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4,2

sur 684 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ils vous annoncent un polar, mais ne vous y fiez pas ! C'est bien plus que cela. Laissez tomber la 4ième de couv. Vous en saurez un peu plus, mais bon, rien qui pourra vous préparer à cette bombe littéraire, ce scud venu tout droit de l'ancienne terre soviétique qui va vous envoyez illico presto aux portes de l'enfer, cerné(e) par les marécages de Nazino.
Nazino, cette « île des cannibales » où furent déportées 6 000 personnes, sans nourriture, sans abri, sans rien excepté ce qu'ils avaient sur le dos et dans leurs poches. Ces « éléments socialement nuisibles » sensés coloniser les terres arides pour la gloire de la patrie socialiste vont finir par s'entredévorer, abandonnés à leur sort.
Voilà qui plante le décor, mais ne vous donne que le tempo, tant le rythme du récit est dense et soutenu.
Tout s'est joué là-bas, dans les années 30. Et tout ce qui secoue la Barcelone du XXIième siècle dans cette histoire, a ses racines dans cette terre aride.
Gonzalo Gil ne sait pas vers quoi il s'embarque, quand il décide de poursuivre l'enquête, ou plutôt la quête de sa soeur, agente de police que l'on soupçonne d'un meurtre sanguinaire commis pour venger l'assassinat de son fils et qui s'est suicidée juste avant que la justice ne la rattrape. Cet homme sans histoire (dans tous les sens du terme) va ouvrir les portes de la backroom de l'Histoire, là où se forgent les lignes directrices des grands évènements de nos civilisations : dans la fange et le sang.

Jamais entendu parler de Nazino avant de lire ce livre. Je me suis documentée et me demande pourquoi est-ce que l'on ne nous apprend pas cela à l'école ? Qu'est-ce qui justifie ce silence gêné ou cette évocation à mi-mots avant de tourner vite la page sur les crimes staliniens ? Staline, Franco, Hitler : même combat !
Enfin la question on se la pose par principe, car on en connaît tous plus ou moins la réponse. Vous savez : L Histoire...
C'est elle qui va façonner les hommes et les femmes de ce récit, les broyer, les ré-éduquer ou les porter aux nues. Et c'est elle qui trônera encore et toujours, la tête haute, contre vents et marées : « L'esclave le plus fidèle est celui qui se sent libre. »

Victor del Arbol est un virtuose des mots et de la narration (à saluer : la traduction de Claude Bleton) ; il vous embarque de Barcelone à Nazino, des années 30 au début des années 2000 avec une allégresse et une dextérité qui ne peuvent que soulever l'admiration et rendent le lecteur fébrile, suspendu à ses mots et ces pages que l'on enrage de quitter quand il nous faut abandonner le livre pour retourner pagayer dans le courant de nos vies.

La dernière page refermée, on se retrouve comme Elias Gil, ce personnage dantesque qui n'aura de cesse de sauver sa peau : « Il était plein de trous, telle une vieille carcasse de bateau, et il lui arrivait de penser qu'il ne pourrait plus flotter, plus jamais. »
¤ ¤ ¤
Les bois flottés finissent toujours par s'échouer sur la côte, rejetés par l'océan. Et les mains des hommes les façonnent à leur guise...
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Attention, critique superlative en vue ! Vous les sceptiques, les cyniques, ceux qui se méfient comme de la peste de l'ultra positivisme littéraire, de la critique au concentré de guimauve, passez votre chemin. Car je vais entamer le marathon du hyper/super/mega/giga et des superlatifs à gogo. Commençons : j'ai ADORE, j'ai surkiffé, j'ai surmegagigaaimé, Toutes les vagues de l'océan du catalan Victor del Arbol. La sentence est tombée, le couperet ne laisse plus de place au doute. Quelle claque ! Je suis restée en apnée, me trimballant ce lourd pavé de plus de 600 pages dans les transports en commun, entre deux RER, sur le quai, me calant bon gré mal gré parmi la foule que j'ai apparemment gêné avec l'objet de mon affection romanesque (soyez indulgents d'habitude je carbure au livre de poche).
Toutes les vagues de l'océan concentre tous les thèmes chers à Victor del Arbol : quête du passé familial et poids des secrets, vengeance par-delà les décennies, fatalité (les fautes du passé se répercutant forcément sur le présent), spleen et désillusion, période sombre de l'histoire espagnole et faux-semblants. Tous ces thèmes s'imbriquent au fur et à mesure pour nous livrer une délectable sarabande qui va crescendo, jusqu'au dénouement forcément surprenant et qui vous laisse abasourdis (c'est toujours le cas avec les romans de del Arbol).

