Voilà encore une très bonne histoire bien écrite et bien racontée.
Le récit démarre alors que la narratrice, Amélia, sur le point de quitter son appartement de San Francisco, avec l'idée de sauter du Golden Gate Bridge pour se suicider. Elle a alors 27 ans.
Par chance pour nous, lecteurs, elle ne sautera pas. Pourtant elle a des raisons de le faire, comme on va l'apprendre. Commence ensuite un long flash-back qui nous explique pourquoi elle a voulu en finir avec la vie. Flash-back qui la montre peu de temps auparavant, mariée et heureuse, mère d'un petit garçon de trois ans. Heureuse après avoir vécu une enfance particulière, sa mère étant morte alors qu'elle avait 6 ans (on reviendra sur les circonstances de la mort de sa mère plus tard dans le roman). Mais un cruel accident la prive de son mari et de son fils adoré – plus rien ne la rattache alors à la vie.
Ne réussissant pas à se suicider, elle ne parvient pas non plus à revenir en arrière et retourner à San Francisco. Elle va donc prendre un bus au hasard, direction l'Arizona, puis elle passera la frontière, où elle prendra un avion, puis prendra encore un bus, et entendra pour la première fois le nom de sa destination « La Esperanza » - « L'espoir ».
Commence alors une belle période dans un paysage magnifique d'un hôtel, au bord d'un lac, à l'ombre d'un volcan sans activité. Guidée par le jeune Walter, Amélia a en effet atterri dans un petit coin de paradis, le petit hôtel que tient une Américaine comme elle dénommée Leila.
C'est un véritable paradis.
Et par des circonstances particulières, ce sera bientôt le sien.
La meilleure partie du livre se trouve là : dans ce petit village de l'Amérique centrale, Amélia va apprendre à vivre aux côtés de ses proches, qui l'aident à tenir l'hôtel, avec des amis qui l'aident à rénover l'hôtel un peu délabré, et avec quelques personnages plutôt louches ou malfaisants, car il y a toujours des bons et des méchants chez
Joyce Maynard.
Il faudra attendre la fin pour qu'une coulée de lave du volcan réveillé, vienne opportunément punir les méchants et réunir l'amoureux transi que sa belle dédaignait jusque-là. Quant à Amélia, elle ne sera pas à l'abri de nombreuses surprises, jusqu'au dernier moment.
La fin est un peu bâclée, pour nous amener à un « happy end » où elle retrouvera une famille dans les derniers chapitres – une fin improbable pour que tout se termine bien pour Amélia, mais qu'importe.
Ce qui importe c'est l'environnement : comme dans «
Où vivaient les gens heureux », le destin peut basculer dans un sens comme dans un autre à cause des évènements climatiques. Nous sommes tous susceptibles de connaître la fortune ou la faillite, selon ce qui pourra advenir du climat, semble nous dire
Joyce Maynard. Et le paysage est magnifique : un lac immense regorgeant de poisson, des plantes fabuleuses, qui accueillent une multitude d'oiseaux : oui, on rêve de prendre un billet direction cet « Hôtel des Oiseaux » peu connu des touristes (il faut dire que l'histoire commence avant l'avènement d'Internet).
Mais le plus intéressant encore réside peut-être dans les 3 dernières pages de remerciement de l'autrice vis-à-vis de son éditeur : elle a d'abord essuyé des refus d'éditeurs qui suivent la mode selon laquelle une autrice blanche américaine ne pourrait pas écrire sur un pays qui ne serait pas le sien, et elle s'est faite accusée d' »appropriation culturelle » comme le veut la vague actuelle de l'édition américaine.
Fort heureusement elle a trouvé un éditeur qui a accepté son manuscrit, et en France elle a trouvé les éditions de
Philippe Rey qui n'ont vu aucune objection à la traduire en français.
Heureusement, parce que s'il fallait adopter cette règle stupide, bien des oeuvres n'auraient jamais vu le jour. Alors comme elle le signale à la fin cette règle « limite les qualités mêmes qui occupent le centre d'une bonne fiction : l'imagination, l'invention, la curiosité pour le monde au-delà du sien. »
Prions pour que cette vague ne touche pas nos éditeurs européens, et que les auteurs pourront continuer à pouvoir se projeter dans des histoires qui ne sont pas leur quotidien.
La littérature aura toujours besoin de cette liberté.