Citations de Frédéric Mars (162)
Sur l'écran du salon, le journal continu de BFMTV creusait jusqu'à la nausée ce qui, en quelques heures seulement, était devenu le "scandale Bako Jackson".
A les entendre, il s'agissait presque d'une affaire d'Etat. Les habituels chroniqueurs politiques parlaient au mieux d'un mensonge par omission gravissime, au pire d'un motif pur et simple de démission. Etrangement aucun ne parut surpris de la coincidence malheureuse - opportune pour les adversaires de Jackson - entre l'annonce de sa candidature et la révélation de cette affaire. Sans doute avaient-ils été briefés avant leur entrée en plateau, afin que personne derrière son écran ne soupçonne Fabienne Muller et BFMTV de collusion avec les ennemis du président.
Là je suis à quatorze heures... À ton avis, à quelle heure il faut que j'arrive pour te les arracher ? Seize ? Dix-sept ? Un tour complet ?
Je SUIS un consommateur, je ne peux y échapper, pas plus que vous.
Tout ce que je veux, c'est ne plus être un Playmobil aux prises avec le marketing, cet "instrument du contrôle social" comme disait Deleuze.
Je veux être capable de définir ce que sont mes désirs à MOI, en dehors de ceux que les objets de consommation cherchent à me mettre de force en tête, comme autant de dealers de bonheur artificiel et éphémère.
(extrait du prologue)
D'une manière générale, je déteste les surprises. C'est comme les cadeaux de Noël, ça fait beaucoup plus plaisir à celui qui les fait qu'à celui qui les reçoit.
Je peux le dire sans trop de forfanterie, lecteur, si un jour tu le tiens dans tes mains, ce roman tu vas le dévorer, te l'arracher à toi-même, t'en faire des insomnies et t'y brûler les yeux.
Mon livre, c'est le grand consensus, la grande réconciliation. Que tu lises d'ordinaire du Lévy naze ou du Levinas, ou les deux, tu en auras pour ton compte. Crois-moi. Mon livre réconciliait l'inconciliable, juifs et musulmans l'adoraient. De Gaza à Tel Aviv on n'avait jamais rien lu d'aussi juste sur la guerre, sur la paix, sur la vie, merde, quoi. Mon livre faisait rire en cœur le pédé et le curé, se gondoler la pute et vibrer les cardinaux dans un dernier spasme parkinsonien. On a vu des matons le refiler avec un sourire ému aux détenus enragés.
Pas un chef d'état du dernier G8 qui n'aura eu son exemplaire, offert par José Bové, avec ses compliments.
L'effet dépend toujours de celui qui lit. Je crois que le lecteur apporte au moins 50 % de ce qu'il y a dans le texte. A moi, en tant qu'auteur, de savoir trouver des lecteurs talentueux.
Tuer est l'acte fondateur dans lequel chacun révèle à lui-même son propre pouvoir.
Ira-t-on bientôt jusqu'à demander des comptes aux romanciers pour les victimes qu'ils ont sacrifiées sur le papier ?
Quand tout vous échappe, se raccrocher à des dates apparaît comme un ancrage rassurant. Un port abrité, comme il en existe encore dans certaines îles de la baie de Boston, où vos pensées peuvent mouiller en toute quiétude. Rien ne peut venir contredire la vérité qu'énonce un calendrier. C'est un havre sûr.
Pas de larmes. Pas de grimace. Pas de mâchoire qui se contracte. Tout son drame se jouait à l'intérieur, à huis clos. Défense d'entrer dans mon malheur.
" L'essentiel, c'est de se tenir à bonne distance."En toutes choses. Juste la bonne distance. C'est ce que se répète tous les matins John Atwood, en quittant son appartement de la 16e Rue Est
Ainsi en allait il d'un pays aussi métissé : contradictoire, aveugle quand ça l'arrangeait, et si volontier volatile.
81 % des américains estimaient que le 11 septembre était l'événement le plus marquant de leur existence. La plupart d'entre eux assimilaient ce drame à l'islam, à tort, cela va sans dire.
Et pourtant c' est un musulmane que leur vote populaire et souverain avait élu miss America en 2010.
p. 468
Potée de famille ch'ti et son chutney "inzeste de citron".
1. Pour votre édification culturelle , sachez qu'on appelle aussi cette recette la potée lilloise, ou la Rassacache du Ch'ti. C'est un plat typique des mineurs du Nord.
2. Bon, c'est bien joli la culture, mais comment se procurer une famille ch'ti au complet : pa, man et leur tchiote ? Deux options pour ce faire. L'option "jour" consistera à les recruter sur un parking d'hypermarché un après-midi de semaine, quand ils sont les seuls ou presque à faire leurs courses (il faut bien que ça serve à quelque chose, le chômage de longue durée et l'absentéisme scolaire). Quant à l'option "nuit", elle se jouera plutôt à la sortie d'un bar, le vendredi soir autour de 22h.
3. Attention, le Ch'ti est pauvre. Le Ch'ti se nourrit mal. La viande de Ch'ti est donc d'une qualité assez médiocre...
p. 94
Personne ne choisit son enfance. Personne ne maîtrise ce qui lui arrive durant les premières années de sa vie sur Terre. L'autodétermination vient plus tard.
Depuis toujours je fais ça : je me pose à moi les questions que je devrais adresser aux autres.
C'était tout le génie criminel de ce gigantesque complot : retourner l'Amérique contre elle-même ; la contraindre à se couper un membre pour éviter que la gangrène du terrorisme et de la peur ne la gagne tout entière.
p. 278
Dix minutes après mon coup de fil, elle entre avec une boîte en carton, de celles qui servent à transporter des gâteaux. A l'intérieur, quatre cupcakes dont je crois identifier le parfum dès le premier coup d’œil, Ils viennent probablement de ce petit camion qui s'installe d'habitude à la porte nord du Yard, juste en face du pavillon des sciences. quatre dollars la portion, si mon souvenir est bon.
- Boston Cream, non ?
- Boston Cream, approuve t-elle.
Une concentration unique de sucre et de graisses saturées, sous la forme du plus crémeux des gâteaux. La mort de la ligne, l’Épiphanie du gourmand. dans tous les cas, le meilleur remède antidéprime en circulation libre sur le campus. Durant quelques instants, nous croquons nos délices dans un silence religieux, submergés par l'onctuosité qui tapisse nos papilles.
Tous ne pensaient pas à la même chose, bien sûr. C'est à cela que sert une minute de silence : laisser les esprits vagabonder, que chacun puisse purger son angoisse, ses remords et, plus que tout sa mémoire
Dans deux ou trois heures tout au plus, ce garçon sera mort.
Raide comme une batte. Vidé ou presque de son sang, écrasé comme un insecte sur le carrelage immaculé de la cuisine familiale. Petit cafard renvoyé au paradis des insectes. Sa mère glapira de détresse. Le chien aboiera son effroi. On appellera le médecin, les voisins, et bien tôt les flics. Mais tout ce beau monde sera aussi impuissant que vous et moi. Un enfant de dix ans aura quitté le monde. D'un coup de vent. Pfut.
La meilleure défense, c'est l'attaque. Et la première attaque se doit d'être forte, puissante, si elle veut couper court à toute riposte.