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Citations de Olivier Bass (22)


Guillemot sortit sur l'aileron bâbord. Istanbul, minute après minute, se profilait. Dans la tiédeur du matin, l'odeur d'amande douce mélangée à celle du poisson et des algues monta de la mer jusqu'à lui. Ces effluves entêtants, qu'il avait déjà décelés la veille au matin devant l'île d'Imrali, il devait ne jamais les oublier. C'était le parfum de la mer de Marmara. Il comprit ce matin-là, qu'il reconnaîtrait à jamais cette mer intérieure les yeux fermés, comme il était capable d'identifier Singapour, Djakarta ou Tokyo seulement à l'odeur de leurs eaux.
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Assis devant ce corps en survie, Keller ferma les yeux, longuement. Quels territoires avait-il traversés pour parvenir jusque-là? Avait-il tenté de franchir la mer de Marmara pour trouver une vie meilleure? Avait-il fui la misère ou une guerre?
Il ressentit toute l'épaisseur de la solitude dans laquelle certains hommes étaient condamnés à mourir. Combien de fois l'avait-il imaginé, cette double peine de mort, cette condamnation à disparaître corps et âme.
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- Parfois, j'aime cette ville. J'aimerais y être chez moi.
- Mais depuis le temps que vous y séjournez, vous devez vous y sentir à votre aise, non?
- Etre à son aise est une chose. Se sentir chez soi en est une autre. Etre chez soi, cela signifie vivre à l'endroit de ses souvenirs. Je veux dire : avoir suffisamment vécu en un lieu pour y avoir son histoire, ses racines. Moi, mes souvenirs sont ailleurs, dans une autre ville, dans un autre pays. J'ai beau me sentir bien, ici, je ne serai jamais chez moi. Ce n'est pas ma culture. Ce n'est pas dans ces terres que sont enterrés mes ancêtres. Si vous saviez à quel point la terre est un élément important pour un Géorgien.
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Sous les coiffes de lin, toutes croisant leurs bras
Vêtues de laine rude ou de mince percale,
Les femmes, à genoux sur le roc de la cale,
Regardent l'Océan blanchir l'île de Batz.
(José-Maria de Heredia - Les trophées)
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Lorsque nous nous sommes remis en route pour rejoindre le convoi, nous avons traversé la zone de l'attaque. Ils étaient une dizaine de boches, accrochés à des morceaux de bois, des fragments de bouées. Les corps brûlés, blessés à mort. Les mouettes s'étaient déjà attaquées à certains. Nous avons ralenti pour éviter soigneusement les débris à la dérive et les marins qui surnageaient en levant les mains vers nous. Certains de nos hommes leur ont même craché dessus; je comprenais leur haine et même, je la partageais. J'avais déjà vu périr des gens pendant la guerre de 40. Des inconnus, quelques amis... Ceux-là n'auraient pas dû m'impressionner. Pourtant ceux que j'ai vu mourir, en ce matin de septembre, jamais, jamais je ne parviendrai à les ôter de ma mémoire... Car je les ai regardés, longtemps, sans sourciller. Et tandis que je scrutai leurs pupilles, j'ai compris qu'en cet instant ils touchaient du doigt la terrible vérité de la vie. Ils mouraient et leurs yeux hurlaient qu'ils voulaient vivre. Et dans ce regard, et dans ces bras tendus vers nous, j'ai découvert l'insoutenable solitude des hommes.
Guillemot se frotta le visage. Il fixa Janvier et il reprit :
- C'est ce regard-là qu'avait notre naufragé lorsque nous l'avons sauvé, au moment où il a posé ses yeux sur moi. Le regard d'un homme lucide sur le pas du néant. J'ignore qui il est. Mais ce que je pense, c'est qu'il s'agit de quelqu'un qui se sent suffisamment en danger pour braver le péril du large à mains nues. Le remettre aux Turcs, se serait le remettre à la mer; j'en suis certain.
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- Ainsi vous avez grandi sur la rive du Rhin?
- A Lauterbourg.
- C'est à la frontière, non?
- C'est la dernière ville française, à l'extrémité nord-est de l'Alsace. Il y a, le long du fleuve, de grandes forêts où j'aimais me promener.
- Et d'où vous regardiez passer les péniches?
- Pas seulement. Le Rhin, c'est un peu mon océan. Quand je marchais, enfant, le long du fleuve, c'était sur le bord de mon univers que je me promenais. Je voyais, de l'autre côté de la rivière, débuter un monde infini et inaccessible.
- L'Allemagne?
