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Citations de Lion Feuchtwanger (39)


Aliénor d'Aquitaine à sa fille Leonor de Castille :

La soif du pouvoir est de toutes les passions humaines celle qui résiste le mieux au temps…Crois-moi, ma fille, la politique peut échauffer les sangs aussi bien que la plus belle nuit d’amour.

p. 236.
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Depuis qu’il avait reçu la nouvelle de la mort du roi Henri d’Angleterre, don Jehuda Ibn Esra le savait : la guerre allait éclater, cette guerre contre l’Islam, si redoutée. La roue tournait ; rien de l’arrêterait. Le Calife amènerait ses armées en Andalousie, Alfonso serait inévitablement battu et les bourgeois de Tolède en accuseraient Jehuda et les Juifs. Ce qu’il avait vécu à Séville dans son enfance, il le reverrait ici…

p. 243
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"Votre neveu Berthold? Sa fin ? " demanda Frischlin Il s'avéra qu'il ignorait tout de l'affaire
"Comment est-ce possible," s'écria Gustav, offusqué Mais Frischlin n'était pas autrement surpris En Allemagne, tout était fait en ce moment pour empêcher qu'on ait des nouvelles de ses proches si elles fâchaient le gouvernement Les journaux étaient à l'évidence contraints de ne pas faire d'annonces Sans sérieuses recherches, on ne savait rien Personne ne sortait plus sans masque en Allemagne On soutenait haut et fort que tout allais bien, et c'est seulement après avoir jeté un coup d'œil prudent à la ronde qu'on osait se chuchoter ce qu'il en était réellement Dans une grande ville, on ignore tout de son voisin, on a l'habitude d'apprendre par le journal ce qui se passe sur son propre palier Or, les mauvaises nouvelles étaient interdites de publication Dans un pays de soixante-cinq millions d'habitants, on pouvait sans peine en tabasser trois mille à mort, en estropier trente mille sans jugement, sans motif, tandis qu'en apparence, tout semblait rester paisible et en ordre A condition justement de museler la presse et la radio

