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Citations de Paul Celan (387)


J’entends…

J’entends que la hache a fleuri,
j’entends que le lieu n’est pas nommable,

j’entends que le pain qui le regarde
guérit le pendu,
le pain que la femme a cuit pour lui,

j’entends qu’ils disent de la vie
qu’elle est le seul havre et recours.

Ich höre, die Axt hat geblüht,
ich höre, der Ort ist nicht nennbar,

ich höre, das Brot, das ihn ansieht,
heilt den Erhängten,
das Brot, das ihm die Frau buk,

ich höre, sie nennen das Leben
die einzige Zuflucht.

***
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La nuit, quand le pendule de l’amour balance
entre Toujours et Jamais,
ta parole vient rejoindre les lunes du cœur
et ton œil bleu,
d’orage tend le ciel à la terre.

D’un bois lointain, d’un bosquet noirci de rêve
l’Expiré nous effleure
et le Manqué hante l’espace, grand comme les spectres du futur.

Ce qui maintenant s’enfonce et soulève
vaut pour l’Enseveli au plus intime :
embrasse, aveugle, comme le regard
que nous échangeons, le temps sur la bouche.
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DANS L’ACCABLEMENT TORRENTIEL,
devant les miroirs, blessures
brillantes :
là sont flottants les quarante
arbres de vie écorcés.

Unique contre-
nageuse, tu
les comptes, tu les touches,
un à un.
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Tenir debout,dans l'ombre
du stigmate des blessures en l'air.

Tenir debout -pour -personne et pour rien
Non Reconnu
pour toi
seul

Avoir tout ce qui a ici de l'espace.
et même sans
parole
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Ce n'est plus
cette
pesanteur parfois
plongée dans l'heure
avec toi. C'en est
une autre.

C'est le poids retenant le vide
qui avec
toi irait.
Il n'a, comme toi, pas de nom. Peut-être
êtes vous la même chose. Peut-être
me donneras-tu aussi un jour ce
nom.
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D’une clé qui change,
tu ouvres la maison où
tournoie la neige des choses tues.
Au gré du sang qui sourd
de ton oreille ou ton œil ou ta bouche,
ta clé change.

Ta clé change, le mot change,
qui peut partager la course des flocons.
Au gré du vent qui te repousse
La neige se roule autour du mot.
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Solstice (« Sonnenwende »)

Toute bleue, la nuit fleurit : pour qui ? pour qui ?
À l’est, que verrons-nous donc, ici ?
La haie avec sa couronne d’incandescence
A imposé aux armes d’entrer en danse.

La fille à qui j’ai ordonné de s’endormir
De son grand cœur s’en va férir.
La lune – qui l’a décapitée ? – observe, blême,
Comment mon âme puise à la fontaine.

(…)

À toi, là-bas, sous le menton je dessine
La blessure que je suis moi-même.
Si ma cendre ressemble à la tienne,
Ton Vrai Empire sera peut-être en gésine.
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Je bois jusqu’à ce qu’il aille, mon cœur, s’assombrir à toi,
jusqu’à ce que Paris navigue dans son pleur,
jusqu’à ce qu’il navigue vers le voile lointain
qui nous cache le monde où chaque Tu est une branche
où je tiens, comme une feuille, en silence, au vent.
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Schibboleth

Parmi mes pierres
grandies sous les pleurs
derrière les grilles
ils m'ont traîné
au milieu du marché,
là-bas
où se déploie le drapeau auquel
je n ai prêté aucun serment.
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Les yeux, aveugles au monde, dans le mouroir d'à-pics : je viens,
dur plant au coeur.
Je viens.

Falaise miroir de lune. Chute.
(Lueur tachée de souffle. Sang épars sur zones étroites.
Âme se dissipant en formation nuageuse, une fois encore proche de la configuration nette.
Ombre décadigitale - position crispée.)

Les yeux aveugles au monde,
les yeux dans le mouroir d'à-pics,
les yeux les yeux :

Le lit de neige sous nous deux, le lit de neige.
Cristal après cristal,
treillagées dans des grilles à profondeur de temps, nous tombons,
nous tombons et gisons et tombons.

Et tombons :
Nous étions. Nous sommes.
Nous ne faisons qu'une chair avec la nuit.
Dans les couloirs, les couloirs.
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Toi aussi parle

Toi aussi parle
parle comme le dernier
dit ton message

Parle -
Mais ne sépare pas le oui du non
Donne aussi le sens à ton message :
donne lui l'ombre.

Donne-lui assez d'ombre,
donne-lui en tant,
que tu en sais autour de toi partagée
entre minuit et midi et minuit.

