J'adorais mon oncle, il parlait, il parlait...J'étais toujours ébahi qu'un homme qui ne soit pas curé puisse dire autant de mots.
Les gens que l’on aime, c’est tant qu’ils sont vivants qu’il nous faut les aimer. Et leur amour à eux, aussi gauche qu’il soit, aussi frustre, aussi raide et souillé d’égoïsme, c’est quand ils sont là qu’il nous faut le saisir, quand ils sont là, avec leur corps qui bouge et se déplace, avec leurs lèvres qui parlent et qui se taisent, avec leur peau qui a chaud, qui a soif, qui a froid, avec leurs yeux qui s’ouvrent et qui se ferment, qui fuient et se dérobent. Certes on attend toujours autre chose, à raison parfois on a peur du venin. L’amour des gens que l’on aime, celui-là qu’ils nous donnent, mais ils n’en ont pas d’autre, c’est quand nous sommes à portée de leurs bras, qu’on peut le goûter. Après, c’est trop tard.
C'est que je vous ai vus, vous, les maîtres ; je nous ai vus, nous, les serfs ; je nous ai vues, nous les femmes, je les ai vus, eux les hommes, maîtres et serfs ; maîtres qui tiennent pour serves les femmes de leur rang ; serfs qui se tiennent pour maîtres des femmes de leur rang.
Père, moi, ce don faramineux, elle m'a donc fait cela mon amoureuse.
S'entrevoir !
Il s'en faut de quoi ?
La courbure d'un instant
A peine un peu plus tendre !
On se frôle,
On laisse entrebâillé.
Une vibration
Un rien trop incertaine !
On s'effarouche
On fronce un peu le voile ;
La lumière se repent.
S'entrevoir !
Il s'en faut de quoi ?
On se croise
Le regard se défausse.
On se dit :
La fois prochaine…
On accable les fées,
On croit qu'on oubliera.
p.63
Ôtez-moi d'un doute ! Vous êtes dans vos habits ! Êtes-vous pour autant, dans vos charges ?
Je l'aimais. Il a mordu dans ma peau, j'ai mordu, j'ai griffé dans la sienne. Je l'ai vu pleurer, ces humeurs-là aussi je les ai bues.
C’est toujours la même chose, d’écrit en écrit, la même traque, le même corps à corps, la même inquiétude, le même frisson, la même tranchée qui se creuse, la même guerre qui se poursuit. La même chose, et à chaque fois tout est recommencé, nouveau, tout à fait incertain, tout à redécouvrir, tout à réinventer ; à chaque écrit une expédition inédite, un nouveau siège, la première bataille. L’écrivain qui persiste – le même – qui dure, on le voit bien et radote, et s’obstine, mais néanmoins à chaque écrit : son auteur singulier.
Quand elle viendra
Il me faudra la reconnaître ;
La distinguer d'entre les aubes
Qui l'auront précédée.
Sans doute
J'hésiterai un moment.
Déjà les petits matins
Ont l'haleine bleutée
De son parfum de sauge.
Surtout
La nuit qui l'aura précédée,
Pas plus que les autres
Ne saura rien
De ce qu'elle emporte.
Comme toutes les autres nuits,
Elle prendra
Le juste temps qu'il faut
Pour se dissoudre.
J'aimerai tant
Alors
Ne plus avoir de doute.
Et je dirai :
Voici
Goûtez donc !
Lisez !
p.76-77
La marche est mince qui mène du discret au sournois, et que je sois étranger au pays comme à leurs turpitudes ne m’exonère pas de toute partialité ; mais on ne se refait pas, elle est de nature peu suspicieuse, allez, disons crédule, ça lui joue des tours et même après tout ce qu'ici ils ont traversé elle n'a pas trouvé le moyen de s'en guérir ; elle a plutôt tendance à ouvrir quand on sonne et elle est curieuse d'autrui.