David Patsouris -
Cognac blues .
A l'occasion du "
Festival Polar en cabanes" qui s'est déroulé du 26 au 27 septembre 2015, rencontre avec
David Patsouris autour de son ouvrage "
Cognac blues" aux éditions du Rouergue. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/patsouris-david-
cognac-blues-9782812604676.html Notes de Musique : © Mollat www.mollat.com Retrouvez la librairie Mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat You Tube : https://www.youtube.com/user/LibrairieMollat Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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Je préfère les dunes aux immeubles, les pins aux poteaux EDF, les sangliers aux touristes.
Il y a longtemps, dans les années après-guerre, Royan fut une belle et fière capitale du grand banditisme, une ville ouverte comme on disait où le interdits de séjour pouvaient venir et s'installer sous les yeux du SAC, le service d'ordre gaulliste. Les boites de nuit craquaient comme des allumettes, les casinos débordaient de cash et les restaurants sautaient régulièrement.
Il avait trente-cinq ou quarante ans, un cuir noir, le crâne nu, un de ces tatouages maoris à la con sur le cou et une chemise ouverte sur une Amazonie de poils bruns. Dans ce bar ou s'échouaient pas mal d'épaves, il se prenait un peu pour le roi du monde...
Je reste et je m'emmerde.
Je reste et je gamberge.
Je reste et je me hais.
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Et maintenant, je me tire.
Royan n'a pas changé. Royan reste Royan, avec ses immeubles à retraités, ses ronds-points fleuris qui plaisent tant aux retraités, sa plage réensablée chaque année pour le plus grand bonheur des retraités, ses innombrables pharmacies à retraités, ses magasins de déco qui occupent tant les retraités, ses banques où les retraités mettent leur pognon, ses hypermarchés où traînent les retraités, ses restos typiques, standardisés et si chers pour piquer le maximum de blé aux retraités et ses maisons de la presse où les retraités viennent acheter leur journal de retraité. Non, Royan n'a pas changé : une ville de retraités bouffée par la promotion immobilière et l'allongement de la durée de la vie.
On ne peut pas rester vacanciers toute sa vie. Les vacances éternelles existent : ça s’appelle la mort.
La solitude me fut ici bonne compagne, fidèle et arrangeante. Elle ne me demandait rien, aucune justification. Elle marchait avec moi, buvait avec moi, surfait avec moi, dormait avec moi, elle dialoguait même avec moi au besoin, me posant des questions innocentes qui ne nécessitaient même pas de réponse. On s’entendait bien en plongeant tous les deux vers le fond.
Je sautais à pieds joints de trou noir en trou noir, de valise plombée en valise plombée, les yeux fermés, sans rien faire, somnambulique et imbibé.
Tuer ne fait rien, ou alors, si l’on y réfléchit un peu, pas grand-chose.
Le problème, c’est après. Une fois l’acte digéré par tes neurones. Là oui. Là, ça gangrène. Alors oui Gail, oui, ils reviennent les morts.
Je les sens autour de moi.
Ils rôdent. Ils me respirent. Ils sont si vivants. La nuit surtout, quand il y a du noir et du silence, quand le monde s’arrête.
La ville est bouclée. Des dizaines de tracteurs stationnent à chaque carrefour et bloquent toute la circulation. Plus personne ne peut ni entrer ni sortir. Quatre jours que ça dure. Les viticulteurs réclament des aides pour se dégager de la crise qui secoue les Cognaçais depuis maintenant quelques années. Comme leurs chefs le leur ont demandé, ils gueulent contre l’Etat. Il faut bien qu’ils gueulent, qu’ils vomissent autre chose que la fatalité. Qu’ils continuent, personne ne les gênera. Et ils ne gêneront pas grand monde… (….)
Pauvres connards de Cognaçais qui ne comprennent plus rien à ce qui se passe chez eux, qui ne comprennent pas que les dollars du cognac n’inondent plus leurs poches mais celles des actionnaires des énormes multinationales qui ont racheté les grandes maisons de négoce, qui ne comprennent plus que les profits du cognac ne ruissellent plus dans les moindres recoins de leur ville,…
Voilà un raccourci pour expliquer ce qu’est la vie : y en a qui passent et d’autres qui ne passeront jamais. C’est comme ça. La vie quoi… Faut simplement être du côté des passeurs. Question d’arrangement, de compétences, de naissance ou de fric.