Gonzalo Gil est un avocat quadragénaire plutôt mou (si ce n'est médiocre), englué dans un mariage morne avec une épouse à la fortune familiale indéniable. Acculé à s'associer à son beau-père, brillant avocat barcelonais qui le presse d'accepter en ne l'épargnant pas d'un mépris de classe, il tente tant bien que mal de mener sa barque. Jusqu'au coup de fil qui va tout changer : sa soeur ainée (avec qui il n'a quasiment plus de contact), effondrée d'avoir perdu son fils de 10 ans, Roberto, assassiné par un mafieux russe (sur qui elle enquêtait), s'est suicidée. Tout n'est pas clair dans cette histoire et Gonzalo Gil ne tarde pas à le découvrir à ses dépens. Trafic d'êtres humains, esclavage sexuel des enfants, pots de vins, magouilles immobilières, notre avocat se trouve vite empêtré dans les fils de la Matriochka, sorte d'organisation mafieuse aussi sombre qu'insaisissable. Parallèlement, nous suivons les jeunes années d'Elias Gil, le père de Gonzalo, jeune ingénieur idéaliste et communiste, parti visiter l'accueillante URSS stalinienne ; nous sommes en 1933. Convaincu d'avoir atteint en ce sol communiste la quintessence de l'idéal de partage, de fraternité et d'égalité, il perd très rapidement ses illusions en étant envoyé sans aucune forme de procès (et sur simple accusation de trahison) dans l'antre de l'enfer, aux confins des marges de la Russie civilisée. Il y rencontrera l'amour dans les bras de la belle Irina, mais aussi ce que l'être humain peut avoir de plus haineux en la personne d'Igor Stern, l'indicible aussi. Il en ressortira vivant mais ne sera plus jamais le même : quand on rencontre l'horreur, en sort-on soi-même épargné ? Ne devient-on pas finalement, poussé à des choix extrêmes, ce qu'on a toujours refusé d'incarner ? Ce lourd passé familial, qui sème sur sa route tant de drames, emportera avec lui toute une famille mais aussi des gens innocents, des camps staliniens au camp de réfugiés espagnols d'Argelès sur Mer, de la Barcelone républicaine à l'Espagne franquiste, et jusqu'à aujourd'hui.
Je pourrais écrire des pages entières tant j'ai aimé ce roman. Mais je préfère vous en laisser découvrir toutes les subtilités et vous laisser happer par la force des sentiments en jeu et cette imbrication de destins. Vous serez embarqués sur le grand huit de l'histoire, malmenés par des révélations successives qui vous feront douter. Vous serez émus et choqués tout à la fois, estomaqués par le talent de Victor del Arbol qui nous livre un récit sombre et sans concession. Peu d'espoir dans ce roman mais tant de passion ! KO j'ai été, et KO je suis encore à l'heure où je rédige cette critique. Indéniablement mon énorme/mega/giga coup de coeur 2015 !
Lien : http://livreetcompagnie.over..
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..."C'est une histoire qui n'aurait pu exister que dans un roman, dans l'esprit malade et dérangé d'un écrivain".

Auto dérision d'un auteur?
Il est vrai que Victor Del Arbol a imaginé un fresque familiale très noire, aux accents de requiem, aux parts d'ombre et de lumière des individus.

Gonzalo Gil aurait pu poursuivre tranquillement sa vie tièdement heureuse de père de famille et d'avocat sans envergure, si le suicide de sa sœur, enquêtrice de la police, suite à la froide exécution pour l'exemple de son jeune neveu, ne l'avait entraîné dans les industries mafieuses sur fond de prostitution enfantine.

Ce coup du destin va l'obliger à ouvrir un album de famille chargé de deuils et de douleur, reflet de ce que l'Espagne a vécu depuis la guerre de 1936. Comme une mise en miroir, les décennies et les personnages vont se télescoper pour suivre la destinée dramatique de son père Elias, héros communiste pour certains, dangereux et cruel salaud idéologue pour d'autres.