Regarde alentour,
vois, comment ce qui t'entoure devient vivant -
Par la mort ! Vivant !
Celui dit vrai, qui parle d'ombre.
Mais voici que s'étiole l'endroit ou tu es ;

Maintenant où aller, à découvert d'ombre, où aller ?
Monte. vers le haut en tâtonnant.
Plus grêle tu deviens, plus méconnaissable, plus fin !
Plus fin : un fil,
où l'étoile veut descendre :
pour nager en bas, tout en bas,
là où elle se voit luire : dans la houle
des mots errants.
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GLOIRE DE CENDRES



extrait 2

Gloire de
cendres
derrière vous mains
de trois-chemins.

Les dés jetés, de l'Est, avant et
devant vous, terribles.

Personne
ne témoigne pour le
témoin.


/traduit de l'allemand par Jean-Pierre Lefebvre
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Blanc et lumière

Dunes en croissant, innombrables.

Dans le sillage, mille fois : toi
Toi et le bras
avec lequel j'ai grandi nu vers toi, perdu
.


Les Rayons. Ils nous soufflent en abondance.
Nous portons l'apparence, la douleur et le nom.

Sait
ce qui nous émeut,
sans poids, ce que nous échangeons.
Blanc et lumière : laissez-le vagabonder.

Loin, près de la lune, comme nous. Ils construisent.
Ils construisent la falaise
sur laquelle le vagabond se brise,
ils recueillent de
l'écume légère et des vagues poussiéreuses.

L'errance, l'écrêtage agitant.
Il
fait signe à ses fronts ,
qui nous ont été prêtés pour
réflexion.

Les fronts.
On y roule avec eux.
Front.

Es-tu en train de dormir actuellement?
Dormir.
Le moulin marin marche,
blanc comme la glace et inouï,
à nos yeux.




C'est la version de Herzzeit ; celle, postérieure, de Sprachgitter (Fischer, 1959) est légèrement différente (en passant, on retrouve une vieille connaissance, "Meermühle", comme dans Le Menhir) :




Dunes en croissant, innombrables.

Dans le sillage, mille fois : toi
Toi et le bras
avec lequel j'ai grandi nu vers toi, perdu
.


Les Rayons. Ils nous soufflent en abondance.
Nous portons l'apparence, la douleur et le nom.

Sait
ce qui nous émeut,
sans poids,
ce que nous échangeons.
Blanc et clair :
laissez-le vagabonder.

Loin, près de la lune, comme nous. Ils construisent.
Ils construisent la falaise où
les pauses errantes,
ils construisent
plus loin :
avec de la mousse légère et une vague poussiéreuse.

L'errance, l'écrêtage agitant.
Il
fait signe à ses fronts ,
les fronts qui nous ont été prêtés
pour la réflexion.

Les fronts.
On y roule avec eux.
Front.

Es-tu en train de dormir actuellement?

Dormir.

Le moulin marin marche,
blanc comme la glace et inouï,
à nos yeux.





Blanc et léger

Dunes-faucilles, innombrables.

A l'abri du vent, multipliée : toi.
Toi et le bras
avec lequel je croissais nu vers toi,
Perdue.

Les rayons, leur souffle nous amoncelle.
Nous portons l'éclat, la douleur et le nom.

Blanc,
ce qui bouge en nous,
sans poids,
ce que nous échangeons.
Blanc et léger :
qu'il voyage.

Les lointains, proches de la lune comme nous. Ils bâtissent.

Ils bâtissent l'écueil, où
brise ce qui voyage,
ils bâtissent
encore :
d'écume lumineuse et flot poudroyant.

Ce qui voyage, appelant depuis l'écueil.
Ce sont les fronts
qu'il appelle,
ces fronts qu'on nous a prêtés
pour qu'il y ait reflet.

Les fronts.
Avec eux nous roulons là-bas.
Rivages de fronts.

Dors-tu ?

Dors.

Moulin-de-mer tourne,
clair-gel, inentendu,
dans nos yeux.
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LES PÔLES

sont en nous,
infranchissables
dans la veille,
nous les dépassons lorsque nous dormons, jusque devant la Porte
de la Miséricorde.
Je te perds en toi, c’est
ma consolation de neige,
dis que Jérusalem est,
dis-le, comme si j’étais ce
blanc qui est le tien,
comme si tu étais le mien,
comme si nous pouvions être nous sans nous,
je t’ouvre, je te feuillette, pour toujours,
tu pries, tu nous prépares une couche, tu nous libères.
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(Si j’étais comme toi. Si tu étais comme moi.
N’étions-nous pas
sous un seul et même alizé ?
Nous sommes des étrangers.)
Les carreaux, par terre. Dessus,
serrés l’une contre l’autre, les deux
flaques gris-cœur :
deux/pleines bouches de silence
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RETOUR

Neige qui tombe, dense de plus en plus dense,
couleur de colombe, comme hier,
neige qui tombe comme si tu dormais encore même maintenant.
Blanc étalé très loin.
Et plus loin encore, infinie,
la trace de traîneau de ce qui est perdu.
En dessous, caché,
monte, s’ouvre et recouvre,
ce qui fait si mal aux yeux,
tertre après tertre,
invisible.
Sur chacun d’eux,
ramené au pays de son aujourd’hui,
un Moi qui a glissé dans le mutisme :
de bois, un pieu.
Là-bas : un sentiment,
amené jusqu’ ici par la bise glaciale,
qui noue solidement, couleur de colombe,
de neige, son étendard de cretonne.


