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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Comme j'ai souffert avec vous monsieur Zweig !

J'aurais aimé vous aduler tout entier, vous l'homme et l'écrivain. Mais ce fut impossible. J'ai détesté en vous l'homme.

Issu d'une grande famille viennoise juive, vous avez eu la chance de faire de longues études. Mais ça ne va pas, vous trouvez vos professeurs médiocres. Vous regrettez presque que vos parents n'aient pas connu la guerre, alors que vous en avez connu deux. Quand vous évoquez votre jeunesse, vous déplorez le manque de liberté sexuelle que votre génération a connu par rapport à la génération suivante.

Après avoir terminé vos études, vous voyagez en Europe surtout, mais aussi en Inde et en Amérique. Vos multiples voyages vous permettent de faire connaissance avec de nombreux artistes. Ce qui vous enchante. On sent bien chez vous une soif d'échanges intellectuels.

Quand la première guerre mondiale se déclare, vous êtes réformé. On ne sait pas pourquoi, vous ne nous en dîtes rien. Mais vous avez à coeur d'être solidaire avec ceux partis au front, alors vous trouvez une place comme archiviste dans les armées. A quoi en êtes vous réduit ? Enfin le côté positif est que cette place vous laisse du temps libre, vous pouvez alors songer à écrire. C'est ainsi que naît votre pièce de théâtre "Jérémy". Vous êtes pacifiste et par cet écrit, vous dénoncez l'absurdité de la guerre et de ses ravages. Vous nous informez vous-même que lors de la première guerre mondiale, les autorités des différents pays continuent à exporter leur culture. Votre pièce a la chance d'être sélectionnée par un théâtre suisse, donc vous avez la possibilité de quitter l'Autriche pour la Suisse. La bas, vous rencontrez des intellectuels de tous pays qui s'y sont réfugiés. Votre soif d'échanges peut ainsi continuer d'être assouvie. Vous retrouvez Romain Rolland à qui vous vouez une admiration sans borne et ce pauvre Guilbault, que vous évoquez avec une certaine condescendance, qui dit tout haut ce qu'il pense et finira presque à la potence.

Vous restez en Suisse une année, oui une année. Vous adorez tellement ce pays pour toutes ses richesses. Puis à la fin de la guerre, vous décidez après moult réflexions de rentrer au pays. Cette décision est difficile (tout le monde le comprend et tout le monde aurait aimé avoir ce choix) car vous savez qu'à nouveau vous allez rencontrer la guerre, enfin la suite de la guerre, c'est-à-dire la faim, le froid, les destructions mais aussi les vagabonds sur les routes, etc. Ce qui vous meurtrit beaucoup.
Lors de votre retour au pays, vous en profitez pour vous arrêter à Salzbourg. C'est là que vous avez acheté une maison pendant la guerre. Oui certains vont au front et d'autres achètent des maisons.

La paix est maintenant là, vous en profitez pour vous remettre à écrire et à voyager. le succès est au rendez vous. C'est lors de ses voyages, grâce a votre don d'observateur, que vous vous rendez compte que la paix est fragile et qu'il suffirait d'un rien pour que tout s'embrase à nouveau.
Vous décidez enfin de visiter la Russie où tous vos amis se sont déjà rendu, et là vous vous interrogez sur l'enthousiasme de certains d'entre eux car vous comprenez que le décor et les dialogues ne sont que copies de pièces de théâtre donnant illusions.

Vous avez maintenant 50 ans et vous faîtes le bilan de votre vie, très positif, vous le reconnaissez. Enfin, ce ton plaintif s'éloigne.
Vous brossez avec réalisme et précision la montée au pouvoir d'Hitler qui a su si diaboliquement se mettre d'accord avec tous les partis, toutes les tendances. Vous comprenez qu'il faut que vous quittiez votre patrie afin de conserver votre liberté. Vous vous rendez donc à Londres où vous vous taisez, n'osant contredire les Anglais aveugles sur le sort de l'Autriche.
Vous avez bien compris que la guerre est là, vous avez bien compris que l'Angleterre ne pourra plus se voiler la face au vu de la situation outre-atlantique. Et vous décrivez vos sentiments et votre situation de manière si intense, si sensible, si bouleversante qu'enfin monsieur Zweig, je me sens proche de vous et s'éloigne mon ressentiment vis à vis de votre personne.


Pardon ? C'est vrai, vous êtes fin observateur et vous remarquez parfois une certaine ironie dans le portrait que je viens de brosser. Oui, je le reconnais. Je n'ai pu supporter votre ton geignard, la façon de vous plaindre sans le dire vraiment. Vous êtes né avec une cuillère d'argent dans la bouche, vous observez le monde avec le prisme de votre statut privilégié. Je n'ai pas ressenti d'empathie envers les petites gens. On est bien loin de Pierre Michon (Vies minuscules) et de son petit peuple !
Bien sûr, votre éducation et votre milieu ne vous ont pas préparé à subir la guerre, à connaître les restrictions. Mais qui est préparé à l'enfer ?

