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Citations de Alain Mabanckou (778)


Puisque notre chef de la Révolution socialiste congolaise était déjà à l'étranger, il en avait profité pour aller dire un petit bonjour au camarade président Leonid Ilitch Brejnev de I'URSS, dans ce pays où les cigognes blanches qui volent au-dessus des têtes des gens ne sont pas de vrais oiseaux mais des soldats soviétiques morts sur les champs de bataille inondés de sang. Chez les Soviétiques, le camarade président Marien Ngouabi était comme chez lui. Il y a beaucoup de Congolais qui étudient là-bas et qui, à leur retour au pays, deviendront des membres du Parti Congolais du Travail. Et puis, il parait que les femmes russes ne sont pas trop compliquées à épouser, elles ne posent pas de problème si on les demande en mariage même si on les prévient qu'elles ne seront pas véhiculées, qu'elles iront puiser de l'eau dans la rivière comme les Congolaises et qu'elles mangeront avec leurs doigts du manioc, du foufou ou de la pâte d'arachide au poisson fumé. Elles viennent sans hésiter, elles peuvent vivre dans nos villages, et elles seront toujours contentes comme si elles n'aimaient pas leur propre pays à cause de la neige qui fait qu'on ne peut pas trop remarquer leur beauté car les gros manteaux cachent trop les belles choses qu'elles ont devant et derrière et que je ne veux pas décrire ici sinon on va encore dire que moi Michel j'exagère toujours et que parfois je suis impoli sans le savoir.
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Quand le maître avait fini de dire que nous étions les cigognes blanches de la Révolution socialiste congolaise, il nous reposait la question pour contrôler si vraiment nous avions bien compris :
- Qui êtes-vous ?
Nous répondions en chœur :
- Nous sommes les cigognes blanches de la Révolution socialiste congolaise !
- En tant que cigognes blanches de la Révolution socialiste congolaise, quelle est votre mission ?
Nous répondions encore en chœur :
- Notre mission consiste à sacrifier notre vie pour la réussite de la Mission suprême du camarade président Marien Ngouabi, en vue de développer notre pays, notre continent et tous les continents aussi, y compris les pays d'Europe qui croient qu'ils sont déjà développés alors qu'ils changent trop de présidents et que, malheureusement, c'est toujours leur peuple qui vote le chef au lieu de simplement créer leur Parti Congolais du Travail à eux qui va leur apprendre comment faire les choses pour que leur camarade président reste au pouvoir jusqu'à sa mort !
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Ce matin Papa Roger ne veut pas écouter La Voix de la Révolution Congolaise, il s'est branché sur La Voix de l'Amérique. Il pense que seuls les Américains savent tout ce qui se passe dans le monde. Quand vous croyez être au courant des informations avant eux, ils éclatent de rire parce qu'ils ont des magnétophones minuscules comme des graines de maïs qu'ils cachent dans les résidences des présidents africains qui vont être assassinés. Donc ça ne m'étonne pas qu'aujourd'hui ils donnent plein de détails que nos journalistes congolais ne peuvent pas posséder parce qu'ils n'ont pas de magnétophones minuscules comme des graines de maïs. La Voix de la Révolution Congolaise attend encore que le Comité Militaire du Parti lui souffle ce qu'elle doit dire en direct sur la façon dont notre camarade président Marien Ngouabi a été liquidé le 18 mars dernier à 14h 30, à une heure où normalement les gens font la sieste parce que c'est la chaleur partout.
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J'étais là le jour où nous avions accueilli le président des Français. On nous avait interdit de l'appeler "le camarade président Georges Pompidou", la Révolution des Français était déjà périmée depuis longtemps et de toute façon ce n'était pas ce président-là qui l'avait commencée. Nous devions l'appeler Tonton Pompidou parce que, d'après le maître et le directeur, il était un parent de notre propre famille grâce à la colonisation que son pays a amenée chez nous et de leur langue que nous parlons. Eh bien, nous ça nous arrangeait car Pompidou c'est un nom que nous aimions bien, c'était comme le surnom d'un bébé gentil qui boit son biberon le soir et qui s'endort sans embêter ses parents jusqu'à sept heures du matin. Ses cheveux étaient tirés en arrière, il souriait tout le temps comme s'il nous connaissait et que nous étions ses nièces et ses neveux. Nous aussi nous lui souriions tout le temps, comme si nous le connaissions et qu'il était notre oncle en vrai alors qu'il n'était même pas noir et congolais.
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Elle était ma mère, elle était la femme la plus belle de la terre, et si j'avais du talent comme il faut, j'aurais écrit un livre intitulé "le livre de ma mère", je sais que quelqu'un l'a déjà fait, mais abondance ne nuit pas, ce serait à la fois le roman inachevé, le livre du bonheur, le livre d'un homme seul, du premier homme, le livre des merveilles, et j'écrirais sur chaque page mes sentiments, mon amour, mes regrets, j'inventerais a ma mère une maison au bord des larmes, des ailes pour qu'elle soit là reine des anges au Ciel.
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Il faut que le peuple sache qu’n ne touche pas aux immortels. Donc, pour l’instant, il ne reste plus qu’à juger l’impérialisme. On aura du mal à l’attraper et à l’emprisonner car il ne vit pas chez nous comme ses valets locaux. En plus, c’est un Blanc.
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Avant de boire le vin de palme ils en ont versé un peu par terre pour que nos ancêtres aussi goûtent sinon allait foirer car on ne peut pas faire les choses dans le dos de ceux qui nous protègent.
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Maman Martine n’est pas une marâtre. Elle est aussi ma mère.
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Alain Mabanckou