- L'Allemagne, et par-delà l'Allemagne, au bout du fleuve, la Hollande et la mer du Nord. Et mes rêves de voyages avaient l'odeur de grandes forêts rhénanes. Je crois qu'il y a quelques similitudes entre les petits Bretons qui se baladent sur la grève en regardant l'océan et les petits Alsaciens qui promènent leurs guêtres sur les rives du fleuve. Ce sont des enfants de bords du monde.
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Après avoir poussé un soupir, il laissa machinalement son regard parcourir le dos des livres.
- Comment fais-tu pour lire tout ça?
Le chef sourit.
- Je ne les ai pas emmenés avec moi dans le but de les lire tous pendant le voyage. Ce qui compte, c'est de les avoir sous la main... Au cas où.
- Au cas où quoi?
- Au cas où... se contenta de répondre le chef.
Le Vieux le fixa sans chercher à comprendre. Ils étaient quelques-uns à avoir leurs lubies, à bord : le chef et sa bibliothèque, l'officier radio et sa collection de disques et de bandes magnétiques. Et lui-même : quelle était sa passion? Il allait se poser la question lorsque le garçon de carré chargé d'un plateau frappa à la porte.
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L'océan faisait rouler le vieux palangrier rouillé comme un bouchon sur l'eau. Ils étaient treize. Treize marins perdus au fin fond de l'océan Indien. Le Grand Sud. Le pays des aurores australes, le pays des tempêtes, le pays des mers froides. Non loin des îles Crozet, l'Osaka Maru pêchait la légine. A son bord, quatre officiers japonais, sept marins russes, et deux scientifiques français, Paul et Sarah Kerebel, que l'administration imposait à l'armateur afin de contrôler les quantités de poissons sorties de l'eau par les pêcheurs. Ainsi, les deux jeunes mariés faisaient-ils office de contrôleurs des pêches, bien que cela ne fît normalement pas partie de leurs fonctions : ils étaient initialement chercheurs en océanographie.
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Automne 2008.
Je marche dans les rues de Paris. Depuis ce matin tombe un crachin qui me rappelle la Bretagne. Une pluie fine et ténue qui s'infiltre dans les moindres mailles de la veste que je porte, col remonté jusqu'aux oreilles pour me protéger du froid. Les gouttes pénètrent jusqu'à ma peau, et je sens peu à peu le poids de la laine sur les épaules. Je marche d'un pas lent sur l'île de la Cité, longe la Seine en direction du Châtelet. Jusqu'à hier, cette fin d'automne était plutôt agréable. Aujourd'hui, j'ai bien vu que le ciel se chargeait peu à peu de nuages. C'est dans la soirée, lorsque je suis descendu dans la rue pour aller au concert, qu'il s'est mis à pleuvoir.
Malgré la pluie je me promène le long des quais ; j'ai encore un peu de temps devant moi. Je regarde une péniche repousser de sa coque épaisse une eau froide et grise. Le mouvement de l'eau devant son étrave me rappelle d'autres mouvements d'océan sous d'autres étraves. Je pense à l'océan Indien. Celui du Grand Sud, celui des grands froids. Celui que j'avais parcouru, il y a une dizaine d'années, à bord d'un navire de recherche océanographique. Je faisais partie des gens de mer, j'étais officier de marine marchande, je naviguais au long cours.
Aujourd'hui j'ai posé sac à terre.
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Les cartes ... J'ai un mal fou à les ranger. Non par manque d'organisation, mais plutôt à cause d'un problème de distraction. J'aimais les parcourir comme on feuillette un livre d’images, et me promener sur le monde, libre de toute contrainte. Il me suffisait de tenir une carte dans les mains pour être irrésistiblement tenté d'en sortir une autre, et une autre encore. Je laissais mon imagination remonter les estuaires et se perdre dans les villes ou des forets isolées , parcourir les mers a la recherche d'un port au nom familier pour avoir rêvé un jour d'y faire escale, traverser les océans a pas de géants ou a sauts de puce, en n'importe quelle saison , a n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Et je me sentais chez moi partout dans le monde. J'adorais déballer les cartes. Je détestais les ranger.
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Il ne se passa rien de spécial pendant mon quart de l’après-midi. Aucun navire croisé, aucune terre en vue : le calme et l’ennui de la navigation au long cours. Pourtant il m’avait semblé être heureux. Heureux de cet ennui, justement. Heureux de n’être rien au milieu de cet univers d’eau, où l’homme n’avait pas sa place et où je me tenais pourtant, seul, à la passerelle d’un bateau qui filait quatorze nœuds en direction de terres plus désolées encore que cette mer. (p. 22, Chapitre 2).