Bon, quittons l'homme et passons maintenant à l'écrivain. Là, ma réaction est toute autre.
Vous êtes un excellent portraitiste de votre époque. Vos chroniques sur Paris, sur sa population, sur l'ambiance de la ville, par exemple, sont remarquables et très détaillées.
Vos écrits sur l'inflation galopante après-guerre et les conditions de vie (le marché noir par exemple) sont des pages excellemment bien écrites, riches de détails qui aident à comprendre le climat de l'époque.
Mais ce que j'ai par dessus tout admiré, ce sont vos rencontres avec les artistes. Les personnes que vous croisez et que vous admirez sont d'abord de vrais portraits et ensuite les échanges que vous entretenez avec elles sont riches de curiosité intellectuelle. On reconnaît bien là tout le bonheur, tout le respect et toute la frénésie intellectuelle que vous avez ressentis face à ces personnalités. Votre description du travail de Rodin est splendide. J'étais avec vous dans l'atelier, aussi muette que vous et observant l'artiste en plein travail, s'oubliant au monde. J'ai comme vous assisté aux entretiens de Gorki avec son visage animé et mimant les répliques qu'il vous faisait, lui qui ne parlait que le russe. J'ai participé auprès de vous aux joutes oratoires entre Shaw et Wells. Quelle puissante évocation, quelle précision dans ce duel littéraire ! Quel bonheur de lecture !


En fait, monsieur Zweig vous êtes un esprit. Entendez-moi bien, je ne parle pas de fantôme mais d'un pur esprit, d'une pensée pure. Et pour finir, je dois bien avouer que votre vision de l'Europe, bien avant-gardiste et qui ne relève pas d'une utopie, me prouve à quel point vous avez compris et cerné notre monde. Vous êtes, avant l'heure, un citoyen du monde (les pages concernant le passeport sont un vrai réquisitoire sur la liberté de circuler).

Difficile de conclure après tout ça ?
Et bien non pas vraiment. Je vais appliquer ce que vous recommandez vous-même et qui vous tient à coeur, vous qui ne supportez pas les intrusions dans votre vie privée. Je vais distinguer le nom de l'homme. Je vais oublier l'homme et m'attacher à votre nom. Je vais maintenant lire vos oeuvres car oui, monsieur Zweig, l'écrivain m'a éblouie.
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Merveilleux Stefan Zweig. Après avoir été éblouie par ses nouvelles et romans, époustouflée par ses talents de biographe, me voilà subjuguée par son livre-testament.

C'est en 1942 que Stefan Zweig envoie cette autobiographie à sa maison d'édition, le lendemain il met fin à ses jours avec sa jeune épouse au Brésil où ils s'étaient exilés. Quittant un monde qu'il ne reconnaissait plus, lui l'humaniste pacifiste d'origine juive qui a assisté impuissant à la « décadence morale » de sa génération après en avoir goûté le fruit d'une jouissive « élévation intellectuelle ».

Empli de lyrisme et de poésie ce livre est à la fois le testament de sa vie et celui d'un siècle confronté à de grands bouleversements. Zweig nous captive avec le récit de sa jeunesse, partage des souvenirs nostalgiques de sa Vienne natale flamboyante, de ses années d'études et d'une Europe où les arts et la culture étaient florissants. Grand voyageur, érudit, il a fréquenté les plus grands intellectuels, scientifiques et artistes de son époque de Freud à Rilke de l'intellectuel Romain Rolland au poète Émile Verhaeren en passant par Rodin pour ne citer qu'eux. le récit de leurs échanges est passionnant.

Le Monde d'Hier c'est l'Europe des années 1900 et celle des années folles, de la joie de vivre, de l'insouciance, de la sécurité.
Mais ce monde d'hier, aube du monde d'aujourd'hui, c'est aussi un lent glissement vers les partis politiques d'extrême droite qui vont éteindre son espoir dans le progrès, signer la faillite de la démocratie, la fin de l'unicité de l'Europe et la déchéance de la culture humaniste.
Observateur lucide de son époque Zweig est un témoin clairvoyant et désarmé de la montée du nazisme et de sa stratégie machiavélique pour contaminer même les esprits les plus sains. Son témoignage est saisissant.

Après avoir connu dans sa propre patrie la censure, avoir vu Vienne, paradis de son enfance, assombrie par l'Anschluss, désenchanté, apatride, il finit par s'enfuir en Amérique du Sud hanté par « l'échec de la civilisation ».

