Elle avait la larme aussi facile que le rire, pouvait aussi bien danser de joie que hurler sa peine, et elle vivait chaque mot des romans qu'elle lisait.
Comment ose-t-il traiter tous ces enfants de bons à rien sous prétexte qu’ils font partie de la classe ouvrière ! Ces adolescents ont des rêves et des aspirations comme tout le monde. Sous prétexte qu’ils ne peuvent pas étudier dans un établissement d’enseignement général, cet homme pense qu’ils sont incapables de vivre comme des gens civilisés.
Il ne voyait pas l’avenir de la même façon qu’elle. Elle l’envisageait comme une splendide contrée inconnue où elle s’apprêtait à vivre mille et une aventures, mais, pour son père, il s’agissait surtout du post-scriptum d’une époque révolue, d’un temps où la vie était meilleure. Il voulait qu’elle adhère à sa vision du monde, qu’elle le considère comme un endroit plein de dangers et de sources d’irritation à éviter. Il préférait qu’elle reste cachée à la maison, bien bordée dans son lit, et qu’elle dorme toute sa vie. Il détestait les changements en cours dans le monde et les exigences bruyantes de ces jeunes gens qui refusaient de vivre comme leurs parents.
Mais je suis jeune, moi aussi. J’ai envie de participer à ce mouvement. La vie est en train de changer pour tout le monde. Pour les femmes. Pour les pauvres.
La plupart étaient inachevées, mais les portraits étaient selon elle d’une qualité exceptionnelle : les visages étaient vivants, les regards, intenses, et le résultat, si précis qu’on aurait dit des photographies. Mais les coups de pinceau prouvaient qu’il s’agissait bien là de l’œuvre d’un peintre.
Certaines couleurs paraissaient translucides, comme si elles étaient éclairées par-derrière, et, sur chaque tableau, le peintre avait ajouté quelques touches d’un bleu vif particulier : sur un chapeau, une robe, une cravate, une fleur dans un vase. Les modèles étaient pour la plupart des hommes d’âge moyen, certains en uniforme, d’autres en costume, mais il y avait aussi quelques femmes.
On ne cessait de lui rappeler qu’elle était entre les mains des meilleurs spécialistes du pays. Peut-être que c’était vrai. Peut-être que, par chance, ils étaient tous rassemblés dans le même hôpital. Ou alors, il ne s’agissait que de petits mensonges destinés à faciliter les relations entre patients et médecins. On enfermait les malades dans une sorte de cocon ouaté afin d’atténuer les aspects cruels de la réalité. Le cocon ne disparaissait que lorsqu’on ne pouvait plus leur cacher la triste vérité. Emily sentait que le but n’était pas de les tromper, en fin de compte, mais bien de les rassurer, même si cette façon de faire était assez maladroite.
Vais-je vraiment perdre la tête ? Cette idée lui était insupportable, et elle vint caresser sa peau du bout des doigts pour en sentir la chaleur tout en prenant soin de ne pas le réveiller.
Je refuse qu'on en arrive là, décréta t-elle. Je ferai en sorte de découvrir ce qui le ronge tant et je le guérirai. Je peux le faire.
Le conseil de Grey lui revint alors en mémoire. Son ami l'avait prévenue de bien faire attention où elle mettait les pieds.
Mais je ne peux pas subir passivement la situation. Cela finira par nous détruire.
Il était plutôt sympathique, et elle faisait de son mieux pour ne voir que ses bons côtés, mais elle avait du mal à éprouver de l’attirance physique pour lui. Il était banal, que dire de plus ? Cressie avait beau s’en vouloir d’accorder une telle importance à son apparence, elle ne parvenait pas à le trouver séduisant.
Depuis le début, il ne cessait de la dévisager d’un air sérieux, puis il esquissait un sourire qui transformait sa beauté solennelle en un charme juvénile délicieux. Ce sourire avait un puissant effet sur Cressie ; à chacune de ses apparitions, il semblait déclencher une minitornade en elle.
Quand tu regarderas les étoiles, la nuit,
J'habiterai dans l'une d'elles.
Mon Dieu, Je ne sais pas du tout ce que je veux. pourquoi la vie est-elle devenu aussi terrible ? pourquoi faillait-il que ca nous arrive.