Citations de Claire Keegan (309)
« Sais-tu pour quoi les femmes ont un don ? Les éventualités. Une vraie femme regarde loin dans l’avenir et devine ce qui arrive avant qu’un homme flaire quoi que ce soit »
C’est toujours les gens mariés qui pleurent aux noces. Ils connaissent la différence entre les serments et la vie. L'AMOUR SOUS L'HERBE HAUTE
Elle m'emmène dans la maison. Il y a un moment très sombre dans le couloir ; alors que j'hésite, elle hésite avec moi. Puis nous passons dans la chaleur de la cuisine où il faut que je m'assoie, que je me mette à l'aise. Sous l'odeur de pâtisserie, un désinfectant, un produit javellisé pointe. Elle retire du four une tarte à la rhubarbe qu'elle pose sur le plan de travail pour la laisser tiédir : du sirop bouillonnant prêt à déborder, de fines feuilles de pâte sculptées dans la croûte. Un courant frais souffle par la porte mais ici tout est chaud, tranquille et propre. De grandes marguerites sont immobiles comme le grand verre d'eau dans lequel elles se dressent. Il n'y a de trace d'enfant nulle part.
Pourquoi les choses les plus proches étaient-elles souvent les plus difficiles à voir ?
Ce n'est pas mes affaires, vous comprenez, mais vous savez que vous devriez surveiller ce que vous dites sur ce qui s'y trouve. Gardez le chien méchant près de vous et le gentil ne mordra pas. Vous savez ça.
[...] Oh, lourde est la tête qui porte la couronne.
Dès qu'il la prend, je me rends compte que mon père ne m'a absolument jamais tenu la main, et une partie de moi voudrait que Kinsella me lâche pour que je n'aie pas à éprouver cette sensation.
Tu n'es pas toujours obligée de dire quelque chose, reprend-il. Pense que la parole n'est pas une nécessité en aucune circonstance. Nombre de gens ont beaucoup perdu pour la seule raison qu'ils ont manqué une belle occasion de se taire.
Là où il y a un secret, dit-elle, il y a de la honte, et nous n'avons pas besoin de honte.
Tu n'es pas toujours obligée de dire quelques chose, reprend-il. Pense que la parole n'est une nécessité en aucune circonstance. Nombre de gens ont beaucoup perdu pour la seule raison qu'ils ont manqué une belle occasion de se taire.
Il pensa à Mrs Wilson, à ses bontés quotidiennes, à la manière dont elle l’avait repris et encouragé, aux petites choses qu’elle avait dites et faites et avait refusé de faire et de dire et à ce qu’elle avait dû savoir, aux choses qui, quand on les totalisait, représentaient une vie. Sans Mrs Wilson, sa mère aurait très bien pu échouer dans ce lieu. À une époque plus ancienne, ç’aurait pu être sa propre mère qu’il sauvait – si sauver était un mot adéquat. Et Dieu seul savait quel sort il aurait connu et où il aurait pu finir.
Alors qu’ils continuaient d’avancer et rencontraient d’autres gens connus ou inconnus de Furlong, il en vint à se demander à quoi bon être en vie si l’on ne s’entraidait pas. Était-ce possible de continuer durant toutes les années, les décennies, durant une vie entière, sans avoir une seule fois le courage de s’opposer aux usages établis et pourtant se qualifier de chrétien, et se regarder en face dans le miroir ?
"L'amour dans l'herbe haute"
Lorsque le médecin est arrivé, elle lui a pris la main et l'a emmené dans le verger. Elle s'est allongée sur l'herbe mouillée.
"J'ai trente ans, a-t-elle dit.
- Tu vas attraper froid.
- Je m'en moque.
- Tu es ivre ?
- Quelle importance ? " a-t-elle répondu, et elle a déboutonné sa robe.
Ils ont perdu la notion du temps. Lorsque le médecin a consulté sa montre, il a approché le cadran très près de son visage, puis il est rentré chez lui à toute vitesse, en laissant des traces de dérapage dans l'allée de Cordelia.
Le coffre était aussi long que moi et moitié moins haut, à couvercle raide et sans poignées. Je l'ouvrais et regardais ces objets, palpais les livres au dos brisé, les couvertures manquantes. C'était le passé; le passé se trouvait là. Je croyais que si je réussissais à en comprendre le contenu, ma vie aurait davantage de sens. Mais ce n'est jamais arrivé.
(Orages)
Une vraie femme regarde loin dans l'avenir et devine ce qui arrive avant qu'un homme flaire quoi que ce soit.
Pense que la parole n'est une nécessité en aucune circonstance. Nombre de gens ont beaucoup perdu pour la seule raison qu'ils ont manqué une belle occasion de se taire.
Mardi, lorsqu’il rentre chez lui, le break est garé dans l’allée. Sa femme est dans la chambre de la fillette. Il l’entend la-bas. Elle a remonté le mécanisme du coffret à bijou de l’enfant. Il sait qu’elle est assise là-bas sur le lit de la fillette, qu’elle regarde la petite ballerine en plastique tourner sur son ressort, qu’elle se tourmente. Il entrebâille la porte et glisse un coup d’oeil à l’intérieur. Sa femme le transperce, le dépasse du regard, comme si elle voulait distinguer derrière lui une image dont il la prive. Il est devenu le mari invisible.
« Hé, ho » dit-il.
Il s’approche, s’assoit sur le lit et lui pose une main sur la cuisse. Elle rejette cette main à la façon dont elle chasserait un serpent de ses genoux, attrape le coffret à bijoux et quitte la chambre. Lorsque Franck se dirige vers le salon, il la voit assise dans la galerie, entend la musique, qui ralentit à mesure que le ressort se détend. Ce soir, il ne soucie pas de dîner. Il prend une bouteille de Scotch dans le placard des alcools et l’emporte dans sa chambre avec le journal. Il lit les manchettes, la page des sports et le carnet de deuil, puis va dans la salle de bains et s’assoit sur le siège des toilettes. Lorsqu’il lève les yeux, il voit, accroché au mur, un agrandissement de sa fille qui n’était pas ici la veille. C’est une photo d’elle en porteuse de fleurs au mariage de la belle-soeur de Franck. Elle a une robe en satin rose longue jusqu’aux pieds, leur extrémité pointe à peine sous le bas du tissu. Elle tient un bouquet de roses blanches entourées de gypsophiles. Franck Corso assis là sur les toilettes cache son visage dans ses mains et pleure.
Quand elle était petite, on lui avait dit que chacun avait sa propre vision de l’enfer, le pire des scénarios possibles pour soi. « Je pensais toujours que l’enfer serait atrocement froid, un lieu ou l’on resterait à moitié gelé mais sans perdre complètement connaissance et ou l’on ne ressentirait jamais vraiment quoi que ce soit, a-t-elle dit. Il n’y aurait rien, juste un soleil glacial et le diable, là, qui vous surveillerait.
"_Tu n'es pas obligée de dire quelque chose [...].
Pense que la parole n'est une nécessité en aucune circonstance. Nombre de gens ont beaucoup perdu pour la seule raison qu'ils ont manqué une belle occasion de se taire."
"Au contraire, elle est d'une bonté excessive. Elle veut trouver la bonté chez les autres, et parfois sa manière de la trouver est de leur faire confiance, en espérant qu'elle ne sera pas déçue, mais il arrive qu'elle le soit."