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La Vérité sur l'affaire Harry Quebert

"Un bon livre, Marcus, est un livre que l'on regrette d'avoir terminé". Damned! Ce n'était donc pas un bon livre, Harry, que ce livre dans lequel vous vous êtes démené. Je suis ravie de l'avoir achevé et que s'ouvrent d'autres perspectives de lectures. Car j'avoue avoir décroché plus souvent qu'une connexion wi-fi un soir d'orage.

Il faut dire que vous et moi avons débuté sur un malentendu. Vous ne cessez d'expliquer ce qu'est un bon livre et un grand écrivain. Un bon livre, un chef d'oeuvre même, est un livre qui se vend comme un hamburger chez MacDo. A ce compte, le Big Mac est un monument culinaire. Mouais… Par ailleurs, un écrivain de talent écrit un chef d'oeuvre dès son premier bouquin, remarqué par plusieurs éditeurs qui s'en arrachent les droits à grands coups de centaines de milliers de dollars. Mouais toujours. Les Carver, Dybeck, McCarthy et consorts apprécieront.
Et les extraits de votre propre chef d'oeuvre, Les origines du mal, m'ont laissée, comment dire… dubitative: « Ma tendre chérie, vous ne devez jamais mourir. Vous êtes un ange. Les anges ne meurent jamais. Voyez comme je ne suis jamais loin de vous. Séchez vos larmes, je vous en supplie ». Le reste est à l'avenant.
J'imagine Philip Roth ou Pynchon ou Powers (qui me semblent être des références littéraires aux States) devant ces quelques lignes.
Comme ils apprécieront le destin de votre poulain, Marcus. Prenons un éditeur aux canines dignes de faire pâlir Dracula; un auteur d'un unique best-seller en proie au syndrome de la page blanche; un contrat pour 5 ouvrages non respecté. Il est dans la logique américaine que de déchirer ledit contrat pour offrir au pauvre génie en déroute un nouveau contrat de 1 million de dollars dès son dégrippage neuronal.
Passons, passons, cher Harry.
Je vous abandonne pour m'adresser à nos Académiciens français qui ont primé ce livre.

Un homme de 34 ans tombe amoureux d'une adolescente de 15 ans. Faire de cette relation (habituellement sulfureuse) une bluette digne d'une liaison entre Oui-Oui et Bécassine, il fallait oser. Est-ce cette innovation qui vous a bluffés? Nola chérie. Harry chéri. Nola chérie. Harry chéri. Je t'aime Nola chérie. Je vous aime Harry chéri. Et? L'amoureux passe la main dans les cheveux de son amoureuse. On ne frémit pas, on ne tressaille pas. On est désincarné. De purs esprits, ces deux-là. Messieurs les Académiciens, certes, l'Amérique est puritaine mais l'Amérique se reproduit (ou pas). Elle se passionne, perd ses repères, se perd. Elle est charnelle sauf chez Joël Dicker et chez vous a priori. Souvenez-vous lorsque vous étiez dans la force de l'âge. Moi, j'ai regardé évoluer des ectoplasmes. Et je n'ai pas cru davantage aux autres personnages: clichés, attendus, téléphonés, caricaturaux, prévisibles.
J'en veux pour exemple Gahalowood. Pourquoi coller au cliché du bougon-râleur-pas-aimable-au-début-qui-révèle-un-coeur-d'or-à-l'usage?

Reste le thriller. Convenu aussi.

Messieurs les Académiciens, en 1968, vous aviez distingué Belle du Seigneur. Est-ce cette réflexion sur l'amour qui vous a conduits à récompenser, en 2012, l'affaire Harry Quebert?
« Vous essayez de me parler d’amour, Marcus, mais l’amour, c’est compliqué. L’amour, c’est très compliqué. C’est à la fois la plus extraordinaire et la pire chose qui puisse arriver. Vous le découvrirez un jour. L’amour, ça peut faire très mal. Vous ne devez pas pour autant avoir peur de tomber, et surtout pas de tomber amoureux, car l’amour, c’est aussi très beau, mais comme tout ce qui est beau, ça vous éblouit et ça vous fait mal aux yeux. C’est pour ça que souvent, on pleure après »
Là, je soupire très fort. Et je passerai sous silence l'indigence stylistique parce que, à cette heure, "la lune brillante illumine tout au-dehors".
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L'Anomalie

Je ne comprends pas l'engouement pour ce bouquin. C'est pourtant passablement artificiel et alambiqué. On se croirait dans une mauvaise série télé avec un habile mélange de tous les ingrédients pour plaire au plus grand nombre...
L' intrigue est très embrouillée et totalement capillotractée. Les personnages sont sans profondeur, c'est vraiment le point faible de ce bouquin : ce sont des créatures fictives qui manquent singulièrement d'épaisseur psychologique, désincarnés en fait; ça commence très mal avec ce personnage de tueur tout droit sorti d'un mauvais thriller.
De plus c'est une histoire qui manque fichtrement d' émotion et où on s'ennuie souvent.
On assomme le lecteur de réflexions "philosophiques" lourdingues , le Tellier se prend beaucoup trop au sérieux et a un petit côté donneur de leçons; le passage avec les religieux est particulièrement superflu.
L'histoire avec ses contradictions temporelles est de plus en plus extravagante et le summum est atteint quand les quidams rencontrent leur double; on s'y perd complètement.
On peut se demander si le Tellier ce nouveau " philosophe ", existe vraiment ou si c'est un auteur virtuel ? A moins que ça soit son double qui ait écrit le bouquin, ou alors il y a un double du bouquin qu'il faudrait lire pour tout comprendre ?
Un pensum philosophico-dystopique abracadabrantesque, lourdingue et très surfait..
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Le Petit Prince

Le Petit Prince, qu'est-ce que c'est ? Une histoire pour enfants ? Un conte fantastique ? Un roman jeunesse ? Un conte philosophique ? Un message codé ? Un écrit poétique ?
Pas si facile qu'il y paraît de répondre à cette question d'apparence simple sans examiner au préalable sa structure.
La narration se déroule sur un mode simple mais absolument pas simpliste. Une tonalité enfantine se dégage de l'emploi d'un lexique minimaliste, qui donne l'illusion d'un répertoire pour enfant mais où les mots, s'ils sont tous connus, revêtent pour Antoine de Saint-Exupéry une double voire ou une triple identité. Ceci confère différents niveaux de lecture à l'histoire. Les enfants restant dans la signification ordinaire des mots et les adultes y percevant un lyrisme de la meilleure espèce.
Cette narration est segmentée en 27 chapitres de longueur inégale, qui ont chacun une grande cohérence interne mais qui n'ont pas forcément un grand rapport avec le chapitre directement précédent ou suivant.
Ceci vient du fait que chaque chapitre aborde un thème qui lui est propre. Il se présente presque comme une fable indépendante ayant une valeur symbolique, allégorique ou métaphorique.
Le double sens des mots crée des clés d'écriture extraordinairement poétiques comme on en rencontre de nombreux exemples dans la littérature française. Par exemple, le vent devient le sanglot long d'un violon pour Paul Verlaine ou encore le cancer du poumon un nénuphar chez Boris Vian. Ici aussi, pour bien comprendre le message, il faut faire sauter le code.
Remplacez " mouton " par " amitié ", " serpent " par " mort ", " fleur " par " amour " ou " femme " selon les cas, " baobab " par " conflit ", " renard " par " sagesse ", etc. et vous obtiendrez une lecture tout à fait différente, assurément moins poétique mais beaucoup plus porteuse d'un message philosophique à l'adresse des adultes.
Alors, le Petit Prince, qu'est-ce que c'est ? (Car jamais je ne lâche une question quand j'en tiens une !...)
Ne serait-ce une manière de miscellanées (analectes) comme les Entretiens de Confucius où chaque sous-partie délivrerait un message particulier ? Pourquoi pas ? Mais auquel cas, quels seraient ces messages renfermés dans chaque chapitre ?
Voici une interprétation que je vous propose pour les 27 chapitres, à vous d'en disposer comme bon vous semblera :
I. Quel sens donner à ce que l'on voit ? Peut-être sommes-nous trop cartésiens et pas assez poètes ni artistes ?
II. Nous sommes seuls dans l'existence. le plus important c'est de trouver l'amitié qui rompt la solitude. Dans nos cursus, nous étudions tout, nous nous formons à tout, sauf à l'art d'être ami. On n'a pas besoin d'une amitié chétive, craintive ou intéressée mais, de toute façon, l'amitié sera ce qu'on mettra dedans.
III. L'amitié est un bien précieux mais qu'il ne faut pas chercher à garder pour soi seul, sans quoi, on la perd. Il faut la laisser évoluer librement, sans contrainte.
IV. Trop de gens vivent dans le paraître et non dans l'être. C'est vrai aussi en amitié.
V. Il faut veiller à ne pas laisser grossir les conflits qui peuvent détruire nos vies, nos amitiés, nos amours, car les conflits sont comme des bombes à retardement.
VI. Il faut savoir jouir tout de suite des petits bonheurs simples et accessibles, sans attendre LE grand bonheur qui, LUI, n'arrivera jamais comme il faut, ni quand il faut, si tant est qu'IL existe. Ces petits bonheurs peuvent égayer nos vies grises et tristes en leur donnant quelques couleurs.
VII. L'amour et l'amitié peuvent parfois se nuire l'un à l'autre et il nous faut les protéger tous deux. de façon générale, nous ne protégeons jamais assez ceux que nous aimons et ce qui est important pour nous.
VIII. Les hommes ne savent pas comprendre leur femme. D'ailleurs, il n'y a rien à comprendre, il n'y a qu'à les admirer et les aimer.
IX. Parfois, malgré l'amour, les couples d'amoureux se séparent et s'en retournent errer dans leur solitude s'ils n'ont pas d'ami.
X. Certaines personnes ont soif de pouvoir, alors qu'il ne faudrait se soucier que d'être juste, envers soi-même et envers les autres, n'exiger d'eux que ce qu'ils peuvent donner.
XI. Certaines personnes ont soif de reconnaissance et se laissent aller à la vanité alors que, de toute façon, ça ne rime à rien.
XII. Certaines personnes ont soif de plaisirs mais il faut veiller à ne pas sombrer dans l'addiction qui, elle, conduit à la mélancolie.
XIII. Certaines personnes ont la soif de l'or et des possessions matérielles, mais l'argent ne sert à rien, si l'on n'en fait rien. C'est un moyen et non un but.
XIV. Certaines personnes ont soif de repos, ce sont les travailleurs, les ouvriers. Ils ne sont que des exécutants. Leur tâche est parfois stupide et la cadence infernale qu'on leur impose est souvent absurde. Mais ils doivent exécuter, leur vie en dépend et celle des autres aussi.
XV. Certaines personnes ont soif de connaissances, mais les connaissances théoriques déconnectées de la réalité de la vie des gens ne servent à rien.
XVI. La Terre est composée partout des mêmes proportions de gens assoiffés de pouvoir, de savoir, d'argent, de drogues, d'orgueil et d'une grosse majorité de pauvres bougres condamnés à travailler pour faire fonctionner la machine.
XVII. La mort est la solution ultime à tous les problèmes. C'est la fin du voyage.
XVIII. La traversée du désert peut être longue à la perte d'un ami pour en rencontrer un nouveau.
XIX. Quand on prend de la hauteur, on s'aperçoit que l'humanité ne vole pas très haut, qu'elle manque d'imagination, d'audace et qu'elle suit passivement ce qui se fait, par grégarisme.
XX. Chacun s'imagine extraordinaire et n'est pourtant rien que de très ordinaire.
XXI. La vie n'a de sens, de beauté, d'intérêt que par le lien privilégié que l'on tisse avec un nombre limité d'autres. Hors de ce lien, tout se ressemble. Mais ce lien nécessite une attention de chaque instant pour ne pas qu'il se brise ou qu'il se dénoue.
XXII. Nous courons tout le temps. Nous allons trop vite, nous ne savons pas regarder. du coup, nous ne savons pas tisser des liens.
XXIII. La mécanisation, les plats préparés, les transports efficaces ne nous font rien gagner car le temps économisé n'est pas réinvesti dans un surcroît de vie avec du lien ou de l'émerveillement.
XXIV. Quand tout va mal, quand tout est au plus bas, il faut savoir apprécier la richesse qu'est l'attachement que l'on a pour nos proches.
XXV. Quand on a trop de tout, on ne sait plus apprécier. Il n'est pas utile d'avoir tout, tout de suite. Il faut prendre le temps d'aimer et de mériter, les gens comme les choses.
XXVI. La mort des personnes qui nous sont chères n'est que la fin de leur enveloppe corporelle. Elles continuent à vivre en ceux qui les ont aimées, en toutes ces occasions qui nous font encore penser à elles, bien après leur mort.
XXVII. L'amitié est-elle plus forte que l'amour ? L'amitié peut-elle tuer l'amour ? Ou est-ce l'amour le plus fort ? Est-ce lui qui peut tuer l'amitié ? Ou bien est-ce que l'amour et l'amitié peuvent cohabiter en bonne intelligence pour l'éternité ? Dans l'au-delà ?

