Citations de André Miquel (15)
A l'infirmière, nous le savons maintenant, il a dit : "Qu'importe ce que je deviendrai? Tout ça servira pou d'autres."
Du tableau qu'on vient d'esquisser, on conclura sans peine que la littérature arabe moderne est née, puis s'est consolidée, dans un contexte d'engagement résolu.
Vous autres croyants, vous vous nourrissez de formules, de litanies, de prières usées jusqu'à la corde, autant dire d'habitudes, et de lieux communs quand vous entreprenez de nous expliquer tout cela.
Vous dites lieux communs? Vous oubliez que le propre de la foi, ainsi que pour l'art, n'est pas d'évacuer les lieux communs, mais de les approfondir jusqu'à ce qu'ils révèlent leur secret.
Duplicité et paillettes dans un langage suranné, la veulerie dorée qui monte en chaire et déclame sur un parterre ventripotent de rombières en narcolepsie.
Bénissez-moi mon Père, parce que j'ai péché. Inquiétant, ce "parce que", dans un autre contexte: le péché vaudrait-il une bénédiction, toute faute serait-elle louable? Mais nous le savons bien, tout ici, heureusement, est à rebours, par le simple fait que bénédiction vaut absolution.
On n'a aucune prise sur Dieu, sauf par l'amour.
Cette hostie, dans la bouche, et tout ce qui l'entraîne, vers le bas, vers le plus obscure et le plus impur de moi-même... C'est pas Dieu possible! Si, c'est Dieu, justement, et c'est possible!
Il faut remarquer qu'avant l'Islam les Arabes semblent avoir perçu l'histoire que sous la forme de journée (ayyâm) qui relatent quelques événements marquants vécus par telle ou telle tribu.
Qui peut dire si la mort n'est pas la seule preuve de l'implacable vérité de l'amour, et si la folie qui y mène n'est pas un voile jeté par la société des hommes sur un absolu qu'elle redoute ?
["Lorsque la grande mer nous berce avec le soir.
Je rêve, je nous vois : ma vie , ta vie, ensemble !
Je vois, je rêve, et la mort même nous rassemble
Sur le lit du tombeau, côte à côte couchés.
Retraite loin du monde, ô tombe bien cachée !
Nous y verrons, ressuscités, la vie nouvelle,
L'univers réuni, la rencontre éternelle !]
["Et ce regard qu'elle m'oppose, oh! ce regard
De gazelle de Wajra pour son petit !
De l'antilope elle a le port, le cou dressé,
Gracieux et modeste en ses plus beaux atours.
Ses cheveux charbonneuse et profonde toison,
Parent son dos, comme les fruits lourds du palmier,
Tandis que, vers le haut, l'ondulation des nattes
Laisse échapper des boucles folles ou tressées.
Sa taille est souple et déliée, une lanière,
Sa jambe un papyrus vivant d'eau et d'ombrages...
Alors, illuminant le soir et ses ténèbres,
La voici lampe de l'ermite dans la nuit.
Ah ! c'est trop de beauté , et l'homme le plus sage
D'un tendre et long regard l'enveloppe et s'étonne
De cette femme-enfant. Notre furie s'envole
Avec notre jeunesse, et cependant mon cœur
Ne s'est jamais dépris de toi, ô mon amour."]
["Terre de mes aïeux, tu m'attendais depuis toujours :
Je vais parer leur nom de soies bruissantes éternelles !
Me voici, Qays, le noble fils d'Al-Moulawwah
Je chanterai des choses jusqu'ici inconnues,
Je les porte et pressens, elles brûlent mon cœur, mes lèvres "]
Ton corps, sous ces habits, est tout bonheur, éclat…
Si le manteau, Laylâ, même un peu, c’était moi !
Je t’ai vue, je t’ai vue : en mes songes, ou bien
De mes yeux grands ouverts, entouré de témoins ?
Te serrant contre moi, j’ai dit : “Mon feu est mort !”
Mais ce feu-là ne meurt, il brûle, il est plus fort !
Laylâ en ses habits, c’est un corps florissant
Comme, aux branches, bourgeons qui gonflent la ramure.
Peu importe à Laylâ que jamais de mon sang
Je puisse la tenir pour quitte : la brûlure
De ce feu dévorant, ne la sait-elle pas ?
Dites-le-lui : mon sang appartient à Laylâ,
Et quant à l’âme, elle a été si loin, si fort
Que celui qui l’aimait pleure déjà sa mort.
«Mille ans durant, tu passes dans les rêves de mille poètes, et puis tu nais enfin.»