Citations de Christine Maillard (85)
Le texte s’adresse à tous les humains en quête du sens (« ce qui est encore sans réponse »), à tous ceux qui vivent un conflit éthique, une « collision de devoirs » (« ce qui est en quête de solution »), et plus généralement à tous ceux qui souffrent, qui vivent douloureusement leur incarnation (« ceux qui sont en mal de délivrance »).
Il s’agit […] d’enseigner aux âmes à savoir distinguer le Principe absolu de sa manifestation, afin que, ne s’identifiant plus à la seconde, elle puisse reconnaître son identité essentielle avec le premier.
L’interaction des deux principes opposés, chacun double (et formant ensemble une quaternité) est la condition de la coniunctio. Ce qui signifie, sur le plan éthique, que le bien périra de son propre mal s’il n’est pas fécondé et incité à se dépasser lui-même par l’échange avec le mal ; que la conscience s’atrophie de sa propre entropie si elle n’est pas confrontée à l’Ombre qui met en route la fonction transcendante. C’est dans cette mesure que tendre vers le bien est un mal.
Jung reprochera toujours à la religion chrétienne d’inciter l’homme à refouler son ombre, attitude qui est à la source de toutes sortes de névroses.
Lorsque l’énantiodromie, l’inversion des tendances, se produit sur le plan collectif et que des peuples entiers sont saisis par les « puissances », il est trop tard. Il faut que la fureur des dieux se passe.
L’individuation se comprend, avant toute autre tentative de définition, par son opposition à toute intégration dans une instance collective. […] L’individuation pousse à la rupture, qui considérée d’un point de vue collectif, fait de l’individuation une faute […]. Etre capable de mourir aux valeurs collectives est la première condition de l’individuation, et cette vacuité créée par l’effondrement d’un système de normes fiables est générateur d’une angoisse qui a tôt fait de ramener à l’intérieur du système maints candidats à l’émancipation. L’adieu aux valeurs collectives n’est rien d’autre qu’une « entrée en solitude, dans le couvent du Soi intérieur » [Jung, G. W.], une sorte de mort initiatique, condition de possibilité de la « seconde naissance ».
[…] la constellation des personnages apparaissant comme premiers interlocuteurs du Moi dans le Livre Rouge est ici explicitée par la typologie des quatre fonctions : le personnage dénommé « Moi » serait un type « pensée », Salomé correspondrait au « sentiment », le Serpent à la « sensation » et Elie à l’ « intuition ».
Par son centre, chaque individu aurait le pouvoir de communiquer à tout moment avec le tout, et ce centre, le Soi, serait le lieu de la complétude, de la totalité à partir duquel toujours pourrait être complété le point de vue conscient, fragmentaire et partiel.
L’absence de liberté est le lot de ceux qui ne savent pas composer avec l’Ombre, ceux qu’effraie le commerce avec le Diable comme ceux qui une fois entrés en contact avec lui, restent prisonniers de ses liens.
Saisir le mouvement de l’absolu dans les êtres et les choses et non pas s’efforcer de prouver en quoi ceux-ci coïncident ou ne coïncident pas avec cet absolu, telle semble être la préoccupation de la métaphysique chinoise, fondamentalement relativiste.
Pour certains patients, la « guérison » consiste à pouvoir fonctionner à nouveau dans le cadre d’un système symbolique prédéfini par le dogme. Leur chemin ne mène pas au-delà, et il serait dangereux de prétendre les entraîner sur des sentiers plus aventureux, où ils seraient obligés d’avancer seuls.
La première [voie possible pour le devenir posthume des êtres], que l’on pourrait appeler « entropique », se définirait par le complexe destruction-chaotisation-errance-rejet dans le cycle des renaissances. La seconde est la voie néguentropique, celle de l’accession de l’âme à sa destination principielle, à sa dimension incréée, divine voire supra-divine. En termes jungiens, la première consiste en une résorption dans l’inconscient, […] la seconde est la voie de la conscience.
Le travail de la conscience (principium individuationis) transforme le Plérôme initial pour en faire naître l’Etoile.
L’autonomie de l’animus se manifeste par les perversions typiques du Logos, dans lesquelles l’idée et la réflexion créative sont remplacés par l’opinion et les principes ; celles de l’anima par une perversion de l’Eros où le sentiment dégénère en humeurs, en sentimentalisme.
Jung fera de Job le prototype de l’homme porteur d’une conscience supérieure parce qu’ayant accédé à la reconnaissance de l’ambivalence divine […]. Le mythe de Job est pour Jung celui de l’homme qui se charge lui-même du fardeau de l’ambivalence divine […].
Le théomonisme du Soi, symbolisé dans les Sermons par l’Etoile, requiert d’être libéré de tous les dieux, mais après que l’on s’est affronté à eux. En dépit du paradoxe, l’homme polythéiste n’a d’autres dieux que le Soi.
C’est pour briser cette ambiguïté [d’un Dieu ni vraiment immanent, ni vraiment transcendant] et sortir de cette impasse que [Jung] fait de cet Etant suprême « la plus formidable des Créatures » […]. Cette apparente réduction de l’archétype divin ne vise en réalité qu’à lui rendre sa dimension intégrale d’immanence et de transcendance.
L’hindouisme n’exile ni Dieu ni les dieux dans une transcendance étrangère au monde. Pour les Rig-Veda, les dieux sont « en-deçà » de l’acte créateur, ils ne sont pas les auteurs du monde. […] Les dieux de l’hindouisme n’apparaissent en tant que tels que dans le contexte du monde manifesté.
Etant posé comme Créature, Dieu est posé en même temps comme qualité du Plérôme.
La « mort » d’un Dieu, c’est sa sortie de la conscience, son exil dans l’inconscient. De cet exil les dieux peuvent revenir, ressurgissant lorsque les temps sont mûrs pour leur retour, lorsque le kairos se prête à une nouvelle manifestation.