Le Petit Prince, qu'est-ce que c'est ? Et si c'était une philosophie de vie à l'usage des adultes maquillée en conte pour enfant ? Car tout de même, ce n'est pas que miscellanées, il y a un fil, une histoire. Et quelle serait la philosophie de vie générale de tout cela ? Pourquoi Antoine de Saint-Exupéry fait-il mourir son petit prince ? Et si c'était pour nous questionner ?
Et si le Petit Prince n'était qu'une question ? Et si le Petit Prince c'était " Quel est le sens de la vie ? Quel est le sens que vous voulez donner à votre vie ? "

C'est la fin du chemin, je m'arrête ici. Mais je n'oublie pas ce que le Petit Prince m'a appris : on ne dit jamais assez qu'on les aime aux personnes et aux choses qu'on aime. Alors, encore une fois, pour ne jamais l'oublier, je te le dis, je t'aime Petit Prince...

Et de tout ça, quel est le sens de l'avis ? Il ne signifie sans doute pas grand-chose.
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Voyage au bout de la nuit

LE CAS CÉLINE : cela fait un bout de temps que je médite d'écrire un petit billet qui risque fort d'être extrêmement controversé, mal vu ou mal interprété. Mais, comme il n'est pas interdit ni exclu d'être parfois courageuse en ce bas monde, je prends sur moi d'assumer toute la hargne ou le mépris qu'il pourrait susciter.

J'ai déjà presque failli me brouiller avec l'un de mes meilleurs amis à ce propos, un soir de réveillon de Noël, plombant durablement l'ambiance et avec lequel il m'a fallu plusieurs longs mois pour reparler littérature. Sachant que depuis, nous évitons l'un l'autre, soigneusement et tacitement de nous approcher de près ou de loin du cas Céline.

Question : Peut-on être considéré comme le plus grand écrivain français du XXème siècle quand on a, non seulement tenu des propos, mais aussi et surtout, publié des propos fortement injurieux, racistes, xénophobes, homophobes et très accablants d'antisémitisme ?

Cette question n'est pas encore tranchée et nul ne sait aujourd'hui si elle le sera un jour de façon consensuelle. le malaise du ministère de la culture au moment du cinquantenaire de la mort de Céline est là pour l'attester.

(Même si l'état français via la BNF a quand même lâché pas moins de 12 millions en 2001 pour racheter le manuscrit. Je doute qu'il se montrerait aussi large pour sauver de l'oubli les premières culottes de Françoise Sagan ou les chaussettes à D'Ormesson, donc en soi, ça veut quand même dire un peu quelque chose.)

Il nous faut donc nous replier sur des solutions individuelles, locales, idiosyncrasiques et donc fortement teintées de subjectivité pour tâcher, bien modestement, d'y trouver notre propre réponse.

Puisque nous parlons ici du Voyage Au Bout de la Nuit, faut-il boycotter cette oeuvre en raison de ce que l'on sait de son auteur ou lire cette oeuvre comme une émanation indépendante d'une personne certes méprisable mais dont, dans un moment de génie, la plume a su sortir une forme de quintessence littéraire ?

En ce qui me concerne, ni l'un ni l'autre. Une oeuvre n'est jamais complètement indépendante de la main qui lui a donné le jour, mais dans le même temps, on peut saluer la réalisation sans adhérer à d'autres réalisations du même bonhomme.

Je vais risquer un parallèle hasardeux. A-t-on le droit de considérer Napoléon comme le plus grand chef d'état français de tous les temps en dépit de son triste palmarès de boucher en chef et de ré instigateur de l'esclavage ?

En ce qui me concerne, sans problème. Napoléon a fait plus et mieux que n'importe quel roi ou chef d'état en poste avant ou après lui en ce qui concerne la modernisation du pays et l'émancipation du droit ou des citoyens d'humble extraction.

Mais dans le même temps, je lui décerne également le prix du plus grand bourreau de l'histoire de France et je l'affuble du plus abject bonnet de calculateur et de bafoueur des droits de l'homme de son temps.

Considérer l'homme, c'est le considérer dans son entier, dans ses lumières et dans ses côtés sombres. Il n'est ni un dieu, ni un chien. Il est probablement quelque part entre les deux, ayant été capable de monter très haut dans certains domaines et de descendre très bas, bien plus bas que le commun des mortels, dans d'autres. Nul n'est monolithique et les grands hommes moins que d'autres.

Revenons à l'ouvrage qui nous occupe. Pour ma part, je considère qu'il serait dommage (voire dommageable) de ne pas le lire sous le seul prétexte qu'il a été écrit par Céline. Un restant d'épicurisme me pousse à prendre les bonnes choses là où elles sont. Mais dans le même temps, je considère qu'il serait tout aussi dommage et dommageable de faire « comme si » Céline n'avait jamais été ce qu'il a été et je vais argumenter ce dernier point.

D'où provient l'antisémitisme flagrant de Céline ? de plusieurs raisons qu'il serait long et fastidieux d'égrener ici, mais d'une plus particulièrement : son refus de la guerre. On lit très clairement et très distinctement dans le Voyage que Céline a été écoeuré, bouffé, brisé à jamais par les horreurs qu'il a vécues pendant la guerre de 1914. C'est strictement dit dans ce livre et je pense qu'il ne fait pas tellement débat que Céline se place clairement du côté des pacifistes acharnés.

Replaçons-nous dans le contexte historique, social et politique où Céline a écrit son premier pamphlet antisémite. La Révolution russe et le spectre bolchevik où des Juifs (notamment Trotski) ont joué un grand rôle et continuent de croire fermement à l'internationale communiste. Plus proche de nous, Hitler est monté au pouvoir en Allemagne, il a commencé à s'en prendre aux Juifs. Que se passe-t-il en France pendant ce temps et dont Céline est le témoin ?

Les restes de la crise de 1929, celle qui a mis à genoux le monde, toujours pas complètement épongés, avec le lourd fardeau de soupçons sur certains banquiers juifs américains. En France, Léon Blum au pouvoir, un afflux massif de réfugiés juifs fuyant le nazisme, bref, un terreau idéal pour ressortir les bonnes vieilles théories racistes et antisémites — un grand classique dans l'histoire de l'Europe —, qu'on revoit éclore à chaque épidémie de peste ou à chaque période de crise profonde et qui ont le vent en poupe à ce moment-là.

Sans oublier les bruits, réels ou supposés, relatifs aux pressions exercées par des lobbys juifs français pour pousser Paris à entrer en guerre contre Berlin. le but recherché par les lobbys juifs serait, d'après ceux qui pensent comme Céline, évident : virer Hitler et ainsi redonner un peu de souffle à une communauté fortement lynchée outre-Rhin.

(Michel Dreyfus montre assez bien, je trouve, l'opposition, la ligne de fracture qui existait à l'époque entre les antifascistes d'une part, et les pacifistes d'autre part. Les premiers n'excluant pas le recours à la force pour faire plier le fascisme. Voir son article intitulé " le pacifisme, vecteur de l'antisémitisme à gauche dans les années 1930 ", accessible sur le lien suivant :
http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=AJ_431_0054)

Dans la tête de Céline, en revanche, le spectre de telles manoeuvres souterraines " des Juifs " (appellation vague et générique, commode car fourre-tout, qui mouille tout le monde au nom de quelques-uns) visant à l'entrée en guerre de la France vont concourir pour lui à la pire chose qui soit : LA GUERRE. Toutes ses images de 14-18 lui remontent au cerveau et du coup, son ennemi intime devient LE peuple juif, dans son entier, sans une ombre de nuance. C'est son interprétation de la situation et elle est méprisable.

Donc le pro-pacifisme affiché de Céline dans le Voyage et qui souvent ne rebute personne me semble pourtant une cause essentielle, et peut-être même première, de ses prises de position ultérieures et que tout le monde dénonce.

Alors oui, Céline a écrit certaines des plus abjectes saloperies qui aient jamais été écrites en français sur les Juifs, mais oui également, il a écrit l'un des plus fantastiques bouquins de tous les temps. Céline est tout ça. Ni seulement antisémite, xénophobe et homophobe répugnant, ni seulement écrivain génial, juste un homme, tout simplement, avec ses qualités et ses travers, avec son bon sens, par moments, et ses interprétations inacceptables à d'autres, avec sa plume luminescente, comme ici, et avec ses écrits insoutenables et intolérables, les pamphlets des années 1930, qu'il n'a jamais renié jusqu'à sa mort. Je pense même que c'est par opportunisme et parce que le vent avait tourné qu'il n'a pas produit d'autres de ses torchons infâmes après guerre.

J'en terminerai seulement en affirmant que, oui, cet homme était complexe et très choquant, dangereux, méprisant, provocant, haineux, fielleux, méprisant, imbu de lui-même, abject et grossier par moments, mais oui il était aussi très sensible, ultra lucide, incroyablement raffiné, intelligent, perspicace à d'autres et c'est justement cette complexité et ce tutoiement constant de la limite (parfois en dedans, parfois largement au-delà du supportable) qui rendent son oeuvre, malgré tout, si intéressante.

Au passage, je rappelle aux quelques matheux qui nous entourent qu'on utilise tous les jours le coefficient de Pearson ou les droites de régression (rien que le nom en dit long !), tous ces outils mathématiques et statistiques ayant été mis au point par des notoires antisémites pour " justifier " l'infériorité et la dégénérescence supposée de la " race " juive. Cela n'empêche nullement de considérer ces outils comme de bons outils mathématiques même si les motivations de leurs auteurs ou l'emploi premier qui en fut fait a depuis longtemps été dénoncé et mis au placard.

Et le livre là-dedans ?

Fantastique ! Au creux des cimes, au sommet des abysses, il y a toujours dans mes rêves littéraires quelque chose en moi qui me pousse à quêter, à fouiner, à déterrer pour retrouver une ombre, une parcelle, un pastiche, quoi que ce soit d'approchant, de faiblement comparable à ce verbe, à cette vigueur, à cette écorchure, à cette pourriture, à cette brillance-là.

Je n'ai pas relu "Le voyage" récemment et je puis donc témoigner en toute subjectivité sur le lent travail de ver dans le fruit qu'a accompli cette oeuvre dans mon cerveau, sur ce souvenir impérissable et qui croît au cours du temps. Je ne me rappelle pas avoir jamais relu depuis un quelconque ouvrage (même les autres bouquins de Céline) qui m'ait autant laissé une impression de puissance littéraire et "d'éclatement à la gueule".