HEIMKEHR
Schneefall, dichter und dichter,
taubenfarben, wie gestern,
Schneefall, als schliefst du auch jetzt noch.
Weithin gelagertes Weiß.
Darüberhin, endlos,
die Schlittenspur des Verlornen.
Darunter, geborgen,
stülpt sich empor,
was den Augen so weh tut,
Hügel um Hügel,
unsichtbar.
Auf jedem,
heimgeholt in sein Heute,
ein ins Stumme entglittenes Ich :
hölzern, ein Pflock.
Dort : ein Gefühl,
vom Eiswind herübergeweht,
das sein tauben-, sein schnee-
farbenes Fahnentuch festmacht

"Il a trente-cinq ans. Il ne revient pas au pays. Il est définitivement loin du pays. Il revient dans l’absence, la perte, dans un pays qui s’appelle disparition.

" Il s’est marié en France. Il a eu deux enfants : l’un, le premier, est mort à la naissance. Il s’appelait François, du nom du pays de l’exil, dont il vient d’obtenir la nationalité. Depuis le premier poème intitulé Retour, il y a eu la guerre, l’assassinat de ses parents dans des camps, Auschwitz. Auschwitz d’où l’on ne revient pas. Une longue saison qui n’en finit pas a commencé, un hiver de mort interminable. Dans le retour mental sur le passé s’est déployée une blancheur de deuil de plus en plus blanche, opaque et vide à la fois, et le mot qui dit cela deux fois, l’appelle aussi lui-même comme par dessous, en suggérant deux majuscules, lui, le poète qu’il est officiellement devenu, l’interpelle, le somme : Dichter und Dichter. « Poète, entend ce silence de neige de plus en plus lourd, pour le faire entendre à ton lecteur d’aujourd’hui. Ton nom même se confond avec l’adjectif répété qui dit la densité croissante de la neige qui tombe. ' Jean-Pierre Lefebvre
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Corona


traduction n° 1

L’automne mange sa feuille dans ma main :
                   nous sommes amis.
Des noix que nous cassons nous retirons
le temps et nous lui apprenons à marcher :
le temps s’en retourne aux coquilles.

Au miroir c’est dimanche,
en rêve c’est qu’on dort,
la bouche parle vrai.

Mon œil s’en va là-haut au ventre de ma bien
                                aimée :
nous nous regardons,
nous nous disons des choses sombres.
nous nous aimons comme pavot et mémoire,
nous dormons comme le vin dans les coquil-
                                lages,
comme la mer dans le rai sanglant de la lune.

Nous nous tenons là, étreints dans la croisée,
    ils nous regardent depuis la rue :
il est temps que l’on sache !

Il est temps que la pierre veuille fleurir,
qu’un cœur palpite pour l’inquiétude.
Il est temps qu’il soit temps.

Il est temps.


/Traduction Valérie Briet
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Strette


Extrait 2

                  Nulle part
                           il n’y a souci de toi –
L’endroit où ils étaient couchés, il a
un nom –il n’en a
pas. Ce n’est pas qu’ils étaient couchés là. Mais il y avait
  quelque chose
de couché entre eux. Eux
ne voyaient pas à travers.

Ne voyaient pas, non,
parlaient de
mots. Aucun d’eux
ne s’est réveillé, le
sommeil
est venu sur eux.
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Fugue de mort


Extrait 2

Il crie creusez la Terre plus profond vous les uns et vous les autres chantez et jouez
de son ceinturon il tire le fer il le brandit ses yeux sont bleus
plus profond les bêches dans la terre vous les uns et vous les autres jouez jouez pour
qu’on y danse


Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons nous buvons
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux de cendre Sulamith il joue avec les serpents


Il crie jouez doucement la mort la mort est un maître venu d’Allemagne
il crie assombrissez les accents de violons
alors vous montez en fumée dans les airs
alors vous avez une tombe au creux des nuages on n’y est pas couché à l’étroit
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Fugue de mort


Extrait 1

Lait noir de l’aube nous le buvons le soir
nous le buvons midi et matin nous le buvons la nuit
nous buvons nous buvons
nous creusons une tombe dans les airs on n’y est pas couché à l’étroit
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand vient le sombre crépuscule en Allemagne tes cheveux d’or Margarete
il écrit cela et va à sa porte et les étoiles fulminent il siffle ses dogues
il siffle pour appeler ses Juifs et fait creuser une tombe dans la terre
il ordonne jouez et qu’on y danse


Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons nous buvons
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand vient le sombre crépuscule en Allemagne tes cheveux d’or Margarete
Tes cheveux de cendre Sulamith nous creusons
une tombe dans les airs on n’y est pas couché à l’étroit
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