Jeff Rediger

Les cas de rémission spontanée ne sont pas rares, mais nous vivons dans la peur d’être jugés et nous nous empêchons d’évaluer l’ampleur du phénomène. Combien de cas n’ont jamais été publiés dans les revues médicales, autocensurés par la seule crainte du ridicule ? En tant que nouveau directeur médical à l’hôpital McLean, l’une des institutions psychiatriques américaines les plus vieilles et les plus respectées, je connaissais bien cette peur. J’hésitais à publier mes observations ou même à chercher du soutien auprès de mes pairs. Pourtant, chaque jour, je voyais comment des cas de rémission spontanée pouvaient concorder avec les problèmes que mes patients affrontaient, dans le contexte d’une consultation en médecine physique comme en psychiatrie ou aux urgences. Chaque jour, je recevais des patients avec les maladies les plus courantes et les plus mortelles : cancer, diabète, problèmes cardiaques, pulmonaires ou auto-immunes, le top cinq des assassins les plus performants du monde occidental.

En médecine, nous avons besoin d’espoir. Heureusement pour nous, il y en a déjà. Notamment dans les histoires des survivants de maladie incurable. Mais aussi chez les médecins, les infirmières, les chirurgiens qui pratiquent déjà une médecine de l’espoir alors même que c’est très compliqué, aujourd’hui, dans un système biaisé qui accorde une trop grande place à la maladie et à des traitements de type remède magique, au lieu de faire fructifier la santé en reprenant tout à zéro. L’espoir réside aussi dans les études scientifiques. Il y avance masqué par les moyennes, mais il y est malgré tout. Il suffit de chercher les résultats à la marge, les points au bord des graphiques et non au centre, de ne pas se laisser aveugler par les moyennes. Ils sont là et il y en a davantage que vous ne pensez. Vous avez le droit de croire que vous pouvez être l’un d’eux, si c’est ce que vous voulez. Et de pousser votre entourage médical à vous aider pour que vous le deveniez.

Vous pouvez apprendre à rétrograder en mode parasympathique en gérant ou éliminant votre stress, ou en changeant votre façon de le percevoir. Une fois que vous y êtes, le mode parasympathique a besoin de carburant pour rester actif. Si votre réservoir est vide, vous sortirez de ce mode guérisseur dès que vous vous lèverez de votre exercice de relaxation. Comment l’alimenter en permanence ? Avec de l’amour et du lien.
Vous avez du mal à y croire ? Au début, moi aussi, j’ai pensé que c’était farfelu. Et trop simple. D’une certaine façon, c’est effectivement simple. Depuis plusieurs années, les chercheurs accumulent les preuves : la connexion aux autres et l’amour, celui que l’on porte à la fois à autrui et à soi-même, préservent notre santé. À l’inverse, l’absence de ces relations et connexions crée un terrain propice au dérèglement du système immunitaire.

Le nerf vague fait passer l’information dans les deux sens, du corps au cerveau et du cerveau au corps, un peu comme le système nutritif d’un arbre. Si votre corps était un arbre, alors le nerf vague serait à la fois votre xylème et votre phloème, ces fibres au cœur de l’arbre qui transportent l’eau du sol jusqu’aux feuilles et les nutriments dans l’autre sens, à l’intérieur du tronc. Votre nerf vague agit de la même manière que ces fibres, mais avec de l’information. Vous souvenez-vous de ces vieux systèmes de tubes pneumatiques que les banques utilisaient, il y a longtemps, pour réceptionner vos dépôts d’argent ? Vous déposiez votre enveloppe dans une petite boîte et pfuitt, elle partait dans le tube. C’est ce qui se passe dans le nerf vague, dans les deux sens, entre le corps et le cerveau, des millions de fois par jour.

Qu’est-ce qui pilote la libération de ce médicament d’amour en nous ? Le nerf vague, partie du système nerveux autonome. Vagus, en latin, veut dire vagabond. Comme son nom l’indique, le nerf vague circule partout dans le corps. Il sort du tronc cérébral à la base du crâne, dans les profondeurs du cou, où il court le long de la carotide. Si vous appuyez vos doigts sur votre carotide pour prendre votre pouls, vous êtes au plus proche de votre nerf vague. De cet endroit, sous vos doigts, il rejoint votre cœur et de nombreux autres organes, régulant votre rythme cardiaque et des douzaines d’autres fonctions vitales. Le nerf vague établit une ligne de communication entre le cerveau et les organes, jusqu’à l’intestin. Telle une ligne à haute tension bourdonnante d’électricité, il connecte votre cerveau avec le reste du corps.

« Spontanée » veut dire « sans cause ». Mais la vérité est que nous ne cherchons pratiquement jamais de cause à ces guérisons. Dans l’histoire de la médecine, il est extrêmement rare qu’aient été déployés les outils rigoureux de la science pour enquêter sur les guérisons extraordinaires de maladies incurables. Le bon sens voudrait que ce soit ces cas-là que nous étudiions avant tout autre : ces personnes pourraient avoir trouvé par hasard des chemins vers la guérison. Pourquoi passer à côté de pistes si prometteuses ? Et pourtant, l’étude des rémissions spontanées est un terrain pratiquement vierge. Nous classons les patients comme Claire en tant que « coups de bol » ou « aberrations » et nous acceptons une histoire toute faite : ce sont des cas inexplicables.

De plus en plus de voix s’élèvent aujourd’hui pour pointer des liens statistiquement significatifs entre ces cinq groupes de maladies et le mode de vie des personnes qui en souffrent. Les personnes ayant spectaculairement guéri de maladies mortelles ont changé leur mode de vie. Je présente leurs stratégies tout au long du livre. Si mes patients essayaient la moitié seulement de ces stratégies, ils amélioreraient significativement leur santé. Et si tout le monde, et pas seulement les gens qui souffrent, adoptait ces stratégies, alors tout le monde irait spectaculairement mieux. Mais le dogme nous prend en tenailles. Il est difficile de nous en débarrasser.

Quatre-vingts pour cent du nerf vague sert à apporter de l’information corporelle vers le cerveau. Les autres vingt pour cent envoient de l’information dans l’autre sens. Ce nerf collecte une grande quantité d’informations sensorielles pour le cerveau, où les décisions sont prises, puis distribuées au reste du corps. C’est un système rapide, à flux constant, qui permet aux organes de s’ajuster en permanence. Il régule rythme cardiaque, respiration, digestion, système endocrinien (le réseau de glandes qui sécrètent des hormones) et système immunitaire.

Qu’est-ce que l’amour ? De bien des façons essentielles, ce n’est pas ce que nous croyons. Il ne s’agit pas d’un état continu, sans fin, dans lequel on entre en tombant amoureux. En tout cas, ce n’est pas que ça. D’après Fredrickson, l’amour est une série de « micro-moments de résonance positive » dont nous faisons l’expérience encore et encore, au fil de la vie.