Des camps staliniens de Sibérie et à la police secrète du communisme, des combats de la guerre d'Espagne à l'exil français des républicains et à la guerre de 39/45, Gonzalo va lever la chape de silence et de secrets. Il nous fait vivre ces années de plomb du fascisme espagnol, où les choix politiques des individus déterminent le pire ou le meilleur pour l'avenir des familles et des descendants, sur plusieurs générations.

Voici un livre comme je les aime!
Des personnages denses et travaillés dans leur psychologie, un contexte familial fort et un panorama social documenté, une construction de fiction en tiroirs pour des tracés individuels ballotés par les soubresauts historiques et politiques. C'est un puzzle fait de trahisons et de massacres, une écriture foisonnante de détails, une belle puissante narrative pour illustrer un chemin semé d'embûches, de remise en question de la figure du père, et de l'adaptation héroïque de l'homme pour survivre en dépit des conséquences.

La littérature espagnole se nourrit de cet héritage sombre et dramatique du 20ème siècle, de cette descente aux enfers subie par sa population dans une guerre civile fratricide. Et quand ces fictions sont portées par des talents comme celui de Victor Del Arbol, on s'incline, sans crainte devant 600 pages, en ne voulant pas que la lecture s'arrête...captivée jusqu'à la dernière page.

Constat implacable: la violence engendre toujours la violence, quel que soit la part d'humanité en chaque individu.
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" La première goutte qui tombe est celle qui commence à briser la pierre
La première goutte qui tombe est celle qui commence à être océan"
C'est sur ces lignes que se termine ce roman digne des plus grands! Polar, thriller, trafics en tous genres, pédophilie,blanchiment d'argent, pègre russe ou autre j'en passe et des meilleurs bien sûr il y a tout çà mais est-ce vraiment ce que je retiendrai de ce roman ? Certainement pas . Victor del Arbol nous offre un livre aux multiples facettes humaines, historiques; avec lui c'est un siècle de l'histoire de notre monde qui défile.Comment le passé d'Elias Gil, connu comme le héros sans faille du parti communiste espagnol , réchappé par miracle de l'enfer de Nazino, privé d'un oeil, ennemi juré d'Igor Stern rescapé lui aussi de Nazino devenu un roi de la pègre russe, comment ce passé donc peut-il être aussi encombrant pour Gonzalo Gil son fils ? Comment peut il expliquer l'engagement de Laura Gil , sa soeur dans une lutte sans merci contre un réseau international , lutte qui la conduira au suicide ? Qui sont tous les acteurs de ce drame, quels masques portent ils, qui sont les bons qui sont les méchants ? D'ailleurs y a t'il des gentils et des méchants ?
Vous l'aurez compris je suis assommée ! Mais devant une telle littérature qu'importe surtout quand la remarquable traduction de Claude Bleton est au rendez-vous A lire sans aucune hésitation .
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De l'Espagne au goulag stalinien, un polar qui est beaucoup plus qu'un polar.

Sa soeur a été retrouvée morte dans son appartement. La police conclut qu'elle s'est suicidée après avoir assassiné l'homme qui avait tué son fils alors qu'elle menait une enquête contre le crime organisé. Si on s'arrête là, c'est déjà matière à un bon polar.

Mais ce n'est pas tout, on remonte aux années 1930, où un ingénieur idéaliste espagnol se rend en Union soviétique pour contribuer aux grands projets de construction du pays. Dans ce pays, c'est l'ère stalinienne, tout ce qu'on dit peut se retourner contre nous et les sanctions sont terribles…

Les époques s'entrecroisent au fil des chapitres. On revient en Espagne pour la Guerre civile, une autre dictature qui n'hésite pas à utiliser une répression sanglante. Un détour par les camps de réfugiés en France, puis retour au 21e siècle avec des avocats habiles et des promoteurs liés au crime organisé…

