Yann Quero

Tout le monde ignorait les motivations ultimes derrière ce futur jugement international et, dans la société machiste et élitiste de la République, personne ne pouvait soupçonner une misérable secrétaire tamoule de mener l'ensemble de l'opération.

Alors les brumes de son cauchemar se dissipèrent et les Dieux apparurent à Yudhisthira.
Tout cela n'était qu'une ultime épreuve pour le punir d'avoir laissé Gãndhãri et Dhritarãstra sur terre sans enfants.
En réalité tout n'était qu'illusion. Tous les hommes étaient morts. Il n'y avait plus ni bon, ni méchant. Tous avaient acquis le séjour céleste et se retrouvaient pour jouir de ses plaisirs.

- Excusez-le, Vénérable Cao Dien, fit le Premier Conseiller Goh d'un ton conciliant. Notre jeune collègue Hong a encore toute la fougue et l'inexpérience de la jeunesse, mais le très respectable Confucius ne disait-il pas lui-même :
Les jeunes doivent nous inspirer le respect : comment pourrions-nous savoir si leur avenir ne surpassera pas notre présent ? Ce n'est que s'il a atteint l'âge de quarante ou cinquante ans, sans voir rien fait qu'un homme ne mérite plus d'être respecté.

Avec les crises, la condition féminine avait fait un bond en arrière d'au moins trois siècles.
Les posters hologramme vantaient la cuisinière, bonne ménagère et mère de nombreux enfants (jamais ceux malformés à cause du plancton pollué dans le détroit e Malaka ou en mer de Java).
Si l'on faisait abstraction de l'unique (qui confirmait la règle poste ministériel des "affaires féminines", leur horizon professionnel se limitait au secrétariat.

Draupadi détourna son regard des enfants et hâta le as à travers la rue Bukit Timah. L'artère principale descendant de la ville haute fourmillait en une foule bigarrée imprégnée de sueurs acides, diluées à l'eau de frangipanier ou au savon de simili-santal. Mêlées aux émulations de l'asphalte surchauffé, l'atmosphère devenait quasi irrespirable.
Le masque sanitaire était ainsi devenu un accessoire très apprécié, d'autant que son prix relativement élevé en faisait un discriminant social supplémentaire. Les modèles se déclinaient en d'innombrables couleurs, motifs ou formes n'ayant rien à envier à la diversité des cerfs-volants.

Les Amérindiens avaient aussi une théorie sur les Bulles, qu'ils ne considéraient pas comme diaboliques. Selon eux, le Grand-Esprit, dans sa sagesse, les avait envoyées aux Hommes blancs et aux Indiens qui cherchaient à les imiter. Le Grand-Esprit voulait leur signifier que la Terre se mourait, que la nature était de plus en plus dégradée, que les valeurs d'honneur et de respect ne cessaient d'être jetées aux ordures. Les Bulles avaient permis de mettre à bas la face obscure de l'humanité. (p.144)

Vous pouvez me punir pour cela, mon Père. Reste qu'aux yeux de certaines de vos ouailles, c'est vous qui commencez à sembler extrémiste, en imposant une discipline sans concession, interdisant le métal, les animaux domestiques et même le rire... (p.77)

La science-fiction avait un peu préparé l'humanité à affronter des ennemis puissants, mobiles et agressifs, pas à coexister avec d'inertes Bulles de Damoclès. (p.10)

Il y eut aussi des gens pour affirmer qu'il s'agissait d'une manifestation de Dieu ou du Diable, que cette Bulle était le signe avant-coureur du jugement dernier. Une inflation de termes se mit à proliférer pour la désigner : le météore du Cosmos, l'œil de Shiva, les larmes de Krisna, l'œuf de Gaïa, la lune du Tao, le globe de Satan, la capsule du néant... (p.8)