page 254
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L'homme s'était tourné d'un mouvement brusque vers un beau buste ancien en marbre figurant le visage ingrat, rayonnant d'intelligence, de l'écrivain et érudit François-Marie Arouet, dit Voltaire. "Le buste vous plaît cher collègue?", déclara abruptement le nouveau avec son accent criard de Prusse-Orientale en montrant dans le coin opposé le buste d'un homme aux traits tout aussi disgracieux, celui de Frédéric-le-Grand, roi de Prusse et homme de lettres. "Je peux comprendre, Monsieur le directeur, poursuivit-il que vous ayez placé face à face le grand roi et son antithèse. Ici, l'homme d'esprit dans toute sa majesté, là, la bête intellectuelle dans toute sa médiocrité. Ce contraste fait ressortir la noblesse de l'homme allemand. Mais permettez-moi de vous l'avouer franchement, monsieur le directeur, personnellement il me serait pénible d'avoir la gueule de ce Français toute la journée sous les yeux." Le directeur François continuait à sourire avec une politesse forcée. Il lui paraissait difficile d'établir le contact avec le nouveau professeur. "Je crois qu'il va être temps que je vous présente à votre classe", dit-il.
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Titus Flavius Vespasien, ex-commandant d'une légion romaine en Bretagne, ex-consul de Rome, ex-gouverneur d'Afrique, décati, tombé en disgrâce à la cour, un homme ayant un million cent mille sentences de dettes et auquel le valet de chambre Gortyn avait dit qu'il pouvait manger son propre fumier, avait achevé son bilan.
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Sans exagérer, je puis affirmer que celui qui ne connaît pas la Rome dorée ne saurait dire qu'il a vraiment vécu. Où que vous vous trouviez à Rome, monsieur, vous êtes toujours au centre, car nous n'avons pas de frontières, nous engloutissons chaque jour un peu plus les localités environnantes. Ici, vous entendrez parler cent langues différentes. Vous aurez le loisir d'étudier les particularités de tous les peuples. Nous avons à Rome plus de Grecs qu'à Athènes, plus d'Africains qu'à Carthage. Point n'est besoin d'entreprendre un voyage de par le monde pour obtenir tous les produits de la terre. Vous trouverez des cargaisons venues d'Inde et d'Arabie, et ce en telles quantités que vous devrez nécessairement en conclure que ces pays doivent être à tout jamais dépouillés de leurs richesses et que si ces peuples veulent couvrir leurs propres besoins, ils sont contraints de s'adresser à nous. Que désirez-vous monsieur? De la laine d'Espagne, de la soie de Chine, du fromage des Alpes, des parfums d'Arabie, des drogues médicinales du Soudan? Je vous offre une prime s'il est quelque chose que vous ne parvenez pas à dénicher chez nous. Mais peut-être désirez-vous avoir les nouvelles les plus récentes? Au marché et sur le Forum, on est informé immédiatement quand les cours des céréales baissent en Haute-Egypte, quand un général a tenu un discours inepte, sur les bords du Rhin, quand notre ambassadeur à la cour du roi des Parthes a provoqué un scandale en éternuant trop fort. Il n'est pas de savant qui puisse travailler sans l'aide de nos bibliothèques. Nous possédons autant de statues que d'habitants. Nous payons les prix le plus élevés pour la vertu comme pour le vice. Tout ce votre esprit est à même de produire, vous le trouverez ici; mais vous trouverez bien davantage de choses que votre imagination ne saurait même envisager.
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L’une des premières nuits, les mercenaires sont apparus à l’aube Max-Reger-Straße. Ils étaient huit. Heureusement, Frischlin avait mis la veille le manuscrit du Lessing à l’abri chez des personnes au-dessus de tout soupçon, avec l’essentiel de la littérature critique et l’ensemble de la cartothèque. Ils ont pris et déchiré tous les documents restants. Ils ont épargné beaucoup de livres, ils avaient fait à coup sûr plus de ravages chez d’autres personnes. Ils se sont montrés parfaitement arbitraires dans le choix des ouvrages à lacérer ou à emporter. Les nombreuses éditions de la Divine Comédie de Dante ont particulièrement excité leur rage : égarés sans doute par le mot “comédie”, ils les ont prises pour la littérature de propagande de la Ligue des militants athées. Ils ont confisqué la voiture et la machine à écrire.
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Toujours plus dense, le brouillard des mensonges recouvrait l’Allemagne. Le Reich était totalement isolé du reste du monde, livré aux boniments que les völkisch déversaient sur lui par millions, jour après jour, avec leurs haut-parleurs et leurs prospectus. Ils avaient créé à cette fin un ministère spécial. On usait de tous les moyens techniques les plus modernes pour faire croire aux affamés qu’ils étaient rassasiés, aux opprimés qu’ils étaient libres, à ceux que menaçait l’indignation croissante du monde entier que tout l’univers enviait leur puissance et leur gloire.
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N’est-il pas singulier, fit-il, que la même époque engendre des hommes d’un niveau intellectuel aussi différent que celui des auteurs de Mein Kampf et de Malaise dans la civilisation ? L’étude de leurs deux cerveaux devrait permettre à un anatomiste du siècle prochain d’attester un écart d’au moins trente mille ans.
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De tout temps, les Allemands ont été enclins à remplacer le droit écrit par l'autorité d'un chef. Dès l'époque romaine, ils avaient estimé qu'un droit contraignant pour tous était contraire à l'honneur de chacun et s'ils haïssaient les Romains, ce n'était pas parce qu'ils voulaient introduire chez eux le droit romain, mais le droit tout simplement. Aux décrets dictés par la raison ils préféraient le jugement arbitraire d'un supérieur auquel ils accordaient foi. Pr le Führer approuvait hélas le meurtre. Le Führer saluait comme des camarades les völkisch condamnés pour l'assassinat bestial d'un ouvrier. C'est le genre de choses qui renforçait le peuple dans le sentiment que ce n'est pas le verdict d'un tribunal qui compte, mais le seul "instinct" du Führer.
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Impuissant et affligé, il assistait à la propagation fulgurante du nationalisme dont les brumes noyaient ses élèves. Il s’était efforcé loyalement de transmettre le flambeau, mais la nuit pénétrait toujours plus avant et engloutissait sa petite lumière. Une barbarie comme l’Allemagne n’en avait plus connu depuis la guerre de Trente Ans gagnait tout le Reich. Le mercenaire gouvernait, ses braillements grossiers couvraient les nobles voix des poètes allemands.
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Qui sait son métier peut tout peindre. Mais je n'excelle pas à représenter des saints. Il me serait facile de faire le portrait du diable. Je l'ai vu souvent. Les saints, plus rarement.
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Son muet désespoir animal a disparu. Une colère noire contre lui-même, contre les völkisch le saisit. Il lit les discours démentiels du Führer. Le vieux président du Reich leur a livré le pays en bonne et due forme, ils ont violé cyniquement leurs assurances solennelles et piétiné la loi, ils ont transformé l’ordre et la civilisation en désordre, en arbitraire, en brutalité. L’Allemagne est devenue une maison de fous dont les malades se sont rendus maîtres des surveillants. Le monde s’en aperçoit-il ? Et que fait-il ?
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Je me trouve désormais au seuil de la vieillesse. Mes envies s'amoindrissent comme s'amoindrissent mes colères et mon enthousiasme.J'ai rencontré dieu sous bien des formes ,mais aussi le diable. La joie que me donne Dieu ne s'est pas démentie, mais la peur que j'avais du diable ,en revanche ,à disparu.J'ai dû faire l'expérience que la bêtise et la méchanceté des hommes sont effrénées et aussi profondes que les sept Mers. Mais j'ai aussi eu l'occasion de comprendre que la digue qu' une minorité de Justes et de Sages ont érigée est plus haute et plus résistante avec chaque jour qui passe.( page 338).
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Gustav Oppermann se rendait Gertraudtenstraße pour assister à une réunion dans le bureau du directeur de la maison de meubles. C’est avec une insistance inaccoutumée que Martin l’avait prié cette fois d’y participer à tout prix.
C’était quelques jours après la nomination du Führer au poste de chancelier. Les rues grouillaient de monde. Partout, on voyait les chemises brunes des mercenaires völkisch , la croix gammée völkisch . Bien que conduite avec dextérité et célérité par Schlüter, la voiture de Gustav n’avançait pas très vite.
On était de nouveau arrêtés à un feu rouge. Les Américains, songea Gustav, ont une jolie expression pour cela : “The lights are against me.” Mais il n’eut pas le loisir de laisser vagabonder ses pensées. Les criailleries d’une vieille femme acharnée à proposer des pantins l’en arrachèrent. C’étaient des pantins à l’effigie du Führer. La vieille en agitait un devant sa vitre. Si on lui appuyait sur le ventre, le pantin levait le bras droit, main tendue à plat – un geste que le fascisme italien avait emprunté à la Rome antique et le fascisme allemand au fascisme italien. Caressant le pantin, la vieille criait : “Mon pauvre, mon grand, tu as combattu, tu as souffert, tu as vaincu.”