Et des liens de famille et des secrets enfouis feront surface…

Un excellent roman de plus de 600 pages bien remplies, qui oscillent entre cruauté humaine et grands idéaux. Un livre dur, quand même, car on y trouve des meurtres, des tortures, de l'exploitation sexuelle des enfants et même du cannibalisme.
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Difficile de considérer ce livre comme un simple polar, une enquête qui commencerait dans les années 1930 e, se poursuivrait dans les années 1960 et se terminerait dans les années 2000
Un départ, il y a Elias Gil, jeune et brillant idéaliste communiste espagnol qui part avec trois compagnons en URSS pour apporter son savoir et découvrir l'idéal communiste
La chute sera brutale. Il découvrira d'abord le goulag stalinien et surtout l'enfer de Nazino. Il y rencontrera aussi Igor Stern, crapule absolue qui le mutilera et qui, pour moi, est l'autre grand protagoniste de l'histoire
La description de Victor del Arbol est absolument atroce et et troublante .Des pages qu'on oublie pas
De retour dans son pays ,Elias est au coeur de la guerre civile en Espagne et de l'arrivée de Franco au pouvoir
Puis viendra la Seconde Guerre Mondiale. Après toutes ces vagues historiques ( d'où le titre), quel homme est devenu Elias ?
cette première partie du roman est époustouflante
Connaître l'histoire de ce père devenu héros aux yeux de tous, voilà la quête de Gonzalo, avocat de modeste réputation , dominé par un beau père riche et puissant
Reste aussi le mystère de la mort, par suicide , il paraît de sa soeur Laura
J'ai eu un peu de difficulté avec cette partie du livre qui paraissait assez simple en comparaison de la puissance créatrice de la première partie
Puis , tout doucement , le souffle revient, les secrets se révèlent
Ici pas beaucoup de place pour l'amour
Ne reste qu'une noirceur et une violence absolue jusqu'au dénouement final ,en plusieurs étapes
Où est le Bien? Où est le Mal dans tout cela?
Peux-t-on éviter d'être submergé par les vagues?
Questions métaphysiques dans la violence de l'Histoire
Inutile d'en dire plus dans ce livre de plus de 600 pages
Énorme travail historique.Un style très brillant
Soyons clairs: ce livre est réservé à un public de lecteurs et lectrices aguerris , qui seront capables de supporter sa noirceur
Mais quelle force!
Accrochez-vous, le jeu en vaut la chandelle
Un très,très grand roman
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Dès le prologue qui se passe en 2001 près de Barcelone , le ton de ce pavé est donné : le lecteur qui se glisse innocemment dans ce livre assiste à la mort d'un petit garçon jeté dans le lac , meurtre ordonné par un certain Zinoviev.

Cet enfant est le fils de Laura Gil, personnage pivot de ce roman . Elle est flic et elle est aussi la fille ainée d'Elias Gil, mort dans des circonstances suspectes en 1967.

C'est une femme déterminée, elle enquête sur un réseau mafieux russe étendu de prostitution enfantine connu sous le nom de Matriochka et elle a également publié un article mettant à bas le mythe entourant la vie de son père .

Retour en 1933,où Elias Gil, avec son diplôme tout neuf d'ingénieur en poche arrive à Moscou avec trois autres jeunes hommes étrangers , fervents communistes, pour mettre leurs compétences et leur jeunesse au service de Staline et de l'Union soviétique .

Ils connaitront ensemble le camp de Nozino en Sibérie où les pires conditions de survie mettent à mal leur amitié et où leur candeur et leur jeunesse disparaissent à jamais .

À ces situations extrêmes , répondent une large palette de sentiments : amour et haine , lâcheté et loyauté avec des frontières qui s'effacent comme les paysages blancs de la steppe .
Jusqu'où un être humain peut-il aller pour sauver sa peau , l'amour est-il plus fort poussant au sacrifice ?

De retour de ce camp de l'horreur, Elias rentre en Espagne au moment de la guerre civile, en mission pour le parti communiste , puis lors de la défaite des républicains en camp à Argelès .

Entre les chapitres de l'histoire mouvementée et tragique d'Elias, l'écrivain bascule sur la période récente où Gonzalo, le frère cadet de Laura , avocat sans envergure et homme sans combat , est ébranlé par le suicide sa soeur et affronte peu à peu tous les non-dits de son enfance , de l'histoire de sa famille .
Il décide de reprendre le dossier sur cette mafia russe sans se douter où il va mettre les pieds.

Victor del Arbol malmène son lecteur, il faut s'accrocher devant les différentes tentacules , aussi bien du passé de communiste actif d'Elias, que de cette puissante Matriochka , son récit est comme les poupées russes, quand on croit avoir déroulé le fil, il en arrive un autre autant emmêlé.