Quand bien même vous ne goûteriez rien du scénario, vous détesteriez l'homme et sa réputation hideuse, sulfureuse, vous seriez presque à coup sûr fasciné par l'incomparable style de l'auteur. Ou en fait, non ; tous comptes faits, non. C'est tellement typé que ça ne peut nécessairement pas plaire à tout le monde : seuls les écrits consensuels (et plutôt insipides) conviennent au plus grand nombre. La Vache Qui Rit, presque tout le monde peut en manger, par contre un vieux fromage féroce qui coule, ça n'est pas forcément du goût de tous… et il n'y a pas à s'en étonner.

Céline est grinçant, cinglant, cynique, cruel, déprimant, rebutant mais c'est surtout un faramineux faiseur de phrases, capable de dégager une puissance incalculable des mots.
Comment expliquer Céline ? À la fois mélange de prose violente et de lyrisme morbide, à la fois désabusé et lucide, à la fois horrible et magnifique.

Son style peut être imitable, mais sûrement pas égalable. Il me semble d'ailleurs fort amusant, comme un singulier pied de nez de l'histoire, que le seul auteur francophone contemporain qui puisse être tant soit peu de la carrure de l'antisémite Céline quant au style soit le juif archétypal, le plus juif d'entre tous, le luminescent Albert Cohen.

Louis-Ferdinand Destouches, alias Céline était toujours très discret sur ses influences littéraires, (Crime et Châtiment, Henri Barbusse, quelques chroniques historiques…) mais, au détour d'une ou deux remarques laissées ici ou là, il avoue à demis mots qu'il se situe dans la lignée de Zola, — aussi étonnant que cela puisse paraître quant aux convictions de l'un et de l'autre — probablement pas n'importe quel Zola, celui de la fin de L'Assommoir, dont le style est si particulier, même pour du Zola.

Le style, (peut-être aurait-il mis une majuscule au mot style, tellement il le tenait en haute estime, dans la lignée très franco-française matérialisée fort tôt par Bossuet dans ses sermons, par La Bruyère et ses Caractères ou Buffon dans son célèbre Discours Sur le Style, laquelle lignée qui depuis les germes semés par Rabelais fleurira les Voltaire, les Laclos, les Balzac, les Stendhal, les Hugo, les Dumas, les Flaubert, les Baudelaire, les Zola, les Rostand, et que sais-je encore ?, les Gide, les Proust , les Camus, les Butor, les Gracq ou les Gary) semble être le véritable fil conducteur des romans de Céline.

Le voyage plus que la destination, comme aurait dit Kerouac, et en ce sens, je pense qu'il en est et demeure le plus grand orfèvre français, voire mondial (mais les armes pour juger d'une telle assertion, sont délicates à maîtriser car il faudrait lire toute la littérature en V.O., or j'ai un peu de mal avec le finnois, l'albanais, le japonais et même un peu le swahili !).

En une phrase, le héros Bardamu fait son voyage initiatique "en négatif", celui qui l'amènera dans un trou perdu à exercer la médecine parmi la populace, après avoir essuyé les ricochets de la guerre, la sueur des colonies d'Afrique, les boulons des usines américaines aux cadences infernales, l'amour avorté, bref, la définition même du "voyage au bout de la nuit".

Mais c'est très mauvais, n'est-ce pas, ça ne donne pas vraiment idée de la chose. Alors, le mieux, c'est sûrement de laisser monsieur Céline lui même vous parler de ce qu'il en est. (C'est un extrait de sa lettre d'accompagnement du manuscrit à Gallimard, lequel Gallimard qui, ayant le nez creux, l'a refusé puis s'en est mordu les olives juste aussitôt.)

« En fait ce Voyage au bout de la nuit est un récit romancé, dans une forme assez singulière et dont je ne vois pas beaucoup d'exemples dans la littérature en général. Je ne l'ai pas voulu ainsi. C'est ainsi. Il s'agit d'une manière de symphonie littéraire, émotive plutôt que d'un véritable roman. L'écueil du genre c'est l'ennui. Je ne crois pas que mon machin soit ennuyeux. Au point de vue émotif ce récit est assez voisin de ce qu'on obtient ou devrait obtenir avec de la musique. Cela se tient sans cesse aux confins des émotions et des mots, des représentations pieuses, sauf aux moments d'accents, eux impitoyablement précis.
D'où quantité de diversions qui entrent peu à peu dans le thème et le font chanter finalement comme en composition musicale. Tout cela demeure fort prétentieux et mieux que ridicule si le travail est raté. À vous d'en juger. Pour moi c'est réussi. C'est ainsi que je sens les gens et les choses. Tant pis pour eux.
L'intrigue est à la fois complexe et simplette. Elle appartient aussi au genre Opéra. (Ce n'est pas une référence !) C'est de la grande fresque du populisme lyrique, du communisme avec une âme, coquin donc, vivant.
Le récit commence Place Clichy, au début de la guerre, et finit quinze ans plus tard à la fête de Clichy. 700 pages de voyages à travers le monde, les hommes et la nuit, et l'amour, l'amour surtout que je traque, abîme, et qui ressort de là, pénible, dégonflé, vaincu... du crime, du délire, du dostoïevskysme, il y a de tout dans mon machin, pour s'instruire et pour s'amuser.
Les faits.
Robinson mon ami, vaguement ouvrier, part à la guerre, (je pense la guerre à sa place) il se défile des batailles on ne sait trop comment... Il passe en Afrique Tropicale... puis en Amérique... descriptions... descriptions... sensations... Partout, toujours il n'est pas à son aise (romantisme, mal du XXIè siècle ) Il revient en France, vaseux... Il en a marre de voyager, d'être exploité partout et de crever d'inhibitions et de faim. C'est un prolétaire moderne. Il va se décider à estourbir une vieille dame pour une fois pour toutes posséder un petit capital, c'est-à-dire un début de liberté. Il la rate la vieille dame une première fois. Il se blesse. Il s'aveugle temporairement. Comme la famille de la vieille dame était de mèche, on les envoie ensemble dans le midi pour éteindre l'affaire. C'est même la vieille qui le soigne à présent. Ils font dans le midi ensemble un drôle de commerce. Ils montrent des momies dans une cave (Ça rapporte). Robinson recommence à voir clair. Il se fiance aussi avec une jeune fille de Toulouse. Il va tomber dans la vie régulière. Pour que la vie soye tout à fait régulière il faut encore un petit capital. Alors cette fois encore l'idée lui revient de buter la vieille dame. Et cette fois il ne la rate pas. Elle est bien morte. Ils vont donc hériter lui et sa future femme. C'est le bonheur bourgeois qui s'annonce. Mais quelque chose le retient de s'installer dans le bonheur bourgeois, dans l'amour et la sécurité matérielle. Quelque chose ! Ah ! Ah ! C'est tout le roman ce quelque chose ! Attention ! Il fuit sa fiancée et le bonheur. Elle le relance. Elle lui fait des scènes, scènes sur scènes. Des scènes de jalousie. Elle est la femme de toujours devant un homme nouveau... Elle le tue... »

Il me reste encore à vous donner un extrait de l'oeuvre elle-même qui, selon moi, en est très représentatif et que voici :

« J'avais beau me retourner et me retourner encore sur le petit plumard je ne pouvais accrocher le plus petit bout de sommeil. Même à se masturber dans ces cas-là on n'éprouve ni réconfort, ni distraction. Alors c'est le vrai désespoir.
Ce qui est pire c'est qu'on se demande comment le lendemain on trouvera assez de forces pour continuer à faire ce qu'on a fait la veille et depuis déjà tellement trop longtemps, où on trouvera la force pour ces démarches imbéciles, ces mille projets qui n'aboutissent à rien, ces tentatives pour sortir de l'accablante nécessité, tentatives qui toujours avortent, et toutes pour aller se convaincre que le destin est insurmontable, qu'il faut retomber au bas de la muraille, chaque soir, sous l'angoisse du lendemain, toujours plus précaire, plus sordide.
C'est l'âge aussi qui vient peut-être, le traître, et nous menace du pire. On n'a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute la jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde dans le silence de vérité. Et où aller dehors, je vous le demande, dès qu'on n'a plus en soi la somme suffisante de délire ? La vérité, c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde c'est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi. »

Ce coup-là, tout est dit, je crois. Aussi lisez, savourez, délectez-vous de notre plus grand roman français du XXème, malgré ou en raison de toutes les noirceurs de son auteur, de tout ce qu'on en a dit ou médit, (je pense d'ailleurs que rien de ce qui entache vraiment Céline ne transparaît directement dans ce livre).

En somme, d'après moi, il ne faut surtout pas jeter le bébé avec l'eau du bain : il y a bien un Céline putride, absolument suffocant et insoutenable ; on le trouve dans ses pamphlets des années 1930. Mais il existe aussi cet autre Céline, et il serait dommage de tout mettre à la poubelle dans le même sac, sans l'ombre d'une nuance, notamment ses écrits romanesques antérieurs, qui sont d'un tout autre niveau et d'un tout autre intérêt.

Et plutôt que de dire : « C'est un facho ! C'est de la merde ! Je ne me salirai jamais les doigts avec ses livres ! etc. » comme je l'entends très souvent, (On accuse même parfois ouvertement ceux qui apprécient Voyage au bout de la Nuit d'être des sympathisants d'extrême droite.) ne serait-il possible de présenter Céline pour ce qu'il est, c'est-à-dire une sorte de Janus moderne, un genre de Dr Jekyll ayant vraiment exercé la médecine et dont les pamphlets seraient sa face Mr Hyde ?

Mais bien évidemment, aujourd'hui plus que jamais, vous aurez compris que ce que j'exprime ici n'est que mon avis, un tout petit avis noyé sous la foule des centaines d'autres, une goutte d'eau dans l'océan, autant dire, pas grand-chose.

P.S. : je n'ai mentionné que l'une des raisons de l'antisémitisme profond et installé de longue date chez Céline, car il me semble que c'est cette raison qui l'a poussé à écrire ses fameux pamphlets "Bagatelles pour un massacre" et "L'école des cadavres".

Mais rien n'est jamais aussi simple, il semble également que depuis sa plus tendre enfance, dans le foyer familial, on cultivait l'antisémitisme et aussi, surtout devrais-je dire, la brûlure, la blessure à ses yeux que fut la réception de Mort À Crédit, par le monde littéraire, de la critique et de l'édition, où des personnalités éminentes juives prenaient une large part a contribué décisivement à forger le contentieux de Céline avec LE peuple juif.

Sa conception de la "dégénérescence orchestré
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La place

J'ai un peu de colère ce matin, un peu d'indignation : je viens de lire La Place. Probablement pas de quoi se mettre en rogne, penseront certains. Peut-être, mais c'est assez spécial pour moi cette affaire.

Comme Annie Ernaux, je suis née dans le trou du cul de la Normandie, à quelques kilomètres d'elle seulement, dans l'une des villes citées dans l'ouvrage. Comme elle, je suis issue d'un milieu ouvrier mâtiné de paysan. Comme elle, je suis la seule de ma famille à avoir suivi des études supérieures. Comme elle, j'ai vu chaque jour se creuser un peu plus le fossé social qui me sépare encore aujourd'hui — et plus que jamais — de ma famille.