(INCIPIT - livre deuxième)
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Non-sens et mensonge, voilà ce dont usaient les dirigeants de ce Reich et ce qu'ils encourageaient. Mensonge ce qu'ils disaient et ce qu'ils taisaient. C'est avec le mensonge qu'ils se levaient, avec le mensonge qu'ils se couchaient. Le mensonge était leur ordre, leur loi, leur verdict, leur langue, leur science, leur droit, leur foi. Mensonge leur nationalisme, leur socialisme, mensonge leur éthique et leur amour. Mensonge tout cela, une seule chose était vraie: leur haine.
Le pays gémissait mais il se tenait tranquille et en bon ordre.
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Lorsque Gustav Oppermann s’éveilla ce 16 novembre, jour de son cinquantième anniversaire, le soleil était encore loin de se lever. Il en fut contrarié. Car la journée allait être chargée et il s’était promis de dormir tout son soûl.
De son lit, il distinguait le faîte de quelques arbres dépouillés et un bout d’azur. Le ciel était haut et clair, il n’y avait pas de brouillard, bien que ce soit fréquent en novembre.
Il s’étira de tous ses membres en bâillant. À présent réveillé, il rejeta résolument la couverture du large lit bas, balança ses jambes d’un mouvement souple pour se propulser hors de la tiédeur des draps dans le matin froid, et sortit sur le balcon.
Devant lui, son petit jardin en pente s’étageait sur trois terrasses jusqu’à la forêt, à droite et à gauche s’élevaient des collines boisées, un paysage touffu et vallonné se détachait aussi au-delà du terrain un peu plus loin, caché par les arbres. Une brise fraîche et plaisante montait du petit lac invisible sur la gauche, ainsi que des pins de Grunewald. Dans la paix profonde de l’aube, il savourait à pleins poumons l’air de la forêt. Du lointain lui parvenaient, assourdis, les coups d’une hache ; le son régulier ponctuait agréablement le silence. Comme chaque matin, sa villa enchantait Gustav Oppermann. Qui, transporté ici sans crier gare, penserait n’être qu’à cinq kilomètres de la Gedächtniskirche, au cœur de l’Ouest berlinois ? Vraiment, il a choisi pour domicile le plus beau coin de Berlin. Ici, il dispose de tout le calme de la campagne et pourtant de tous les avantages de la grande ville. Il y a quelques années seulement qu’il a construit et aménagé sa petite maison dans la Max-Reger-Straße, mais il se sent étroitement lié à la villa et à la forêt, chacun des pins est une part de lui-même, il ne fait qu’un avec le petit lac et la route sablonneuse là en bas, heureusement interdite aux voitures.
Il demeura un moment sur le balcon, s’imprégnant de la matinée et du paysage familier sans penser à grand-chose. Puis il se mit à frissonner. Il se réjouit d’avoir encore une petite demi-heure avant sa sortie quotidienne à cheval. Il regagna la tiédeur de son lit.
Mais il ne trouva pas le sommeil. Ce maudit anniversaire. Il aurait été plus malin de quitter Berlin pour échapper à tout ce remue-ménage.