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La guerre c'est un enfant qui meurt de faim en essayant de téter le sein de sa mère morte deux jours auparavant, et qu'on achève d'un coup de crosse bien place parce qu'on ne peut rien faire de mieux. C'est cela la guerre. Ni plus ni moins. On ne devient pas un homme en la faisant: on devient un monstre
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Depuis l'avènement de la messagerie électronique, cette attente traditionnelle du sac de courrier n'était peut-être plus aussi forte qu’auparavant, mais, l'écriture physique , la trace d'encre laissée par l'être aime, la feuille qu'il a touchée , restait malgré tout un lien fort qu'Internet n'était toujours pas parvenu à détrôner
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La guerre c'est un enfant qui meurt de faim en essayant de téter le sein de sa mère morte deux jours auparavant, et qu'on achève d'un coup de crosse bien place parce qu'on ne peut rien faire de mieux. C'est cela la guerre. Ni plus ni moins. On ne devient pas un homme en la faisant: on devient un monstre
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Mer, J’ai su de toi le sens de l’essentiel, et décanté de large écart la cacophonie d’un bas monde assourdi des hauts cris qu’un simple lendemain passant efface sans écho.
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C'est un bout de rocher, propice à la tempête,
Un petit coin de terre, où s'entassent les grains;
Tous les oiseaux de mer en ont fait la conquête,
Et nichent à la volée, se riant des embruns.
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On se perdait beaucoup dans ces navigations transocéaniques où l'on oubliait pour quelles raisons nous étions là, en pleine mer, sans voir ni espérer aucune terre des jours durant. Pourtant quand je repense à mes quarts de veille à scruter le vide de la mer, je me souviens que parfois j'étais heureux.
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Un soir de 1995, j'ai joué avec l'orchestre philharmonique de Saint-Petersbourg la septième de Chostakovitch. Savez-vous ce que représente cette symphonie, Marec? On dit que Chostakovitch l'a composée en juin 1941, alors que les Nazis franchissaient les frontières de l'Union soviétique. On dit que c'est la symphonie qui parle le mieux des horreurs de la guerre. On dit qu'il l'a composée dans la terreur des bombardements. En 1942, dans un Leningrad alors en proie au pire blocus de l'histoire, les habitants se sont rendus, malgré les bombes et la famine, au théâtre pour écouter cette musique composée spécialement pour eux. Un hommage à leur courage, à leur résistance. C'est cela, la septième symphonie : un long cri contre la guerre. Cinquante-trois ans après, j'ai eu l'honneur de jouer dans ce même théâtre, non sans fierté, cette musique superbement sombre. J'étais déjà premier violon. Je me souviens avoir joué comme jamais je n'ai joué. Dès les premières notes, j'ai senti que tout serait juste, parfaitement équilibré, que je ne ferai aucune faute. Et tandis que mon archet courait sur les cordes, tandis que tout l'orchestre geignait sa douleur des totalitarismes passés, des images de guerre m'ont traversé l'esprit. Des images d'une autre guerre : celle à laquelle mon pays était en train de se livrer en Tchétchénie. Oui, Marec, cette musique, ce n'était pas seulement les nazis qui entraient en URSS. C'était aussi les Russes dans Groznyi! Que mon pays, la Russie moderne, se lance dans un conflit, cela me semblait injustifiable. Mais que cette guerre touche les montagnes et les peuples qu'il me semblait tellement connaître, cela était incompréhensible. Alors, à la fin de la représentation, lorsque le chef d'orchestre m'a désigné de la main en me saluant, je me suis avancé jusqu'au bord de l'estrade. Les gens ont été surpris : ce n'est pas dans les habitudes. J'ai regardé le public en attendant que se calment les applaudissements. Au premier rang se trouvaient les officiels et dans les loges, paraît-il, le président Eltsine. Alors, de ma voix la plus posée possible, j'ai dit simplement : "Ce soir, c'est pour le peuple tchétchène que nous avons joué."
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" Homme libre, toujours tu chériras la mer ! "
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Mais il fallait une vie complète de mer pour que le temps, qui nous rongeait l'âme comme la pluie érode la montagne, en fasse apparaître le cœur inaltérable : la vraie nature de l'homme. Et si par dessus ça. On revêtait la couverture toute puissante du commandement, le compromis alors n'existait plus, le compromis alors n'existait plus : on avait affaire soit aux bons soit au mauvais.
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