Je vais même vous faire une petite confidence supplémentaire, c'est qu'à la différence d'Annie Ernaux, même parmi les culs terreux, ma famille était considérée comme le top du top de la ringardise et de l'arriération sociale. Nous ne partions jamais en vacances, ne portions aucune marque, n'étions jamais au courant des nouveautés, mes parents avaient une 2 CV pourrie sur toute la durée des années 1980, époque où elle était ultra passée de mode à la campagne et pas du tout vintage… (Exemples pris parmi une multitude d'autres qu'il n'est pas nécessaire de déballer ici.)

Comme Annie Ernaux, je suis désormais enseignante loin des terres chéries où j'ai grandi. Voilà pourquoi je me permets d'être indignée par ce livre que je trouve, malgré toutes les précautions dont se barde l'auteure, très méprisant pour la condition sociale de ses parents.

Personnellement, j'y perçois du racisme. Certes, ce n'est pas du racisme ordinaire, mais c'est du racisme de classe. Pour moi, ce qui constitue l'essence même du racisme, ce n'est pas de dire qu'il existe des différences entre les groupes humains, car ça, il faudrait vraiment être atteint d'une forme de cécité assez invalidante pour ne pas les percevoir. le vrai racisme, c'est de classer les groupes humains sur la base même de ces différences ; de dire que ça c'est mieux ou ça c'est moins bien parce que je suis plus ceci ou moins cela.

Or, quand je lis Annie Ernaux, à aucun moment je ne ressens de bienveillance pour les classes populaires. Elle nous fait une liste longue comme le bras de leurs manquements ou de leurs insuffisances sans jamais la nuancer par les aspects puants de la bourgeoisie à laquelle elle accède et qui pourtant sont absents chez les classes populaires. Elle n'aime pas le milieu dont elle est issue et ça se voit, ça suinte de partout, ça transpire.

Moi non plus mon père n'a jamais lu de livre, moi aussi mon père est un rustre fini, pourtant, combien de fois me suis-je dit auprès de gens très bien sous tous aspects, très bien nés, qui ont une bonne PLACE, combien de fois me suis-je dit, que vous êtes cons mes braves et que mon père vous torcherait si vous aviez l'un et l'autre à résoudre un problème auquel vous n'avez jamais eu à faire face ni l'un ni l'autre.

J'ai vécu auprès d'Amérindiens analphabètes qui m'ont fascinée. J'ai vécu auprès de chercheurs imbuvables et imbus qui m'ont révulsée. J'ai vécu auprès de certains culs terreux normands absolument sans intérêt ; j'ai vécu auprès de certains culs terreux normands dont la puissance de raisonnement m'impressionne encore aujourd'hui et à laquelle je me réfère bien des années après avoir quitté mon milieu et ma Normandie natale.

Donc je ne peux pas lire ce livre sans m'indigner quelque peu. (À titre de comparaison, si je place un autre Normand dans la balance, lui aussi transfuge de classe, comme Annie Ernaux, en la personne de Michel Onfray, lorsque je lis son petit opuscule intitulé le Corps de mon père, je perçois un rapport au père et aux classes populaires tout autre et qui, personnellement, me sied beaucoup mieux.) Je n'y ressens aucun amour des classes populaires, juste un sentiment de culpabilité de leur avoir tourné le dos et d'essayer vaguement de se racheter en écrivant ce bouquin.

Mais cette écriture !!?? Cette écriture !! L'écriture plate, la bien nommée. Comme c'est méprisant. Je cite : « Pour rendre compte d'une vie soumise à la nécessité, je n'ai pas le droit de prendre d'abord le parti de l'art, ni de chercher à faire quelque chose de " passionnant ", ou d' " émouvant ". Je rassemblerai les paroles, les gestes, les goûts de mon père, les faits marquants de sa vie, tous les signes objectifs d'une existence que j'ai aussi partagée. Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante. L'écriture plate me vient naturellement, celle-là même que j'utilisais en écrivant autrefois à mes parents pour leur dire les nouvelles essentielles. »

Voilà l'argument le plus petit, le plus mesquin qu'on puisse imaginer. Encore heureux qu'elle n'est pas devenue peintre d'art sans quoi, pour faire le portrait de ses parents, elle se serait sentie obligée d'utiliser un gros rouleau de peintre en bâtiment. Quelle connerie ! C'est d'autant plus une connerie que dans ses autres romans par la suite, elle ne s'est plus défaite de ce style (ou de ce non style, c'est selon), preuve qu'il n'a qu'un rapport assez éloigné et douteux avec le propos.

Pour en finir avec ce non style, j'aimerais convoquer une citation de Herman Broch dans Les Somnambules et qui m'est revenue à l'esprit à la lecture de ce livre : « Au fond de tout cela il y a une logique complètement dépouillée d'ornements et il semble qu'on ne fait pas une conclusion trop risquée en disant qu'une pareille logique requiert en tous lieux un style dépouillé d'ornements. Certes, ce style apparaît même aussi bon et aussi juste que l'est tout ce qui est nécessaire. Et cependant, c'est le néant, c'est la mort qui sont liés à ce dépouillement d'ornements, derrière lui se cache la figure monstrueuse d'un trépas, où le temps s'est effondré en ruines. »

Pourtant, j'aurais aimé aimer ; j'aurais aimé me sentir en résonance avec cette auteure qui a vécu des choses si proches de celles que j'ai vécues et que je vis encore. Il est vrai qu'elle restitue bien la sensation de se sentir étrangère chez soi, de ne plus avoir grand-chose à partager quand on se voit. Mais elle occulte un autre aspect : elle nous parle d'un " héritage ", sous-entendant qu'il est lourd à porter dans le milieu bourgeois où elle évolue désormais, sans jamais nous en dire quoi que ce soit si ce n'est que du négatif. J'ai peine à croire que son père ne lui ait absolument rien légué de positif et qui lui serve encore aujourd'hui. Pourtant, pas une ligne ne l'évoque.

En somme, ce que je lis dans cette platitude, c'est un portrait sans aménité, sans chaleur. Elle écrit dans l'extrait que j'évoque plus haut " les faits marquants " de la vie de son père. Mais qu'est-ce qu'elle en sait ? Sa naissance à elle n'est-elle pas un fait marquant de l'existence de son père ? Elle évoque rapidement, très rapidement le fait qu'elle ait eu une soeur qui est décédée en bas âge. D'où sa naissance à elle, d'où le fait que ses parents soient " âgés ", d'où le fait qu'ils lui " passent " beaucoup de ses lubies, notamment les longues études. Elle n'en dit pas un mot.

J'ai bien connu des gens comme le père d'Annie Ernaux, des Normands simples et pudiques, pas expansifs mais avec beaucoup de coeur, des gens sincères et droits, et j'ai plus de respect et d'amour pour eux qu'elle ne semble en éprouver pour son propre père.

Bref, un drôle d'hommage qui, sous des airs de vouloir saluer sa mémoire, sonne à mes oreilles comme une ultime marque de mépris et d'incompréhension. Désolée de ne pas vous suivre Annie Ernaux, désolée de ne pas goûter votre snobisme (au sens premier " sine nobilitate ") des couches populaires qui se sont saignées pour que vous soyez ce que vous êtes. J'en viens, j'en suis et c'est peut-être pour ça que je réagis si fort aujourd'hui. D'autant plus fort que le non style de cet ouvrage a donné des idées à de bas suiveurs comme Delphine de Vigan, pour ne citer qu'elle, dont la prose et l'éthique me dégoûtent.

Aussi, plus que jamais, souvenez-vous que ce que j'exprime ici n'est que mon avis, un avis pas forcément à sa place, c'est-à-dire, pas grand-chose.

P. S. (suite aux commentaires) : J'ai omis de parler, puisque la barque était déjà bien pleine, de certains petits côtés racoleurs dans l'écriture d'Annie Ernaux qui me déplaisent au plus haut point, loin du respect que j'aurais attendu vis-à-vis d'un père, quand bien même on ne partage rien avec lui et l'on ne le comprend pas.

Par exemple, parmi plusieurs autres, l'évocation totalement gratuite du fait que pendant la toilette mortuaire de son père, elle ait vu son sexe. Qu'est-ce qu'on en a à foutre, et surtout, qu'est-ce que ça apporte au portrait ou pseudo-portrait ? Ce voyeurisme ordinaire me débecte au plus haut point, et c'est précisément cet aspect, ainsi que l'écriture plate et l'autojustification de ses choix d'écriture qu'a repris Delphine de Vigan, en bon âne suiveur, dans sa mixture imbuvable.

P. S. 2 (après l'attribution du Prix Nobel à cette auteure de « machins » vaguement écrits) : Il fut un temps où recevoir le Prix Nobel, ça signifiait « avoir du talent », littérairement parlant, mais comme cette notion est subjective, on peut toujours vous rétorquer que c'est une question de goût, que vous n'avez rien compris à ceci ou à cela, etc.

Désormais, la valeur cardinale n'est plus le talent littéraire, c'est-à-dire l'aptitude à générer de l'émotion chez le lecteur, à l'élever, à le faire réfléchir, non, maintenant, c'est la politique des quotas vis-à-vis des « minorités » : une femme / un homme ; une blanche / un noir ; un juif / une homo, etc. Et le talent dans tout ça ??? le mot « talent » signifiait à l'origine « celui ou celle qui est possesseur d'un don particulier ».

Virginia Woolf, par exemple, elle qui ne reçut jamais le Prix Nobel, possédait pourtant un talent, quelque chose de rare et d'unique, dont elle fit don à l'humanité. Excusez-moi, mais j'ai beau chercher, je ne vois pas qu'Annie Ernaux, et quelques autres parmi les derniers Prix Nobel, soient affublés d'un quelconque don particulier. D'où ma surprise, pour ne pas dire ma stupeur, face à de telles mises sur piédestal de statues fort ordinaires. Cela fait suite, peut-être, au " président normal ", c'est dans l'air du temps, il faut croire...
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Tout le bleu du ciel

Un joli bébé de 850 pages , ça donne à réfléchir tout de même, surtout quand on n'adhère pas trop , comme moi , à tous ces romans qui " refont le monde " , ces romans feel - good qui connaissent un grand succès, mérité sûrement ..... Mais bon , sans lire les critiques , je me précipite sur la page des commentaires et , incroyable , une note de pratiquement 4,5 pour ...plus de 250 avis ...Là , plus aucune hésitation, ce livre , il me faut le lire .
C'est parti . J'avoue que le début a été un peu " poussif " , sans doute l'état du camping -car , un ancien modèle dont il fallait " chauffer le gas- oil " avant de démarrer, Un peu curieuse , l'histoire , un garçon condamné pour un Alzheimer précoce qui cherche une compagne afin de partir " profiter " de la vie ...n'importe où...Et la fille , elle arrive...Pas forcément enthousiaste , pas bavarde , toujours vêtue de noir, limite dépressive, végétarienne ( attention , je n'ai vraiment , mais vraiment rien contre , inutile de m'invectiver !! ) , secrète , ayant plus tendance " à faire la gueule " qu'à remonter le moral à un garçon en grande détresse...Bref , tout ce " qu'il " faut à notre héros!!!
Bon , j'en dis pas plus , ça ne me paraît pas utile , si ce n'est que ce me semble être un équipage bien brinqueballant qui va prendre une route dont on ... n'imagine pas grand chose si ce n'est que la situation devrait bien s'arranger et , on l'espère, s'animer puisqu'il y a encore plus de...800 pages à tourner avant la disparition programmée de notre héros.....ou un miracle ? Non , on ne peut pas plaisanter avec un tel sujet , c'est trop grave .....
Au fil des pages , c'est curieux , sans bruit mais avec une efficacité remarquable , il se passe des " petits riens " qui créent une atmosphère entre les personnages . Un peu de menthe , du romarin , des saveurs à partager simplement ( ben , oui , les plats végétariens ) des odeurs .Ça " tape l'incruste" au point que .....les discussions se font moins rares , les échanges deviennent moins superficiels , bref ,on avance . le cadre naturel est décrit avec douceur , qualité, aussi bien la chaleur de l'été que les rigueurs de l'hiver . La civilisation urbaine , le bruit , la pollution , la foule sont absentes.C'est curieux , ça fait un bien fou , Ici, tout est nature , tout espoir , tout salut ne peut venir que de la nature .Et c'est dans cette nature que vont surgir des personnages d'un charisme , d'une générosité, d'un humanisme profonds mais , aussi , hélas, quelques personnages plus détestables ( mais vraiment insupportables , oui...., ben il en faut quand même quelques uns , hein ) , vous le verrez , même si le cheminement de nos héros trouvera le salut dans la nature ,la générosité humaine , le respect et la compréhension de l'autre .....
Ce roman est ponctué de nombreuses citations d'un auteur souvent cité ( inspirateur ...) , une référence en matière de quête de soi , de quête du bonheur . On ne s'étonnera pas non plus de voir apparaître en pleine nature , des séances de méditation , compte - tenu des compétences de l'auteur ...Un sacré beau voyage , des passages un peu longs , parfois , mais surtout des passages sublimes sur la faculté des êtres humains à entrer en osmose dés lors qu'il s'agit de faire fuir ses pires cauchemars et accéder au repos à défaut d'atteindre le bonheur .
De nombreux et graves sujets sont abordés avec finesse mais détermination, chacun y trouvera certainement matière à réflexion personnelle et c'est très bien . Pour moi , je retiendrai l'émotion qui court dans chacune de ces pages et je trouve aussi que , pour un premier roman , c'est un excellent roman écrit par quelqu'un de vraiment sensible ...et à l'écriture pleine de force et de vie .
Moi , j'ai terminé cette lecture et je me sens " tout chose " .Je ne suis pas inquiet , c'est toujours comme ça quand je dois m'en aller vers d'autres horizons . Mais , franchement , que d' EMOTIONS dans ces pages .
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Madame Bovary