(INCIPIT)
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Chez nous ,en Allemagne,quand quelqu'un vivait confortablement,on disait qu'il vivait : Comme Dieu en France.Cette expression signifiait probablement que Dieu se sentait bien en France ,qu'on y vivait librement et qu'on y laissait vivre les autres ,que l'existence y etait facile et confortable.Mais si Dieu se sentait bien en France ,on pouvait dire également,précisément en vertu de cette conception du monde assez insouciante,que le diable n'y vivait pas mal non plus .Pour qualifier leur indifférence ,dans la vie courante ,les Français utilisaient volontiers l'expression de : je -m-en foutisme. Je ne crois pas que notre malheur soit dû à de mauvaises intentions de leur part,je ne crois pas que le diable auquel nous avons eu affaire en France en 1940 ait ėtė un diable particulièrement pervers qui aurait pris un plaisir sadique à nous persécuter.Je crois plutôt que c'était le diable de la négligence, de l'inadvertance ,du manque de génėrositė, du conformisme,de l'esprit de routine,c'est à dire ce diable que les Français appellent le : je-m-en -foutisme.( page 62)
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Les briques des Milles
Les villes- entrepôts de Pitom et Ramsès n'évoquent pas grand -chose pour moi ,et j'ignore si les exégètes de la bible sont parvenus à savoir ce qu'il en est.
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Je ne crois pas que notre malheur soit dû à de mauvaises intentions de leur part, je ne crois pas que le diable auquel nous avons eu à faire en France en 1940 ait été un diable particulièrement pervers qui aurait pris un plaisir sadique à nous persécuter. Je crois plutôt que c’était le diable de la négligence, de l’inadvertance, du manque de générosité, du conformisme, de l’esprit de routine, c’est-à-dire ce diable que les Français appellent le je-m’en-foutisme.
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