Langage et transparence en histoire.
L’intervention des hommes de culture (artistes, écrivains ou savants) dans les affrontements et débats publics en Europe remonte à loin. On privilégie le XVIIIe siècle et le mouvement des Lumières pour caractériser un engagement patent des hommes de lettres dans la vie publique. Le XIXe siècle prolonge cette tendance de manière décisive avec la Révolution française, formidable caisse de résonance donnée aux débats politiques et culturels. D’un côté, le journalisme politique est en plein essor (250 titres fin 1789) et contribue à la nouvelle « électricité sociale » (Chateaubriand) ; de l’autre le monde savant dispose d’un crédit exceptionnel et se trouve associé de près à la conduite des affaires publiques.
Évidemment, tous les signataires de tribunes, de blogs ne sont pas égaux en notoriété, une hiérarchie de ces intervenants publics est à l’œuvre, là comme ailleurs. Dans ce type d’intervention pourtant, une rupture s’est produite avec le modèle sartrien, Sartre définissant l’intellectuel comme « celui qui se mêle de ce qui ne le regarde pas » : à rebours de cette position, les professions savantes aujourd’hui souhaitent intervenir de façon limitée dans leurs univers de compétence. Dans un monde privé de conception unique, de centres de pouvoir bien identifiés, le travail intellectuel d’analyse se fait plus modeste.
« Siècle d’Hugo », « siècle de Sartre » : les deux cents ans qui se sont écoulés de 1800 à 2000 sont souvent ramenés à l’échelle de ces deux monstres de la vie intellectuelle. L’un et l’autre résument beaucoup des spécificités de la France dans l’ordre culturel et politique. À la fois pour le culte traditionnel rendu aux lettres depuis le XVIIe siècle et parce que l’écrivain se prévaut du droit à intervenir dans la cité depuis le XVIIIe siècle, l’aura de l’écrivain, souvent mâtiné de philosophe, a acquis avec le temps une consistance exceptionnelle en France. C’est là en effet le paradoxe français d’une civilisation raffinée, fascinée par le culte du bien-dire, mais qui a élevé le rôle aristocratique de l’écrivain, guide du peuple, au rang de mythe politique démocratique. Pourtant, derrière Hugo, Flaubert ou Sartre, ne faudrait-il pas aussi parler du « siècle de Michel Lévy » ou du « siècle de Gaston Gallimard », et reconnaître ainsi le rôle-clé de ceux qui habillèrent et lancèrent dans le monde Madame Bovary (1857) ou L’Être et le Néant (1942), ces hommes qui transforment un texte manuscrit en livre consommable pour le public ?
Par-delà les différences de ton entre les deux siècles (ouverture et questionnements du XIXe siècle et réponses et mise en forme du XXe siècle), s’il est une basse continue qui a rythmé la vie intellectuelle française sur cette période, c’est la voix de la littérature qui nous la fait entendre. Elle fut cet agent incomparable de synthèse de la diversité idéologique et morale, infusée profondément dans un pays volcanique travaillé par mille contradictions.
La mondialisation-globalisation se prête depuis trente ans à des interprétations passionnées. Et depuis le 11 septembre 2001, l'opposition entre visons du monde concurrentes s'est exacerbée.Il ne s'agit pas de se demander si la mondialisation est bonne ou mauvaise, mais de s'interroger pour savoir comment elle est comprise, appliquée par les êtres humains.
Là, entre 1880 et 1960, les meilleurs – quasiment – de leur génération, souvent issus de milieux assez modestes (en 1930, un khâgneux sur cinq a un père maître d’école) se frottèrent aux exercices répétés du plan, de la dissertation savamment composée, avec sa guirlande de belles citations et ses tours de style consommés.