Madame Bovary est véritablement une lecture exigeante. Non pas qu'il s'agisse d'un roman difficile à lire, bien au contraire : la langue de Flaubert coule comme un joli petit torrent de montagne, limpide, alerte et froid. C'est d'ailleurs cette apparente accessibilité qui rend Madame Bovary si exigeant selon moi. On croit à un roman d'amour, on le savoure comme une histoire telle qu'on en a déjà dévoré des tas…

Mais, à l'image de son auteur, où, sous des airs bonhomme, ventripotent et vaguement endormi se cache en réalité un critique acerbe, fin et redoutablement caustique ; si l'on prend la peine de réfléchir à l'essence même de ce livre, on s'aperçoit vite qu'il n'a rien d'un roman au sens divertissant du terme : c'est un brûlot, c'est un colis piégé dont on entend le tic-tac et dont on se demande quand il va vous exploser au visage.

Car Madame Bovary a eu un procès. On ne fait pas le procès d'une oeuvre innocente. Si l'on entreprend un procès pour un livre, c'est que les idées qu'il véhicule remettent en cause les fondements de la société dans laquelle il apparaît. Alors, questionnons-nous : en quoi Madame Bovary pouvait menacer l'ordre établi de 1856 ?

Première valeur battue en brèche : la maternité. Emma Bovary est une mauvaise mère. Elle subit sa maternité et se fiche de sa progéniture comme d'une guigne. En lisant le roman, on oublie souvent qu'on a affaire à une mère de famille. D'ailleurs, Emma aussi semble l'oublier. Pire encore, qui joue le rôle de mère véritable pour Berthe ? son père, le médecin Charles Bovary. Totalement impensable dans la société machiste de l'époque.

Deuxième totem rongé par les castors : la vie conjugale. Oui, il lui met une sacrée claque l'ami Gustave à la vie conjugale. Messieurs, mes bons messieurs, vous vous mariez ? vous croyez dormir tranquille sur vos deux oreilles et regarder votre ventre croître ? vous pensez avoir toujours bobonne à la maison pour vous dorloter, vous mettre en valeur, vous préparer la bouffe et le linge et puis un petit extra de temps en temps quand vous avez le bourgeon qui vous titille ? Eh bien c'est raté les cocos ! Emma Bovary vous secoue le prunier et vous fait tomber de votre piédestal : elle ne cuisine pas, ni ne fait rien d'utile dans la maison ; elle vous trouve incapable, moche, bête et assommant, elle ne vous laisse pas poser vos sales pattes sur elle et elle vous met des cornes grandes comme ça ! Blam ! la claque pour ces messieurs de 1856 !

Troisième pilier social fracturé d'un coup d'épaule : l'institution du mariage. C'est nul le mariage, nous dit Flaubert, c'est une machine à créer des frustrations, personne n'y trouve son compte. Vous y avez cru, les petites filles ? vous allez voir ! Vous y avez cru, les garçons ? attendez un peu quelques années ; on va rire ! Waouh ! Ça aussi, ça fait mal à entendre dans une société encore largement traditionaliste, qui n'a quitté la monarchie absolue que depuis une soixantaine d'années. (Il convient aussi de garder en mémoire qu'à l'époque, en France, après une brève période d'autorisation lors de la Révolution, le divorce était interdit depuis 1816 et qu'il fallut attendre 1884 pour qu'il soit à nouveau, ne serait-ce que légal, ce qui ne signifie pas, bien sûr, aisément obtenu pour les épouses qui le réclamaient.)

Quatrième principe foulé au pied : la religion. Vous voyez bien, nous dit Gustave Flaubert, c'est de la connerie la religion, ça ne vous aide en rien ; c'est tout au plus un cache misère et c'est, au mieux, un petit business intéressant quand vous en vivez en tant que cureton (ou les quelques grades au-dessus). L'auteur s'en donne à coeur joie : il organise un rendez-vous galant dans la sacro-sainte cathédrale de Rouen ; il ridiculise la dévotion passagère d'Emma ; il humilie le curé Bournisien en le ravalant au rang du minable pharmacien Homais ; il fait de la visite de la cathédrale un moment de pur mercantilisme, dans tout ce que le terme a de plus vil et pathétique.

Cinquième dogme atomisé : la supériorité de l'élite sociale. Dès le bal chez les de la Vaubyessard, on sent que l'aristocratie est une faribole, passés la livrée et les brillants, on s'y ennuie aussi bien qu'ailleurs et les belles manières ne sont rien qu'un code, un vernis luisant, qui craque et tombe en pièces à la première occasion pour laisser voir le bois pourris qu'il est censé dissimuler.

L'aristocratie, au sens du XVIIIème siècle, périclite à vitesse grand V dans le monde de 1856, aussi vite que s'élève la bourgeoisie de l'argent, toute pareille à la précédente, avec le bon goût en moins. Ce n'est pas un hasard si Flaubert amène son héroïne à devenir la maîtresse d'abord d'un châtelain puis d'un bourgeois en devenir : le constat est le même, et, sans que l'affaire fût conclue, en comprend bien que le vicomte sur lequel elle était tombée en pâmoison au bal Vaubyessard lui aurait de toute façon réservé le même sort que ses deux amants ultérieurs.

Sixième idée pendue haut et court : le mythe du progrès. Que cela soit au niveau du comice agricole, au niveau médical ou, plus particulièrement par l'entremise du pharmacien Homais, Gustave Flaubert règle son compte à cette utopie, à ce rêve creux. le monde de 1856, embarqué en pleine révolution industrielle, croyait dur comme fer au progrès, un peu comme aujourd'hui, on voudrait nous faire croire que les OGM et les smartphones sont le vivant visage du progrès universel.

Septième poncif mis au crochet : l'ascension sociale. Et dans celui-ci, il n'est pas exclu que l'auteur se donne des claques à lui-même. En effet, Emma est une paysanne, dans le fond. Une paysanne qui voudrait se donner des airs de duchesse. Elle est pathétique et risible, elle est comme un papillon attiré par une lampe à incandescence, elle veut tout ce qui brille, elle se sent très supérieure aux villageois qui l'entourent et pourtant, elle est minable. Ses amants sont minables, son mari est minable, son voisin le pharmacien Homais est minable mais tous veulent faire illusion, tous aspirent un peu à la gloire, même si c'est une gloriole de pacotille.

Ce que me semble fustiger l'auteur ici, c'est le péché d'orgueil qui consiste à croire, à nous considérer nous-mêmes comme des êtres extraordinaires, qui sont sous-évalués, qui ne sont pas à leur place là où ils sont et qui mériteraient de sauter deux ou trois cases dans l'échelle sociale. Finalement, les seuls qui ne soient pas pathétiques dans ce roman sont ceux qui ne cherchent pas à gravir les échelons. C'est le cas, par exemple, du père d'Emma, qui sait qu'il est et qu'il ne sera jamais autre chose qu'un paysan, même s'il a pu, au cours du temps, acquérir un peu d'aisance financière.

On pourrait continuer encore dans ce registre, mais on comprend bien, je pense, que c'est carrément tout le système sur lequel repose le Second Empire que Gustave Flaubert remet en question. On sent aussi poindre quelque chose comme l'évolution nécessaire et indispensable de la condition de la femme à ce stade de développement sociétal qu'atteint le milieu du XIXème siècle dans les sociétés les plus « modernes » de l'époque (Royaume-Uni, France, États-Unis, Allemagne — même si l'Allemagne, stricto sensu, n'existe pas encore, la Prusse & consort sont déjà assimilables à un ensemble quasi homogène).

Emma Bovary, c'est en quelque sorte la version fictive d'Annie Ernaux. Une femme qui n'est plus à sa place dans le monde dont elle est issue et qui ne trouve pas sa place, ni dans le monde qui l'a accueillie, ni dans celui qu'elle convoite en son for intérieur. Elle est toujours en décalage entre ce qu'on attend d'elle ou avec ce qu'elle attend des autres. Son malheur aura sûrement été d'être un peu trop jolie, de s'être un peu trop fait remarquer. Si elle avait été moins belle, d'un physique plus ordinaire, elle n'aurait attiré le regard de personne en particulier et n'aurait débusqué qu'un paysan des environs. Elle serait restée à sa place et on n'en aurait pas parlé. Mais cette vie dans l'intervalle, entre deux mondes, d'un point de vue de la hiérarchie sociale et entre deux mondes également, d'un point de vue de l'évolution de l'époque, entre Ancien Régime et Troisième République est un enfer.

Ce que je vois dans ce roman, contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre ici ou là, ce n'est pas du tout le portrait d'une femme, mais la peinture d'une catégorie de personnes ; ce n'est pas du tout, selon moi, un roman sur l'ennui mais sur le décalage (social, sociétal, culturel, affectif, etc.). de même, ce que j'en retiens, ce n'est pas le terme devenu fameux de « bovarysme » et qui caractériserait les gens qui passent leur temps à rêver leur vie plutôt qu'à la vivre (l'héroïne d'Une Vie de Maupassant me semble mieux répondre à la représentation commune du « bovarysme »). Non, ce que j'en retiens, c'est la critique sociale, farouche, implacable, celle qui consiste, rien que dans le titre, à définir une personne uniquement par son lien marital (un thème que reprendra Virginia Woolf dans son roman au titre ô combien similaire, Mrs Dalloway). J'en retiens la critique de la pratique sociale « bien pensante » qui consiste à enfermer une catégorie de personnes (les femmes en l'occurrence) dans un rôle monolithique absolument suffocant, ravalées presque au rang de meuble. Et, par conséquent, j'y vois une véritable invitation pour la société à se réformer. (Ce qui attendait Emma, si elle acceptait de se plier aux exigences sociales, c'était la vie de Mme Homais. Était-ce plus enviable ? était-ce plus vivable ?)