Les portraits des personnages sont approfondis, léchés, ambigus souvent , laissant souvent un sillage de trouble chez le lecteur.

Héros ou monstre ?

"Le monstre avait peut-être toujours palpité en lui, attendant patiemment son heure pour dévorer la carapace qui le dissimulait au regard des autres. "

Jusqu'où nos convictions peuvent-elles nous mener , ne deviennent-elles pas souvent la façade pour une cause personnelle : narcissisme, vengeance, âpreté du gain, complaisance dans l'état de violence ...

J'ai beaucoup aimé ce roman bouleversant, dur, exigeant .

Si les conditions des goulags ont déjà étaient décrites, c'est à chaque fois la même abomination avec la nausée qui prend à la gorge .
Celles dans les camps des républicains espagnols, comme ceux d'Argelés ont été une découverte pour ma part .



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Un roman violent, d'une violence accablante, une déferlante qu'il nous faut défier et ce n'est qu'en refermant "Toutes les vagues de l'océan" que l'on retrouve une respiration à peu près normale.
Un polar. Vraiment ? Un polar historique, une fresque épique, un grand polar. De Barcelone du début du nouveau millénaire à la Russie des années '30, on remonte le cours de l'histoire et c'est une lente descente aux enfers que l'on amorce, qui nous scie les jambes, qui nous empêche de surmonter la vague.
Un livre qui prend aux tripes et un livre qui nous en apprend. J'avoue que je ne connaissais rien de Nazino avant cette lecture. Nazino, surnommée l'île aux cannibales, un cauchemar créé par Staline. Un livre qui nous parle des hommes , des hommes "enfermés dans une possibilité" (p. 196).
Un livre aussi sur les guerres grandes et petites dans toute leur splendide laideur, celles qui transforment à tout jamais les êtres humains , celles qui distillent le poison de génération en génération au nom d' idéaux ou de la cupidité, celles qui tuent au propre comme au figuré.
Gonzalo Gil apprend le suicide de sa soeur qu'il ne cotoie plus depuis plusieurs années. Un suicide ? Il en doute. Il décide donc de gratter un peu dans les enquêtes sur lesquelles travaillaient sa soeur. Une décision qui provoquera un raz-de-marée. Une décision qui révélera les secrets familiaux, qui déformera à tout jamais l'image de héros de son père.
Un récit sur l'idéalisme naif qui devient aveugle. Une trame narrative qui amène aisément les retours en arrière. Une intrigue qui se densifie, s'épaissit au fil des pages et qui n'en finit plus de se noircir. Des personnages que l'on aime, que l'on déteste, on ne sait plus mais qui sont fait de chair et d'os et qui toujours apprennent à survivre. La misère des humains, la beauté, la laideur, la rapacité. Une écritude fluide et dense et qui porte en elle des sujets de réflexion que l'on met très facilement de côté pour notre plus grand confort.
Épique ce roman qui nous rapelle que nous ne sommes pas à l'abri de dictature ou d'intégrisme , oui ces dangers, bien affichés ou du clair-obscur, sont toujours là qui nous guettent.
À lire absolument.
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♫ Je vais et je viens entre… ♪

Non pas "entre tes reins" bande de coquins, mais "entre différentes époques" !

C'est cette phrase qui vient de tourner dans ma tête au moment de prendre le clavier pour pondre une critique pas évidente sur un roman qui m'a boulversifiée (néologisme offert).

Putain de roman ! Putain de fresque historique qui, comme une toile d'araignée, est vaste, ramifiée, mais où tout ramène en un seul point : Elías Gil, figure mythique du père, nimbée de non-dits et de silences.

Par contre, il vous faudra attendre la fin pour découvrir la toile dans son entièreté et savoir ce qui s'est passé en juin 1967, jour de la disparition d'Elías Gil, ancienne figure importante du communisme.

Le roman n'est pas résumable, trop dense, sachez juste que vous allez voyager dans les époques troubles, voguant entre les années 30 et 2002.

Vous suivrez Elías Gil, jeune espagnol, et ses trois compagnons dans la Russie des années 30, vous serez torturé et déporté avec d'autres prisonniers, qui, comme vous, ne seront coupables que d'avoir été au mauvais endroit ou d'avoir critiqué le pouvoir.

