Citations de Henri Poincaré (60)
Le jugement sur lequel repose le raisonnement par récurrence peut être mis sous d’autres formes ; on peut dire par exemple que dans une collection infinie de nombres entiers différents, il y en a toujours un qui est plus petit que tous les autres.
Tout ce qui n'est pas pensée est le pur néant; puisque nous ne pouvons penser que la pensée et que tous les mots dont nous disposons pour parler des choses ne peuvent exprimer que des pensées ; dire qu'il y a autre chose que la pensée, c'est donc une affirmation qui ne peut avoir de sens. Et cependant — étrange contradiction pour ceux qui croient au temps — l'histoire géologique nous montre que la vie n'est qu'un court épisode entre deux éternités de mort, et que, dans cet épisode même, la pensée consciente n'a duré et ne durera qu'un moment. La pensée n'est qu'un éclair au milieu d'une longue nuit. Mais c'est cet éclair qui est tout.
Les mathématiques peuvent comme les autres sciences procéder du particulier au général
Les mathématiciens s'efforcent toujours de généraliser les propositions qu'ils ont obtenues
...les traités de mécanique ne distinguent pas bien nettement ce qui est expérience, ce qui est raisonnement mathématique, ce qui est convention, ce qui est hypothèse.
Ce n'est pas tout:
1°) Il n'y a pas d'espace absolu et nous ne concevons que des mouvements relatifs;cependant on énonce le plus souvent les faits mécaniques comme s'il y avait un espace absolu auquel on pourrait les rapporter;
2°) Il n'y a pas de temps absolu; dire que deux durées sont égales, c'est une assertion qui n'a par elle-même aucun sens et qui n'en peut acquérir un que par convention;
3°) Non seulement nous n'avons pas l'intuition directe de l'égalité de deux durées, mais nous n'avons même pas celle de la simultanéité des deux événements qui se produisent sur des théâtres différents ;
4°) Enfin notre géométrie euclidienne n'est elle-même qu'une sorte de convention de langage; nous pouvons énoncé des faits mécaniques en les rapportant à un espace non euclidien qui serait un repère moins commode, mais tout aussi légitime que notre espace ordinaire; l'énoncé deviendrait ainsi beaucoup plus compliqué; mais il serait possible.
Ainsi l'espace absolu, le temps absolu, la géométrie même ne sont pas des conditions qui s'imposent à la mécanique.
Les mathématiques peuvent donc comme les autres sciences procéder du particulier au général.
… l'histoire géologique nous montre que la vie n'est qu'un court épisode entre deux éternités de mort, et que, dans cet épisode même, la pensée consciente n'a duré et ne durera qu'un moment.
La pensée n'est qu'un éclair au milieu d'une longue nuit, mais c'est cet éclair qui est tout.
Quand je parle ici de la vérité, sans doute je veux parler d’abord de la vérité scientifique ; mais je veux parler aussi de la vérité morale, dont ce qu’on appelle la justice n’est qu’un des aspects. Il semble que j’abuse des mots, que je réunis ainsi sous un même nom deux objets qui n’ont rien de commun ; que la vérité scientifique qui se démontre ne peut, à aucun titre, se rapprocher de la vérité morale qui se sent.
La recherche de la vérité doit être le but de notre activité ; c’est la seule fin qui soit digne d’elle. Sans doute nous devons d’abord nous efforcer de soulager les souffrances humaines, mais pourquoi ? Ne pas souffrir, c’est un idéal négatif et qui serait plus sûre ment atteint par l’anéantissement du monde. Si nous voulons de plus en plus affranchir l’homme des soucis matériels, c’est pour qu’il puisse employer sa liberté reconquise à l’étude et à la contemplation de la vérité.
Tolstoï explique quelque part pourquoi « la Science pour la Science » est à ses yeux une conception absurde. Nous ne pouvons connaître tous les faits, puisque leur nombre est pratiquement infini. Il faut choisir ; dès lors, pouvons-nous régler ce choix sur le simple caprice de notre curiosité ; ne vaut-il pas mieux nous laisser guider par l’utilité, par nos besoins pratiques et surtout moraux ; n’avons-nous pas mieux à faire que de compter le nombre des coccinelles qui existent sur notre planète ?
Il est clair que le mot utilité n’a pas pour lui le sens que lui attribuent les hommes d’affaires, et derrière eux la plupart de nos contemporains. Il se soucie peu des applications de l’industrie, des merveilles de l’électricité ou de l’automobilisme qu’il regarde plutôt comme des obstacles au progrès moral ; l’utile, c’est uniquement ce qui peut rendre l’homme meilleur.
Quelqu'un qui y consacrerait son existence pourrait peut-être arriver à se représenter la quatrième dimension.
Je joue avec un monsieur que je ne connais pas ; il a donné dix fois et il a tourné six fois le roi ; quelle est la probabilité que ce soit un grec ?
Quant à moi, je suis obligé de l'avouer, je suis absolument incapable de faire une addition sans faute.
Comment se fait-il qu'il y ait des gens qui ne comprennent pas les mathématiques ? Si les mathématiques n'invoquaient que les règles de la logique, celle qui sont acceptées par tous les esprits bien faits ; si leur évidence est fondée sur des principes qui sont communs à tous les hommes et que nul ne saurait nier sans être fou, comment se fait-il qu'il y ait tant de personnes qui y soient totalement réfractaires ?
Inventer, c'est discerner, c'est choisir.
Si donc la langue des trois dimensions est celle qui nous permet le plus facilement de décrire notre monde, nous ne devons pas nous en étonner ; cette langue est calquée sur notre tableau de distribution ; et c'est afin de pouvoir vivre dans ce monde que ce tableau a été établi.
Supposons que, dans une nuit, toutes les dimensions de l'univers devenaient mille fois plus grandes [...] Quand je me réveillerai, le lendemain matin, quel sentiment éporouverai-je en présence d'une si étonnante transformation ? Eh bien, je ne m'apercevrai de rien du tout. [...] En réalité, il vaudrait mieux dire que l'espace étant relatf, il ne s'est rien passé du tout et que c'est pour ça que nous ne nous sommes aperçus de rien.
L'ancienne Logistique est morte, si bien que la zigzag theory et la no classe theory se disputent déjà sa succession. Pour juger la nouvelle, nous attendrons qu'elle existe.
Le savant n'étudie pas la nature parce qu'elle est utile ; il l'étudie parce qu'il y prend plaisir et il y prend plaisir parce qu'elle est belle. Si la nature n'était pas belle, elle ne vaudrait pas la peine d'être connue, la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. Je ne parle pas ici, bien entendu, de cette beauté qui frappe les sens, de la beauté des qualités et des apparences ; non que j'en fasse fi, loin de là, mais elle n'a rien à faire avec la science ; je veux parler de cette beauté plus intime qui vient de l'ordre harmonieux des parties, et qu'une intelligence pure peut saisir.
Peu nous importe que l'éther existe réellement, c'est l'affaire des métaphysiciens ; l'essentiel pour nous c'est que tout se passe comme s'il existait et que cette hypothèse est commode pour l'explication es phénomènes. Après tout, avons-nous d'autre raison de croire à l'existence des objets matériels ? Ce n'est là aussi qu'une hypothèse commode ; seulement elle ne cessera jamais de l'être, tandis qu'un jour viendra sans doute où l'éther sera rejeté comme inutile.