En somme, un roman très profond, une manière de double avertissement : pour les femmes, d'abord, qui, si elles ne jurent que par les lumières de la ville et les colifichets qu'un Lheureux voudra toujours leur vendre, seront immanquablement les oies blanches qu'on prendra plaisir à gaver pour mieux leur saisir le foie devenu gras. Ensuite, pour les hommes (qui sont les seuls à l'époque à avoir une véritable profession), l'avertissement que le monde nouveau qui se dessine n'est qu'un leurre, on reste ce qu'on est : Bovary était gauche et médiocre au collège, il sera gauche et médiocre en tant que médecin, il sera gauche et médiocre en qualité de mari. Idem pour Léon. (Thème qui sera au cœur de Bouvard et Pécuchet.)

Mais je vois aussi un autre avertissement, plus fort, plus puissant, plus universel dans Madame Bovary, celui-là même que ceux qui l'ont conduit devant les tribunaux ont dû percevoir. Il s'agit de l'avertissement social : le monde change — et change même très vite — si bien que les valeurs ancestrales ne sont plus adaptées dans le monde de 1856 et ceux qui ne voudront pas le voir seront écrasés, roulés, brisés par l'époque exactement comme Charles Bovary qui n'a rien vu venir, qui est peut-être, dans le fond un brave gars, mais qui a une guerre de retard, qui est un fossile du vieil ordre rural et qui n'a pas compris que quelque chose avait fondamentalement changé dans les rapports humains entre 1780 et 1850.

Donc, effectivement, si vous lisez Madame Bovary comme un roman de divertissement, vous risquez fort d'être déçus. C'est un roman froid et humide comme la Normandie dans laquelle il a poussé (je me permets cette image parce que je suis Normande, mais venant de quelqu'un qui serait issu d'une autre région, je porterais plainte devant la LICRA pour anti-normandisme climatique caractérisé). Un roman qui n'a rien de spontané, car chaque phrase a été pesée, biseautée, préparée, façonnée, remaniée jusqu'à obtenir une perfection guindée qui n'est pas sans m'évoquer Jean-Auguste-Dominique Ingres en peinture.

Mais malgré le côté très artificiel de l'écriture de Flaubert, quel bonheur de lire une langue pareille : on évoque souvent sa maîtrise de la musicalité dans sa prose — chose que je ne remets absolument pas en cause même si je la trouve un peu froide à mon goût. En revanche, je suis particulièrement admirative de son art de la ponctuation : ça a l'air facile, vu de loin, la ponctuation ; cela passe inaperçu, on a parfois le sentiment qu'on pourrait s'en passer ou que c'est simplement dicté par les règles de l'évidence. Or, il n'en est absolument rien. C'est très technique, très subtil et ce n'est pas souvent qu'on en voit de la si belle.

Donc, au risque de vous paraître incurablement débile, si vous ne vous sentiez aucun goût pour les classiques, le XIXème, Flaubert et la Bovary, à titre de curiosité intellectuelle, j'aurais tendance à vous conseiller cette lecture, au moins pour sa ponctuation, car j'ai lu, une fois, il y a très longtemps, dans une revue horticole, que c'est à ses bordures que l'on juge de la qualité d'une pelouse. Si l'argument vous paraît faible, songez encore que ceci ne représente que l'avis d'une Normande pas à sa place (encore une, après Annie Ernaux et Emma Bovary, ça commence à faire beaucoup), c'est-à-dire très peu de chose.
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La Vérité sur l'affaire Harry Quebert

Un gros pavé, une première de couverture hoppertuniste et deux récompenses littéraires font-ils d'un livre un best-seller ?
Là, il faut croire que oui.
Un best-seller est-il forcément un excellent bouquin ?
Euh... non, pas là non.
La vérité sur l'affaire Harry Quebert n'est pas toutefois un nanar absolu. En revanche, le concept de "chef-d'oeuvre magistral" employé à son endroit m'arrache quelques gloussements furtifs.

Point positif : la construction du récit, intéressante, complexe et néanmoins facile à suivre. de retours en arrière en témoignages divergents, ce roublard de Dicker embrouille son lecteur, le rattrape par les bretelles, feint de délivrer des réponses avant l'heure et nous trimbale dans les détours habiles d'une histoire ficelée comme une cagole dans sa toilette estivale en dentelle de macramé, la sensualité en moins car force est d'observer qu'on s'approche plus ici du scenario commercialement efficace que d'un récit authentique et puissant.

Point négatif numéro 1, aarrgg : le style. Joël Dicker n'écrit sans doute pas avec les pieds mais ça y ressemble, et quand je lis «elle préparait à manger» ou «elle disposa un coussin sur sa chaise pour qu'il soit confortable» (l'écrivain, pas le coussin) c'est plus fort que moi, je coince. Une écriture indigente engendrant manifestement des dialogues sans substance, voilà du coup un roman lesté d'une narration aussi envoutante et suggestive qu'une fille qu'aurait pas de shampooing, nan mais aallô quoi.

Point négatif numéro 2, aarrgg (bis) : les clichés. Ami philosophe réjouis toi, en ce livre prolifèrent de bouleversantes pistes de méditation sur la vie, l'amour, le métier d'écrivain tout ça… à vous propulser Marc Levy au panthéon des métaphysiciens d'envergure planétaire. Au hasard : «L'amour c'est très compliqué», «l'amour ça peut faire très mal» ou «L'important, ce n'est pas la chute […] l'important c'est de savoir se relever» (Joël Dicker, Coelho helvète).

Dans ma grande mansuétude (et un peu par flemme aussi) je passerai rapidement sur la relation invraisemblable et niaiseuse entre Harry et Nola-chérie (précisons quand même que l'insipidité des dialogues atteint là son apogée) ainsi que sur les rebondissements multiples et furieusement capilotractés qu'inflige la fin de l'histoire au lecteur en mal de révélations.

Bref, quantité au détriment de qualité… voilà sans doute le postulat fondamental de ce prétendu chef-d'oeuvre.

Mais sous le gros pavé, la plage, et comme jamais deux sans trois, La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert pourra bientôt prétendre à un nouveau prix, celui de Le-bouquin-spécial-transat-été-2013 (si tant est que ce dernier se pointe), de loin la récompense la plus pertinente à l'égard d'une aussi brillante réussite… marketing.


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1984

On cite souvent 1984 et Big Brother à chaque fois que des nouvelles caméras de surveillance sont installées. J'ai l'impression que c'est la seule chose qu'on ait retenu de ce roman : la surveillance constante.

Pourtant, 1984, c'est beaucoup plus que ça : c'est un condensé de toutes les méthodes qui existent aux quatre coins du globe pour cadenasser la pensée, mise en place à la perfection : la peur constante de la délation, y compris venant de sa propre famille ; la capacité des foules à absorber n'importe quel mensonge pourvu qu'on le lui répète assez longtemps ; la falsification des faits historiques ; l'appauvrissement de la langue pour rendre impossible la formulation de certaines pensées ; la création d'un ennemi commun à haïr ; et la liste peut être encore longue.

La lecture du roman est dure, on sent que le système est parfait, implacable, que les petites victoires de Winston sont trop simples, trop faciles, et que ça va mal tourner. Et en effet, le petit grain de sable ne grippe pas la machine, mais est renvoyé fermement à sa plage.

Un livre vraiment marquant, et que je ne suis pas prêt d'oublier.
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Le Livre des Baltimore

Je suis très en colère contre le snobisme des critiques littéraires et particulièrement dans le cas de ce livre.



Joël Dicker est jeune trentenaire Suisse, beau gosse, écrivain famous depuis La vérité sur l’affaire Harry Québert (qui s’est vendu à plus de trois millions d’exemplaires !). Avant de connaître ce premier énorme succès, il a mis quatre livres au placard que personne n’a voulu éditer, et a publié auparavant un premier livre qui a eu un écho très, très relatif. Je veux dire par là que c’est pour le moins un jeune homme opiniâtre et combatif qui a su remettre son ouvrage sur le métier. Personnellement, ça me rend le type sympathique.



Si vous débarquez de la planète Mars et que vous n’avez jamais entendu parler de La vérité sur l’affaire Harry Québert qui a raflé moult prix, je vous conseille de le lire pour vous faire votre propre avis sur ce livre à succès qui – à mon sens – était très réussi même si un peu naïf ou gnangnan.



Le livre des Baltimore reprend le héros principal de l’ouvrage précédent, Marcus Goldman, écrivain à succès en quête d’inspiration pour son nouveau livre. Cette fois-ci, Marcus n’enquêtera pas sur la vie de son ancien professeur, mais sur sa famille, et notamment sur ses cousins de Baltimore qui le fascinent au plus haut point. Il va alors dépiauter leurs habitudes, leur cadre de vie, les analyser finement tant dans leurs actions que dans leur cheminement psychologique. En bref, il s’agit d’une saga familiale qui cherche à démêler le vrai du faux entre ce que l’on fantasme de la vie de nos proches… et ce qu’ils vivent réellement ! Ainsi s’arrête mon résumé pour ne pas vous dire trop.



Ai-je aimé ? Oui, assurément. J’ai trouvé, pour reprendre l’expression de mon mari, que le livre était très « page turner », on est dedans et on a hâte de retourner lire ! L’histoire tient la route, même si okay certains aspects restent naïfs ou si la chronologie n’est pas toujours claire. Et so what ? J’ai vraiment imaginé les personnages du livre, ou tout du moins pour la plupart d’entre eux; j’ai visionné les maisons, les endroits de vacances, les trajets en voiture, la taille du jardin et plein d’autres choses. J’ai été amusée de certains dénouements, excitée par d’autres, même si ce n’est pas l’intrigue du siècle et même s’il m’est arrivé de deviner quelques points qui allaient être abordés. J’ai trouvé le style très fluide, l’histoire très limpide. Je n’ai rien vu de pompeux ou de facile, même si en soi certaines situations ou descriptions sont faciles, oui. Donc non ce n’est pas le roman du siècle, non ce n’est pas dingue, absolument ouf, mais ça reste un roman bien réussi qui donne un très bon exemple des projections que nous faisons sur autrui en passant à côté de leur réalité.



Je défends précisément ce livre parce qu’il est très attaqué, à croire qu’en France nous sommes très énervés par les mecs à succès, sauf s’ils ont un super réseau ou une histoire de famille absolument glauque, auquel cas on les tient en respect. Je trouve insupportable qu’un Beigbeder puisse dire qu’il ne s’agisse pas de littérature mais de « story-telling ». Ah ? C’est-à-dire ?



Rappelons qu’il n’est jamais simple d’écrire, et qu’écrire peut avoir pour ambition de tester un style, de raconter une histoire, voire les deux. C’est certain, tout le monde n’est pas Flaubert, j’en conviens, mais enfin il serait temps que tous les quadras français qui publient chez des grands éditeurs et vendent en nombre correct mais pas mirobolant arrêtent de se penser comme « des vrais écrivains », sous-entendu « à la différence des autres ».



Je déteste également le discours supra snob des écrivains (francophones toujours, au risque de me répéter) qui dit qu’ils n’écrivent pas pour être lus ou achetés, mais pour le plaisir, le besoin, ou le groupe d’initiés auxquels ils croient appartenir. Un livre n’a pour moi de sens que s’il est lu par autrui, sinon cela ne sert à rien de le publier, à part se faire du bien à son égo de névrotique en quête de valorisation pseudo intellectuelle. Je pense qu’il faut être un peu honnête : n’importe quel écrivain serait ravi de connaître THE succès et j’ai tendance à penser que trois millions de lecteurs ne sont pas bêtes comme des choux. A titre personnel, je n’apprécie guère les romans de Marc Lévy, il est vrai. Mais manifestement d’autres oui. Et si Marc Lévy pousse à la lecture des gens qui en général ne lisent jamais, je dis bravo ! Surtout que Marc Lévy écrit ses livres avec ses petites mains, il ne boit pas des cocktails à Rio en attendant que le succès arrive.



