Citations de Jocelyne Saucier (295)
Notre père était pour nous tous un héros, un homme qui, à l’instar de Christophe Colomb et Jacques Cartier, avait mis un nouveau monde au jour.
Je n’ai jamais pu m’habituer au regard qu’elle avait alors, ou plutôt à son absence de regard. Les yeux fixes et agrandis par l’effort, elle attendait la fin de l’épreuve, réfugiée quelque part en elle-même, là où la douleur rejoint l’âme. Une Jeanne d’Arc au bûcher.
Notre mère, malgré la grande fatigue de tous ces enfants qui naissaient les uns après les autres, était présente à chacun de nous. Je le sais, moi qui attendais l’instant sublime où son regard se poserait sur moi, à table quand elle nous servait et faisait le compte de ses enfants, la nuit quand elle allait d’un lit à l’autre et que, ô bonheur des anges, je la sentais se pencher sur mes angoisses de la journée. Je sais qu’aucun recoin de mon âme ne lui était inconnu.
Je viens de me rendre compte que je l’ai appelée maman, un mot qui, s’il s’est glissé dans nos conversations intérieures, n’a traversé les lèvres d’aucun d’entre nous, un mot trop imprégné d’un sentiment d’appropriation pour être prononcé dans une maison comme la nôtre.
nuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuullllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
Nous savions tous les trois ce qu'il importait de savoir.
Il y avait un pacte de mort entre mes p'tits vieux. Je ne dis pas suicide, ils n'aimaient pas le mot. Trop lourd, trop pathétique pour une chose qui, en fin de compte, ne les impressionnait pas tellement. Ce qui leur importait, c'était d'être libres, autant dans la vie qu'à la mort, et ils avaient conclu une entente. (p.39)
« Ils ne laisseraient pas l’autre se dissoudre dans la souffrance et l’indignité en regardant le ciel. » (p. 44)
« La région a plusieurs de ces endroits qui résistent à leur propre usure et qui se plaisent dans cette solitude délabrée. » (p. 16 et 17)
« L’histoire est peu probable, mais puisqu’il y a eu des témoins, il ne faut pas refuser d’y croire. On se priverait de ces ailleurs improbables qui donnent asile à des êtres uniques. » (p. 11)
Nushka était un village de fermiers canadiens-français à une dizaine de kilomètres au nord de Matheson. Il s'appelle maintenant Val Gagné en l'honneur du petit curé de l'endroit, un héros dans la mémoire collective. Vingt-sept ans, sa première cure, aucune expérience en rien, surtout pas en feux de forêt, il a proposé à ses ouailles, quand tout semblait perdu, de se réfugier au fond d'un corridor de glaise percé dans une colline pour y faire passer le chemin de fer. Le calcul n'était pas si mauvais. Le corridor était profondément encaissé dans la colline, les talus escarpés, glaiseux,
dépourvus de végétation, on pouvait espérer y être à l'abri des flammes. Mais le petit curé ne connaissait rien à la mécanique du feu. Les flammes sont effectivement passées au-dessus du corridor de glaise mais ont aspiré tout l'oxygène qui s'y trouvait. Cinquante-sept personnes sont mortes asphyxiées.
Personne ne résiste à l'idée d'être au centre de l'attention de quelqu'un d'autre.
J'aime les histoires, j'aime qu'on me raconte une vie depuis ses débuts, toutes les circonvolutions et tous les soubresauts dans les profondeurs du temps qui font qu'une personne se retrouve soixante ans, quatre-vingts ans plus tard avec ce regard, ces mains, cette façon de vous dire que la vie a été bonne ou mauvaise.
On n'arrive pas chez des gens qui ont près d'un siècle derrière eux avec un boniment de dernière minute. Il faut du doigté, de l'habileté, mais pas trop, les vieillards s'y connaissent dans l'art de la conversation, ils n'ont que ça dans les dernières années de leur vie, des propos trop astiqués incitent à la méfiance.
Comment peut-on dériver hors de soi et trouver la part cachée qui nous manquait?
(XYZ, p.17)
"Les yeux, c'est ce qu'il y a de plus important chez les vieillards. La chair s'est détachée, affaissée, amassée en noeuds crevassées autour de la bouche, des yeux, du nez,des oreilles, c'est un visage dévasté, illisible. On ne peut rien savoir d'un vieillard si on ne va pas à ses yeux, ce sont eux qui détiennent l'histoire de sa vie." p.79
Qu’il ait eu l’instinct de rester immergé pendant la tempête de feu, passe encore, mais qu’il soit demeuré toute une nuit sans paniquer parmi les fantômes du brasier, c’était inimaginable. Le feu laisse derrière lui des soupirs dans la terre, des arbres qui explosent lentement, des restes calcinés qui bruissent et qui sifflent. Comment un enfant peut-il attendre qu’on vienne lui porter secours quand tout autour il y a des monstres qui agitent la nuit ?
"C'est le premier geste qui compte, le reste va se faire tout seul."
"Cette enfant a baigné dans mes larmes."
" [...] et j'ai compris le plaisir qu'on pouvait y prendre. C'est très zen ; le bruit est tellement puissant qu'il anéantit tout ce qui papillonne dans notre tête. On n'appartient plus à l'ordre de la pensée quand un train passe. Il nous transporte là où on ne pas, en un autre temps."
"Quand on a connu le bonheur, il est impossible de croire qu'il n'est plus possible."