Quand le Président nous explique qu’il a été envoyé par Dieu en personne, les gens le croient sans d’abord vérifier si c’est vrai ou si c’est pas vrai. Et nous, comme des moutons du Grand Marché, on apprend ses discours à l’école parce que soi-disant ce qu’il dit c’est pour notre bien, ça vient directement de Dieu.
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Notre pays est trop en retard, on est pressés, il faut qu’on rattrape l’Europe et on ne peut pas rattraper l’Europe si on passe des jours et des jours à demander aux gens de choisir un Président de la République.
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Un ministre des Finances c’est celui qui s’occupe de l’argent d’un pays, mais il est bien surveillé par l’Etat alors chez nous (Congo) un ministre des Finances c’est celui qui vole l’argent du pays ou qui aide le Président et les membres du gouvernement à le cacher dans les banques en Suisse.
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Et puis, arrêtez de vous plaindre, l’oiseau ne vole pas dès sa naissance, il faut que ses ailes poussent ! Donc vous aussi, laissez aux ailes de votre esprit le temps de pousser. Vous décollerez un jour sans vous en rendre compte !
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Chaque jour les nièces et mes neveux sortent en file indienne et marchent le long de la rue Louboulou. Ils sont soudés par une enfance qu’ils ne troqueront pour rien au monde. Leur verre est petit, pourtant ils boivent dans leur verre. Le tien est grand, mais ne t’appartient pas, et tu dois, à chaque instant, demander la permission de boire. Et cette permission, hélas, ne t’es jamais accordée…
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 Les soleils des indépendances n'allaient pas tarder à recouvrir le ciel d'Afrique d'un nuage sombre. La prolifération des conflits ethniques, les assassinats politiques, les "coups d'État permanents", deviennent autant de spécificités africaines. Le mot démocratie semble banni du vocabulaire de nos dirigeants. la pauvreté attribuée au continent tranche avec l'inventaire des richesses du sous-sol laissées à l'exploitation de ceux-là même  qui furent naguère les dominateurs. Et lorsqu'un pays a la hardiesse de remettre les pendules à l'heure, l'ancienne puissance lui fabrique un opposant de toutes pièces. On lui donne les armes et on l'accompagne dans sa conquête du pouvoir. Pendant que les balles crépitent, les contrats se signent sous les tentes. Peu importe qu'un monarque s'installe au pouvoir pour quarante ans, ou que, à sa mort, son fils lui succède. Oui, c'est certainement le nouveau mode de transmission de la gouvernance en Afrique : de père en fils. Certains diront qu'il en était ainsi dans beaucoup de sociétés traditionnelles du continent. Sauf qu'à l'époque c'était une règle coutumière acceptée  démocratiquement par les peuples. Or nous avons adopté des institutions qui prévoient des élections. Peu de pays en Afrique peuvent revendiquer le bon déroulement de ce processus politique. Au Gabon, au Togo, en République démocratique du Congo, les fils des anciens dictateurs pérennisent les bilans calamiteux de leurs géniteurs...



   Nous sommes comptables de notre faillite. Nous n'avons pas su trancher le nœud gordien et assumer notre maturité. Par notre silence, par notre inertie, nous avons permis l'émergence des pantins qui entraînent les populations dans le gouffre, avec pour point de non-retour le dernier génocide du XXe siècle, celui qui s'est déroulé sous nos yeux au Rwanda. Il a pu avoir lieu parce que nous avons intégré l'image que l'Occident se faisait de nous. Hutus : traits grossiers, barbarie, imbécillité. Tutsis : traits fins, intelligence, proximité avec le monde civilisé. Et tandis que ces "deux camps" s'entretuaient, l'Occident déployait son armée sous le prétexte fallacieux de protéger ses ressortissants. À l'ONU, on discuta longuement de la sémantique - génocide ou pas génocide ? - pendant que les massacres se poursuivaient...
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On nous a fait croire que la pensée ne pouvait pas être noire.