Bref, s’il vous plait, si vous connaissez des critiques littéraires, demandez-leur qu’ils arrêtent de nous apprendre à différencier la « littérature » des soi-disant « grosses bouses d’usurpateurs ». C’est insupportable. On ne casse pas quelqu’un qui sort deux best-sellers en deux ans, on met en avant ses points forts et on l’encourage à re-travailler quelques faiblesses.



Donc pour conclure, well done Joël Dicker pour ce nouvel ouvrage à tout juste trente ans, t’as fait du bon boulot même si tu n’es pas Marcel Proust.





Jo la Frite



PS : j’ai mis plein de mots en anglais pour bien ennuyer les littéraires radicaux, et paf !

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Changer l'eau des fleurs

Commenter un livre qui a recueilli autant de louanges , a mérité une note moyenne de presque 4,5 de la part de plus de 550 ami(e)s babeliotes , voilà une mission bien délicate alors , pour faire " court " , je dirais que je n'avais pas lu un tel bouquin , ressenti autant d'émotions, tourné des pages sans savoir si accélérer ou ralentir , depuis ...oh oui , et même plus que ça...Je fais désormais partie de l'histoire de Violette , une femme tout simplement extraordinaire , un personnage dont l'histoire va nous "éclabousser d'étoiles scintillantes " du début du roman jusqu'à la fin , un personnage en habit d'hiver ou d'été , mais un personnage en " habit de lumière " , toujours....
Violette , un prénom qui lui échoit , par hasard , au début de sa vie , un prénom pour la vie , et quelle vie ! Quelles vies !!
Alors , oui , il y a Violette et tous ces petits satellites qui gravitent autour d'elle avec leurs propres histoires , leurs secrets , leurs défauts , leurs interrogations , leurs forces et leurs faiblesses et chaque intrusion de notre part dans le plus profond d'eux-mêmes est un véritable feu d'artifice de sentiments. Ces personnages, ce sont Léonine et son père Philippe , Nono, , Sasha , Irène et Gabriel , Eliane , Julien , Nathan, Gaston , Elvis......Ils vont révéler bien des choses , des petites choses , " les choses de la vie " , tout simplement , des choses si bien décrites qu'on a l'impression de les avoir vécues soi- même. Franchement , Valérie Perrin n'écrit pas des mots ou des phrases , elle écrit , et d'une façon extraordinaire , des émotions...Avec elle , on ne lit pas , on vit , on vibre , on ne sait plus si rire ou pleurer , on se laisse faire car , vraiment , notre guide qui n'a pas d'égal, nous mène où elle veut , par le bout du nez. Ajoutez toutes ces phrases si belles au début de chaque chapitre , ces références musicales , cette utilisation merveilleuse du " simple et beau" .... Ce roman , beaucoup d'entre vous l'ont fort justement écrit, est en moi pour toujours et il est même possible que , chose que je ne fais jamais , je le relise ....
Et surtout , surtout , qu'on ne me dise pas qu'il s'agit d'un " feel - good" , comme on dit aujourd'hui .Ce serait une grande injustice , une injure au contenu travaillé, recherché , esthétique de cet ouvrage . Et puis , entre nous , quand on est babeliote , amoureux des livres et de la langue française, " feel-good" , ça existe Ça ?
A tous ceux qui l'ont lu , cela va être difficile de passer à "autre chose", à ceux qui vont le lire : VEINARDS !!!!!!, et à ceux qui hésitent, ben , " c'est vous qui voyez " , mais , bon.....On pourrait demander un remboursement par la sécurité sociale mais , pour aller chez Violette , ce serait plutot " Convention Obsèques " , alors moi je vous le dis , ne demandez rien ,on a le temps , la vie est belle , c'est écrit....
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L'étranger

Je me rends compte que je n'ai jamais fait de fiche de lecture sur ce livre, voilà qui va être réparé ! C'est en classe de Première que j'ai lu ce livre pour la première fois car il était dans ma liste du bac (quel est le sagouin qui a dit que ça remontait aux calendes grecques ?). Sur le coup, avec ce fameux "Aujourd'hui maman est morte, ou peut-être hier, je ne sais pas", je me suis dit que la lecture allait être difficile... Bien évidemment, je n'avais pas compris sur le moment toute la finesse de cette phrase et je pensais que le sieur Camus s'adonnait à la boisson.

Trêve de plaisanterie, ce roman met en oeuvre l'absurde, celui de la condition humaine. Le personnage, sorte d'anti-héros, prénommé Meursault, est étranger au monde qui l'entoure. Et quiconque ne rentre pas dans le moule se verra rejeté, exclu et pénalisé par la peine ultime, la mort. Voilà qui pourrait résumer un peu l'idée, bien que cela reste complexe.

Ce qui fait tout le succès de ce roman, c'est d'abord ce personnage qui est également le narrateur. Souvent, le lecteur a de l’empathie lorsqu'un récit est à la première personne. L'autre facette du succès, c'est que ce roman parait simple. Il raconte une histoire somme toute banale, celle d'un homme qui vient à l'enterrement de sa mère, qui tombe amoureux de Marie et dont le voisin de palier a des problèmes avec une de ses maîtresses. Ce voisin, Raymond, invite Marie et Meursault dans un cabanon appartenant à l'un de ses amis, sur la plage. Le groupe croise alors des jeunes gens parmi lesquels figurent des frères de la maîtresse bafouée. Bien évidemment, une bagarre s'ensuit, dans laquelle Raymond est blessé. Un peu plus tard, alors qu'il se baladait sur la plage, Meursault rencontre à nouveau l'un des protagonistes de la bagarre. Aveuglé par le soleil, n'ayant plus, dès lors, tous ses sens, le narrateur prend le revolver qui se trouvait dans sa poche et tire à l'aveugle, tuant le jeune. Voilà qui pourrait figurer dans les faits divers... Oui mais Meursault ne s'arrête pas là. Une balle aurait pu, à la limite passer pour un accident... mais certainement pas les quatre autres qui ont suivi ! Et que dire ensuite du procès ? Meursault ne montrera pas une once de regret face à son geste, tout comme on lui reprochera de ne pas avoir pleuré à la mort de sa mère... Les conventions sont les conventions... mais Meursault y est étranger.

Je lis et je relis ce roman avec plaisir, y découvrant à chaque fois une signification. Sous ses dehors d'une simplicité confondante se cachent en fait une symbolique et une poésie représentatives de Camus.
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Cinquante nuances de Grey

Par où commencer ? Par qui ? Par quoi ?

Il faut savoir d'abord que Fifty Shades of Grey est au départ une fan-fiction inspirée de la série Twilight de Stephanie Meyer. Rien que ça ne donne pas vraiment envie de continuer, je vous comprends bien. Mais pour le fun, je vais quand même aller jusqu'au bout de mon étude...

L'histoire est celle d'une jeune étudiante qui rencontre un puissant homme d'affaire, le fameux Christian Grey, dans le cadre d'une interview qu'elle doit mener à la place de sa colloc'. Très vite, ils vont entretenir une liaison sulfureuse où les pratiques de Christian vont d'abord bouleverser Ana, mais aussi lui faire découvrir un univers inconnu très troublant.

A seulement 27 ans (je crois) Christian Grey est à la tête d'une énoooorme société dont il dirige avec brio les quarante mille employés. Ben oui. Rien que ça. Il est, de plus, un fervent défenseur des causes perdues et oeuvre sans répit contre la faim dans le monde, il est riche à millions, doté d'un physique de rêve, de cheveux de rêve, d'un sang-froid et d'une volonté à toute épreuve, d'un sens de l'humour qui m'est complètement passé au-dessus de la tête (mais c'est parce que je ne suis pas Ana, moi) de beaucoup de voitures de la même marque, d'un appartement immense et meublé avec goût, d'un hélicoptère qu'il pilote avec virtuosité (même la nuit), de parents absolument adorables, d'une soeur hilarante, d'un frère sexy en diable, d'un garde du corps hyper discret (c'est important pour la suite de l'histoire - ce mec doit se bidonner à longueur de temps vu les choses auxquelles il assiste sans broncher !), d'un BlackBerry qui sonne tout le temps au début du livre pour nous montrer qu'il est over-sollicité (mais plus du tout par la suite, c'est étrange...), de cheveux merveilleusement doux (mince, je l'ai déjà dit), de pantalons qui soulignent bien son petit cul sexy, d'une obsession pour la nourriture qui frise parfois la parano... et d'une chambre des tortures meublée elle aussi avec goût... quand on aime la déco SM à base de menottes et de fouets en tout genre... Bref, Christian est une espèce rare, je dirais même en voie d'extinction, et devinez qui va tirer le gros lot !!? Ana bien sûr ! Une sacré chanceuse quand on y pense (pas elle, par contre, parce qu'elle est bien au-dessus des plaisirs matériels, et l'argent ne l'intéresse pas... Ana, ce qui l'intéresse, c'est la littérature anglaise - surtout Tess d'Urberville, mais c'est tout, pas d'autres ouvrages, parce qu'on est pas là pour ça de toute façon...)

Déjà là, ça m'a fait marrer. On sent que l'auteur ne cherche pas du tout à faire dans l'excès. Peut-être qu'une petite pointe de retenue aurait été la bienvenue au début. Histoire de s'identifier plus facilement aux personnages par exemple. Passons...

Arrive Ana - Anastasia Steele - une étudiante toute simple qui pense qu'elle est banale alors que bien sûr, elle ne l'est pas puisque tout le monde (du meilleur copain au frangin du patron pour qui elle bosse) tombe irrémédiablement amoureux d'elle sans qu'elle en comprenne les raisons. Un beau matin, Ana doit interviewer un business man hors-pair pour le journal du lycée. A la base, c'était sa colloc' Kate qui devait mener l'interview, mais celle-ci tombe malade. Le destin est un petit coquin... S'ensuit la rencontre de nos deux tourtereaux pour qui c'est un véritable coup de foudre dès le début (elle parce qu'il beau, beau, intimidant, beau, séduisant, mais surtout beau... et lui parce qu'elle est probablement moche, mal habillée et qu'elle a les deux pieds dans le même sabot... Ça ne peut être que ça...)

Ana, c'est la narratrice, et c'est quelqu'un d'assez spécial. Je dois dire que je me suis posée beaucoup de questions sur elle, notamment sur sa timidité maladive, sa maladresse, son manque flagrant de conversation et de connaissances en informatique (dans quelle siècle vis-tu, Ana ??) cette habitude de se mordre les lèvres toutes les trois lignes, de rougir à chaque page, et de répéter holy crap shit cow - rayez la mention inutile - (et accessoirement Jeeze aussi - genre... un demi-million de fois seulement...) à chaque fois qu'elle pense, agit, rumine, pleure, s'interroge, redoute quelque chose ou jouit. Ana possède donc un vocabulaire aussi vaste que le vide intersidérale de son cerveau, elle oublie de respirer en présence de Christian qui est tellement beau et viril et séduisant et beau et beau, et elle abrite dans les obscurs replis de son cerveau rien moins qu'une déesse intérieure très flippante, qui passe son temps à danser sur place et lui commande d'écouter son corps en dépit de son subconscient qui lui, tente (sans succès) de lui faire comprendre l'absurdité de la situation et le danger d'être avec quelqu'un comme Christian. (le subconscient ne peut avoir gain de cause puisqu'ici, il n'y a pas de cerveau et l'intelligence d'Ana reste un mythe à mes yeux - je n'en ai pas trouvé une seule preuve en 400 pages)

Voilà, c'est tout. Le reste du récit est un concentré de oui-non-peut-être-aïe-j'ai-peur-mais-je-l'aime-mais-aïe-j'ai-peur-mais-je-l'aime-donc-j'accepte-tout-même-si-ce-n'est-pas-ragoûtant, et des perpétuels cas de conscience d'Ana dont les peurs plus qu'infondées à l'idée de céder à la domination de Christian ne l'empêchent pas d'accourir dès qu'il la siffle et d'accepter les compromis les plus humiliants parce qu'elle l'aime... Le pire, c'est peut-être l'auteur qui a le culot de faire passer pour sexy et mystérieux un homme puéril et égoïste avec des penchants tordus, et pour naïve une simple cruche complètement nympho qui est définitivement trop stupide pour faire autre chose que se laisser contrôler par ses pulsions sexuelles et qui n'a aucune volonté.

