CultivonsLesPetitsPlaisirs ou #BeGoogToOthers (le roman fourmille d'exemples et certains sont franchement hilarants). Mais au-delà de la question de l'emprise de plus en plus forte des écrans et des GAFAM sur nos vies, ce que l'auteur questionne avant tout, c'est tout le discours de plus en plus omniprésent aujourd'hui de la nécessité pour les individus de travailler sur eux-mêmes pour atteindre le bonheur. Car la société dépeinte par Bouix n'est-elle pas finalement l'aboutissement ultime de toutes les théories type « développement personnel » ? le bonheur serait en quelque sorte à la portée de toutes et tous, et chaque individu devrait pouvoir être à même de se réaliser, sans que ne soit jamais posé la question de l'environnement dans lequel ces individus vivent, ni des contraintes, des injonctions ou des rapports de domination qui pèsent sur eux. C'est cette théorie qui est expérimentée ici (certes jusqu' à l'absurde), et le résultat est aussi amusant qu'effrayant.

Mais le roman ne séduit pas que par la qualité de son décor, loin de là. Tout comme dans « Alfie », l'auteur a pris soin de peaufiner son intrigue qui suit des méandres parfois inattendus et qui parvient à nous maintenir en haleine jusqu'à la toute dernière ligne (littéralement !). Comme dans son précédent livre, aussi, Christopher Bouix a choisi d'agencer son récit autour d'une autre oeuvre littéraire à laquelle il multiplie les clins d'oeil, que ce soit par le biais de ses personnages ou bien de la façon même dont a été pensée et organisée l'intrigue. A Agatha Christie mise à l'honneur dans « Alfie » succède ici Racine dont les pièces et les thématiques structurent en partie le roman de façon très habile. Il ne s'agit d'ailleurs pas des seules références qu'on peut trouver dans le roman puisque l'auteur convoque aussi tout un imaginaire cinématographique, reprenant ici le principe d'un épisode de Black Mirror (« Chute libre ») ou là le concept d'arrestations anticipées au coeur de l'intrigue de « Minority Reaport ». On peut enfin saluer la qualité des personnages qui, protagonistes comme seconds-couteaux, disposent d'une personnalité fouillée et convaincante. A défaut de les rendre toujours sympathiques, leur complexité et leurs contradictiosn nous les rendent en tout cas très humains, et donc intéressants à suivre. C'est le cas notamment de Juliette, jeune femme marquée par la mort prématurée de son fils qui prend des décisions plus que controversées mais qu'on ne peut malgré tout s'empêcher de comprendre. Ce qui séduit, aussi, c'est la variété des points de vue proposés, l'auteur tentant par le biais de ses personnages de nous brosser un portrait le plus complet possible de cette société qui n'est absolument pas analysée de la même manière en fonction des individus (le couple Lanhéry, par exemple, ne se montre absolument pas critique du système quand la collègue de Juliette ou encore l'inspecteur de police portent un regard beaucoup plus lucide sur le carcan dans lequel on tente de les faire rentrer avec cette course vaine à un bonheur de pacotille).

Avec « Tout est sous contrôle », Christopher Bouix signe un roman dans la droite lignée d'« Alfie ». Il y met en scène un couple en concurrence avec d'autres pour obtenir le droit de faire un enfant, le tout dans une société du contrôle 2.0 où toutes les données des citoyens et citoyennes sont collectées, analysées et donnent lieu à une notation pompeusement baptisée « indice de bonheur ». Intrusion des nouvelles technologies dans notre intimité, narcissisme débridé sur les réseaux, culte du développement personnel et palette d'outils à disposition du parfait petit état totalitaire : voilà quelles sont les thématiques passionnantes mises à l'honneur par l'auteur qui a également pris soin de peaufiner son intrigue et ses personnages. Il en résulte un page-turner amusant et passionnant qu'on prend beaucoup de plaisir à dévorer !
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
À son époque, il y avait déjà eu une campagne d'actualisation des textes pour modifier la fin et la rendre plus heureuse.C’était une tendance qui s'était accentuée tout au long du XXIe siècle : on avait d'abord retiré certains termes jugés offensants, puis repris certains passages, pour les rendre plus inclusifs, inventé de nouveaux personnages, pour qu'il y ait davantage de diversité, et enfin réécrit les fins. A quoi bon sortir d'un livre déprimé et dévasté ? Certaines personnes sensibles pouvaient se sentir particulièrement offensées, par telle ou telle œuvre d'art du passé ; et ça, ce n'était pas acceptable.
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Elle referma sa page d’accueil et se souvint qu'elle n'avait pas publié de nouveau contenu depuis au moins trois jours. Son indice de bonheur avait dû s'en ressentir et affichait sans doute un chiffre à la baisse. Il faudrait qu'elle y pense, ce soir, en rentrant du travail. Une vidéo heureuse pour montrer combien ma vie est géniale et qualitative... Ce genre d'idée la déprimait complètement.
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Elle affichait un indice de bonheur de 6,7. (…) Dans sa vie de tous les jours, Néo n'aurait certainement jamais parlé avec elle. Lui-même avait atteint le score de 7,9 et il ne comptait plus fréquenter d'utilisateurs en dessous de 7.

Le fameux équilibre vie-personnelle/vie professionnelle trouvait en lui une sorte de hérault, un porte-drapeau (…). Néo observait le spécimen avec un peu de
circonspection. Autant d'accomplissement personnel et une telle absence de névroses ou de dysfonctionnement le mettaient mal à l'aise. Comment était-il possible qu'(il) ne fût pas, au minimum, un tout petit peu psychotique? Est-ce que ce n'était pas le lot de toute l'humanité?
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Les hommes n'aiment pas être contredits , surtout quand ils se lancent dans des explications techniques. Ca leur donne l'impression qu'on essaie de leur arracher les couilles avec les dents.
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Vous venez de prendre une unité d'alcool !
Votre indice de bonheur est décompté de 0,000001 point !
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Videos de Christopher Bouix (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christopher Bouix
D'une dystopie bientôt devenue réalité à la poésie de l'instant, il n'y a parfois qu'un pas. Deux auteurs nous le prouvent dans cette vidéo, où un roman sur un médecin qui va tout faire pour s'accaprer l'être aimé, côtoie un texte d'anticipation qui prend l'idéologie du bonheur et des réseaux sociaux pour sujet. Christopher Bouix nous présente ici 'Tout est son contrôle', son nouveau roman, et Nicolas Rey nous parle de 'Médecine douce', tous deux publiés Au Diable Vauvert. Une vidéo dans laquelle la poésie a toute sa place, à travers les vers de Jacques Prévert.
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