Violez, tuez, tant que vous le faites avec patriotisme. Mais ne dites pas du mal du pouvoir ou de la mère à Staline…

Le pouvoir communiste a besoin de main-d'oeuvre pour creuser un grand canal ou pour coloniser la Sibérie. Allez hop, déporté, affamé, humilié, vous serez. Le passage sur l'île de Nazino, surnommée ensuite "Cannibal Island" est un des plus terribles.

Ce qu'un humain est capable de faire pour survivre… Jusqu'à devenir comme celui que vous haïssez…

Vous assisterez à l'arrivée de Franco au pouvoir en Espagne et vous ferez la guerre du côté des Russes, avant de revenir dans votre Espagne natale.

On voyage dans les époques, mais aussi dans les pays : Espagne, Russie, Sibérie et France.

Les personnages sont travaillés minutieusement : entre Gonzalo Gil, avocat et fils d'Elías, qui cherche à enquêter sur le suicide de sa soeur, son père, Elías, disparu quand le fils avait 5 ans, et dont il n'a plus beaucoup de souvenirs, sinon ceux qu'on lui a fait.

L'homme est-il bien comme son fils l'a toujours cru ? Sa soeur n'avait-elle pas raison lorsqu'elle avait dressé de lui un portrait au vitriol, se faisant répudier par son père en même temps.

Le flic véreux, les truands, le pédophile, le salaud, la mafia russe… Tout ça s'imbrique avec un réalisme qui donne des sueurs froides. De plus, il est des silences tout aussi meurtriers, aussi lâches, aussi violents que certains actes innommables. Surtout lorsqu'on ne veut pas voir la vérité.

On ne s'ennuie pas, on frissonne, on a peur, on tremble devant les pages sombres de l'Histoire (une de celles dont on parle trop peu) et on se rend compte que les plus salauds ne sont pas toujours ceux désignés comme tels.

— Tu en appelais à l'éthique pour torturer et tuer, lui, il appelait cela simplement du pragmatisme. Il était convaincu de l'inévitable nature corrompue de l'être humain et toi tu cachais tout cela sous la répugnante théorie de l'idéalisme.

Au final, on est sonné, estomaqué, lessivé, lavé ! On a beau critiquer nos politiciens, les trouver véreux, se plaindre du système qui est mal foutu, mais ce n'est rien comparé au communisme de Staline. Rien au regard de ce qu'un système politique peut faire à ses compatriotes. Rien à côté de cet illogisme qu'était la pensée de ces hommes qui en ont déshumanisés d'autre.

Un tout grand roman noir qu'il vaut mieux aborder en toute connaissance de cause car il ne vous laissera ni de marbre, ni indemne. Gardez tout de même un Tchoupi à côté pour lire ensuite. On n'est jamais trop prudent…

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Grandiose ! Beaucoup plus qu'un polar. Comme les deux autres romans de Victor del Arbol, le livre nous transporte dans différentes époques et tisse une histoire, une intrigue, des personnages que je ne suis pas près d'oublier !

Le livre est d'une richesse incroyable et nous transporte dans la jeune république espagnole, la guerre civile, le franquisme, l'exil républicain, le stalinisme, le goulag, et j'en oublie certainement.

Les personnages sont riches, troubles, complexes. Nous accompagnons certains d'entre eux pendant plus d'un demi siècle, avec leurs blessures, leurs cicatrices. Il y a un cyclope, une tenancière de librairie, un barman, des avocats, des enfants, des adultes, des vieux. Ni bons, ni mauvais. Des "vrais" personnages.

Une richesse d'écriture fantastique, je pense qu'il doit y avoir un gros travail de traduction. Pour avoir échangé quelques mots avec Victor del Arbol lors d'un salon Polar du Sud à Toulouse, il parle très peu français et s'était excusé de me faire sa dédicace en espagnol.

Ses romans sont d'une noirceur profonde, mais c'est très difficile de poser ces livres, car ils sont d'une densité peu commune.

Pour ceux qui aiment les polars, mais pas seulement parce qu'on est au delà du polar, il ne faut pas hésiter à tenter l'aventure de passer 600 pages à Barcelone et dans son histoire.
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