Je voudrais bien m'étendre sur l'histoire, mais il n'y en a pas... C'est embêtant... Christian penche sa tête sur le côté autant de fois qu'Ana rougit ou se mord les lèvres, joue du piano quand il est d'humeur mélancolique, parle.comme.ça.quand.il.est.excité, se passe la main dans les cheveux un milliard de fois au travers du récit, et fait malheureusement preuve d'une arrogance qui m'a donné envie de le balancer en plein vol depuis son hélicoptère. Mais tout ça n'est rien en comparaison des sentiments qu'inspirent la pauvre fille. Elle est à claquer du début à la fin. Ses hésitations et ses cas de conscience sont une torture bien pire à supporter que ce que Christian lui inflige dans la Red Room of Pain. Le pire c'est que les scènes qu'elle redoute tant arrivent assez rarement et sont finalement réclamées de sa part. C'est beau. De plus, Christian est quand même loin d'être un barbare, tout se fait dans la lenteur et le plaisir partagé, il n'y a (heureusement) rien de véritablement révoltant dans toutes ces pratiques. La seule chose horripilante, c'est le caractère d'Ana qui ne sait pas ce qu'elle veut, s'affole pour pas grand-chose à chaque fois, réclame toujours plus à Christian - alors qu'il pose les règles du jeux dès le départ - mais refuse d'accepter ses cadeaux somptueux.

Difficile d'aimer ce premier tome des mésaventures d'Ana au pays du SM parce qu'il est déjà difficile d'en aimer les principaux protagonistes (et je ne parle même pas des personnages secondaires ultra-stéréotypés comme la meilleure amie super séduisante qui vit une relation idyllique avec un beau gosse, la mère mille fois remariée, le directeur de magasin paternaliste, le beau-père introverti mais tellement compréhensif et qui fond dès sa première rencontre avec Christian...) Peut-être parce que l'histoire inexistante est presque aussi lamentable que les personnages qu'elle met en scène. Rien n'est crédible, la seule chose positive, c'est le niveau d'anglais requis pour lire ce bouquin et - avouons-le ! - les quelques scènes un peu coquines qui, loin d'être révolutionnaires, sont tout de même assez sympathiques à suivre. (il manquerait plus qu'on s'ennuie !)

50 fessées et pairs de menottes plus tard, le constat est lourd : je n'ai pas pu terminer ce roman si prometteur. Je ne connaîtrai jamais les raisons qui ont poussé Christian à se vouer au culte de la fessée, je ne saurai jamais pourquoi il est aussi obsédé par la nourriture, si Ana travaillera un jour pour lui dans sa formidable société qui n'emploie que des blondes, s'ils finissent par le faire ailleurs que dans le jardin, dans la chambre, dans l'ascenseur, attaché, pas attaché, fessé, pas fessé, les yeux bandés ou pas, et Ana retrouvera-t-elle un jour ses sous-vêtements ?? Et Christian finira-t-il par se confier et parler de sa petite enfance où tant de traumatismes se sont concrétisés pour faire de lui cet être tordu tourmenté ? Tant de questions sans réponse auxquelles, ma foi, je dois renoncer pour ma propre tranquilité d'esprit...

J'ai expérimenté un style que je ne connaissais pas et qui m'intriguait en pensant m'immerger dans un univers nouveau plus développé qu'un roman érotique ordinaire. Malheureusement, c'est pas ça. Outre les sempiternels cas de conscience de l'héroïne, le contenu est vite survolé...

En fait, on referme le livre avec un impression d'inachevé. Comment une telle série (parce que s'en est une !) a pu rencontrer autant de succès alors que le style en est bâclé, les dialogues inconsistants et les personnages aussi tristement prévisibles ? C'est un mystère aussi épais que le goût de Christian pour les menottes, le cuir ou les belles Audi...

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Le vieux nègre et la médaille

C'est l'histoire de Neka, un vieux nègre, qui a donné ses terres et ses deux enfants, comme soldats aux Blancs. Il a tout perdu, aussi pour le remercier et le récompenser le Chef (le haut Commissaire) lui offre une médaille et lui promet qu'il sera traité comme un Blanc (promesse d'une grande amitié). Neka y croit mais il va très vite se rendre compte que ce n'était que des illusions. Neka va ainsi se révolter...
Anaëlle, 2A
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Notre société sous contrôle

Chouette, et quelle production ! Moi, comme j'accorde un crédit absolu à son livre que j'ai adoré sur l'abolition (Abolir la prison), j'ai aussi hâte de lire l'ouvrage de Tony Ferri sur le contrôle. C'est rare qu'un philosophe s'intéresse à ces questions, en donnant accès à des analyses rigoureuses et à des expériences réfléchies. De plus, l'original, c'est qu'il est à la fois un philosophe investi, un criminologue, un fin critique et un conseiller du juge. Qualités complémentaires qui, de mon point de vue, se rencontrent peu souvent.
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Le Consentement

J'avais bien aimé le passage de l'autrice à la télévision et à la radio, et son témoignage m'avait touchée. Mais son livre se révèle décevant, pas très bien écrit, avec beaucoup de zones d'ombres.
Lisi Cori, dans un essai intitulé « La Petite Fille et le Vilain Monsieur », a très bien analysé le livre de Vanessa Springora et mis en lumière certaines bizarreries de son récit.
Lien : https://www.amazon.fr/Petite..
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La nuit des temps

Je viens d'achever la lecture de ce petit livre qu'on me décrivait comme l'un des dix livres de science-fiction à lire dans sa vie sous peine de mourir idiot.

Je viens d'achever la lecture de ce merveilleux roman et mon petit coeur est aussi glacé que la banquise sous laquelle ont reposé pendant 900 000 ans deux amants maudits aussi émouvants que Roméo et sa Juliette.

Je suis encore novice dans le domaine de la science-fiction cependant, il y a une chose que j'ai cru comprendre, c'est que lorsqu'on parle de science-fiction, soit on parle de dystopie, de conquête de l'espace, de vaisseaux spatiaux, de planètes inconnues, etc, soit on parle de fantasy avec des dragons, des trolls, des nains, des mages, des fées, etc. En gros, soit on se projette dans un futur lointain à l'image de nos aspirations, soit on imagine un passé ancien inspiré peu ou prou de notre Moyen-Âge. C'est ce que je croyais comprendre lorsqu'on me parlait de science-fiction. Désormais, avec "La nuit des temps" de Barjavel, je découvre qu'on peut faire de la science-fiction avec notre propre civilisation, en la mêlant intimement à une autre, fictive.

Je ne suis pas habituée à penser qu'une civilisation plus évoluée que la nôtre (- Ah, parce que tu crois que notre civilisation est évoluée, Gwen ? Vraiment, tu le penses ? - Heu... joker. ) se situe derrière nous et non pas devant nous. Bien sûr, il y a eu les Égyptiens, les Grecs, les Romains, les Mayas, les Chinois pour n'en citer que quelques uns mais le progrès est le progrès, n'est-ce pas ? L'ordinateur et la médecine sont bien des signes extérieurs de progrès, à ce qu'il paraît ?

Ici, avec ce roman magnifiquement écrit et dont le rythme m'a comme éblouie, Barjavel propose à son lecteur un voyage dans le passé, celui de sa propre civilisation, et lui propose de découvrir, comme une Atlantide éblouissante et bien terrestre, Gondawa qui a maîtrisé l'universelle énergie pour en faire un monde d'harmonie.

Barjavel a écrit "La nuit des temps" en 1966 quand les ordinateurs commençaient lentement mais sûrement à peupler quelques labos et quand personne ne songeait encore à une technologie, hors les armes massives, beaucoup plus évoluée que la TV et pourtant, l'auteur nous projette dans une civilisation plus brillante, plus puissante, plus sage... enfin, pas si sage puisque la violence et la guerre vont finalement l'anéantir dans une Apocalypse aussi définitive que celle qui nous pend toujours au nez en 2013. Pas une seule seconde au cours de ma lecture je n'ai trouvé que le texte avait vieilli comme ce fut mon sentiment avec "1984" d'Orwell.

Le roman en lui-même est vraiment une pépite. Aventure, passion, action... tout y est réuni avec beaucoup d'équilibre et de justesse. Des rebondissements en cascade et une intrigue (oui je dis bien une "intrigue") digne d'un polar avec un dénouement qui vous laisse sur le flanc ! Une narration tellement aisée et plaisante à lire que vous oubliez le temps qui passe, vous devenez partie prenante de l'histoire, vous ressentez toutes les émotions des savants qui essaient de percer les mystères que représentent Eléa et Païkan, seuls survivants d'une race décimée.

Eléa et Païkan... Deux êtres unis par un amour sublime, fondus en une telle osmose que leur histoire vous "prend aux tripes", il n'y a pas d'autres termes à employer.

Je viens d'achever la lecture de "La nuit des temps" de Barjavel et je sais déjà que ce roman m'a profondément marquée et que je ne suis pas prête de l'oublier. J'ai aimé sa force, sa réalité, sa vérité et son audace.
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Le monde s'effondre (Tout s'effondre)

Okonkwo est un homme respecté au sein de son clan. Il a trois épouses et 9 enfants. Sa prospérité, il la doit à son seul courage et à sa détermination; non à l’héritage d’un père qu’il méprise tant pour sa paresse que pour sa couardise. En toute circonstance, Okonkwo veille à ne montrer aucune faiblesse. Comme celle des autres membres du clan, son existence est régie par un ensemble de rites et de croyances figés auxquels il obéit aveuglément. Même lorsque ces règles le conduisent à poser des gestes qui vont à l’encontre de son inclination personnelle, jamais il ne les remet en cause....

(lire la suite)...

http://coupsdecoeur.wordpress.com/2010/02/23/le-monde-seffondre/
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Notre société sous contrôle

Génial ! Je suis impatiente de lire cet ouvrage sur la thématique importante du contrôle. Le philosophe Tony Ferri apporte immanquablement des éclairages décisifs sur les technologies du pouvoir, les mécanismes de surveillance de masse, le contrôle social... J'ai remarqué que c'est un philosophe immergé depuis des années dans ces questions. J'ai particulièrement apprécié, entre autres, son « Pouvoir et politique pénale » et son « Qu'est-ce que punir ? ». Sincèrement impatiente donc, et merci !
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Aux portes de l'inconnu : Un embaumeur raco..

Ce livre il est vrai de dire m'a fait pénétrer dans les coulisses de la Mort,avec cet embaumeur qui a témoigné des manifestations paranormales dont il avait été le témoin.Il y a du respect dans l'attitude de cet embaumeur pour les morts dont il s'occupe depuis pres de 27 années.
Aux portes de l'inconnu est un livre important dans la description de ces phénomènes paranormaux,et digne de confiance de part la profession d'embaumeur exercée par cet homme.
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