   La raison était forcément blanche, aryenne si possible.

   Nous étions un peuple de paresseux.

   Montesquieu l'avait écrit : nous autres, les gens du Sud, étions faibles comme des vieillards, tandis que les gens du Nord étaient vigoureux grâce à leur climat froid. Qui pouvait nier de telles évidences écrites de la main d'un des plus grands esprits de la philosophie occidentale ? Les gens du Nord étaient tous intelligents, beaux, forts. Nous autres, gens du Sud, étions "ceux qui [n'avaient] inventé ni la poudre ni la boussole ", "ceux qui [n'avaient] jamais su dompter la vapeur ni l'électricité", "ceux qui [n'avaient] exploré ni les mers ni le ciel". C'était à nous désormais de crier urbi et orbi que nous étions "ceux sans qui la terre ne serait pas la terre". Aimé Césaire, dans le Cahier d'un retour au pays natal, s'est chargé de cette mission épique :

   " Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ; que les pulsations de l'humanité s'arrêtent aux portes de la nègrerie ; que nous sommes un fumier ambulant hideusement prometteur de cannes tendres et de coton soyeux et l'on nous marquait au fer rouge et nous dormions dans nos excréments et l'on nous vendait sur les places et l'aune de drap anglais et la viande salée d'Irlande coûtaient moins cher que nous, et ce pays était calme, tranquille, disant que l'esprit de Dieu était dans ses actes."



   Et si la voix de la poésie était trop impénétrable pour le commun des mortels, le même Césaire avait choisi la forme d'un "discours". Le colonialisme est forcément un asservissement. L'Europe aura commis l'un des crimes les plus crapuleux de l'histoire en imposant sa vision du monde aux autres peuples.



   Or voilà que le cours des choses se précipitait. La fin des années cinquante et le début des années soixante annonçaient une ère nouvelle. Les blancs décampaient de gré ou de force. Déjà, en 1947, les malgaches s'étaient soulevés, perdant dans leur désir d'émancipation plus de cent mille âmes.

   D'autres pays dominés furent gagnés par la fièvre : en 1954, les Algériens se lançaient dans une insurrection tandis que les Tunisiens accédaient à l'indépendance deux ans plus tard. En 1959, on comptait presque une dizaines de pays africains indépendants, et, en 1960, plus du double. 

   Qu'à cela ne tienne, les colonisateurs avaient un "plan B" : ils avaient "formé" quelques hommes à leur image. Des hommes qui auraient la peau noire et un masque blanc. Des hommes qui "inconsciemment" les remplaceraient et seraient leurs yeux et leurs oreilles sur le continent noir. Certains de ces hommes avaient participé aux guerres mondiales pour défendre l'empire français. D'autres avaient été membres de l'Assemblée nationale française. Certains deviendraient des présidents de la République. D'autres, des ambassadeurs, des ministres, etc. Ils avaient des passeports français. Ils avaient des villas en Europe...
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Ils menacent même que si un jour on leur attribue le prix Nobel de littérature ils vont catégoriquement le refuser parce qu’ils n’ont pas les mains sales, parce que le Nobel de littérature c’est l’engrenage, c’est le mur, c’est la mort dans l’âme, les jeux sont toujours faits…
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C’est plus facile de transformer son corps en marchandise que son cerveau en instrument de réflexion.
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On ne va pas nous faire croire que pendant que se déroulaient les épisodes de la Bible y avait pas d’acteurs noirs qui pouvaient jouer un rôle de premier plan, non, hein, donc je comprends et pardonne les pauvres Blancs, ils n’ont pas eu tort de coller aux Nègres des rôles de cireurs de pompe dans la vie quotidienne d’ici-bas….
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Dieu … s’est planqué depuis la nuit des temps entre deux cumulo-nimbus pour nous regarder accumuler nos péchés alors qu’il pourrait bien nous aider à les éviter grâce à une petite opération du Saint-Esprit.
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En fait, les autres Nègres qui te voient avec une Blanche pensent qu’ils peuvent aussi la culbuter parce que, se disent-ils, si une Blanche normale et saine d’esprit s’est bien tapé un gorille du Congo, elle pourrait aussi bien se taper tout le parc zoologique. …..
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