Le testament à la fois terrible et sublime d'un homme sensible qui a perdu foi en l'humanité.
Inoubliable chant du cygne ♥
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Rédigé en 1941 au Brésil, Stefan Zweig adresse à son éditeur, peu avant son suicide en compagnie de son épouse, le 23 février 1942, cet important témoignage d'une époque où en Autriche, toute sa génération est passée d'une période de pleine sécurité, d'une grande stabilité, à une période plongée dans l'horreur. C'est extrêmement émouvant de l'imaginer à sa table en train d'écrire, se retournant sur toute l'histoire de l'Europe comme sur sa propre histoire, afin de laisser derrière lui un témoignage d'une grande richesse historique.
Ce n'est pas son testament personnel, le lecteur ne trouvera pas de bribes de son intimité, de ses relations amoureuses, mais plutôt le testament de toute une époque qui va de 1895 à 1941 assorti de sa propre réflexion d'observateur, avec toujours cette merveilleuse écriture qui le caractérise.
Il part de sa période scolaire afin de mettre en évidence sa propre critique d'une période qui lui aura paru monotone, étouffante. Il ne garde pas un bon souvenir de ses enseignants qu'il a trouvé imbus d'eux-mêmes, ne cherchant nullement l'épanouissement de l'élève, mais plutôt sous une discipline de fer, à dompter les personnalités individuelles de chaque enfant. D'ailleurs, il est un élève moyen. C'est l'université, où il s'inscrit en philo, qui va lui apporter ce souffle de liberté auquel il aspirait tant.
Descendant par son père, d'une famille juive de Moravie, industriel qui a fait fortune dans le textile en Bohême, et par sa mère, d'une famille juive allemande, il pourra ne pas travailler et laissera son frère, Alfred, reprendre les rennes de l'entreprise familiale.

A cette époque, l'antisémitisme fait partie du décor. Emancipés depuis 1848 et ayant réussi leur ascension sociale, les juifs viennois font partie de l'élite brillante : ils occupent un tiers des professions libérales et représentent plus de la moitié des médecins et des avocats et trois quart des journalistes : ce qui leur vaut en retour rancoeur et inimitiés. D'ailleurs, à cet effet, les premières pages de son témoignage m'ont donné l'impression qu'il éprouvait le besoin de se justifier de sa judéité et d'expliquer son judaïsme éclairé.
Il dépeint très bien la Vienne d'alors. C'est un monde solide, tranquille, pérenne mais somnolent à l'image de l'empereur François-Joseph, monté sur le trône à 18 ans, en 1848. Et la jeunesse n'a pas sa place, la génération précédente ne lui fait pas confiance. Pourtant avec la nomination de Gustave Mahler, à moins de 40 ans, directeur de l'opéra impérial, un murmure d'inquiétude va parcourir Vienne. L'approche du nouveau siècle va réclamer un ordre nouveau et Vienne deviendra le centre d'un renouveau artistique dans le domaine des arts : peinture, littérature et musique.
Pourvu de son diplôme il va alors voyager, s'affranchir de son milieu familial. le lecteur va s'embarquer avec lui et rencontrer Théodore Herzl, Rainer Maria Rilke, Rodin, Romain Rolland, Verhaeren, Ratheneau, Gorki, Mussolini, Freud, et bien d'autres. C'est passionnant pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur cette période.
Zweig est un cosmopolite, il est modeste et doux, il aime l'Autre, ces voyages l'amèneront à rêver d'une Europe sans frontière, c'est un pacifiste, il ne comprend pas, au moment des guerres, pourquoi rejeter celui que l'on a aimé hier. Il n'aime pas les conflits, il les évite, il a besoin d'amour, d'amitié, peut-être dû au fait que la société viennoise de son enfance ne laissait pas de place aux enfants et évitait soigneusement toutes démonstrations d'affection. Enfin je ne sais pas ! Chaque individu est unique et différent. Mais un écrivain qui nous laisse « La Confusion des sentiments » ne peut être qu'un « écorché vif » un être qui a été cruellement atteint dans sa chair, dans son âme, un être qui comprend, est à l'écoute de l'Autre avec bonté, plein d'une compassion fraternelle et pour qui la création artistique devient la beauté du monde dans un monde qui part à la dérive et va droit vers la folie, l'horreur, l'insoutenable car en plus, il était clairvoyant.
Il évoque aussi sa manière d'élaguer ses textes, son besoin de perfection, comment il va droit au coeur de ses oeuvres.
A aucun moment je n'ai ressenti de lamentations, de nostalgie mais plutôt l'analyse des causes ayant entraîné une première guerre mondiale elle-même ayant engendré une deuxième guerre mondiale. Toutes ces atrocités sont devenues insoutenables pour cet homme pour qui j'ai une profonde affection.
Friderike Zweig, les larmes aux yeux, dira « Un homme qui aima profondément ses semblables ».
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Comme on le sait, Zweig a rédigé cette autobiographie en 1941, après avoir été chassé d'Europe par l'antisémitisme et la guerre. Devenu apatride avec l'Anschluss, il s'est d'abord réfugié au Royaume-Uni avant de s'installer finalement au Brésil. Lorsqu'il écrit ces mémoires, il a pratiquement tout abandonné derrière lui hormis son nom, ce qui n'est évidemment pas rien pour quelqu'un qui est déjà célébré comme l'un des plus grands écrivains de son temps.
A mesure que l'on avance dans la lecture du Monde d'hier, on sent l'immense lassitude et le désespoir pesant sur cet homme, qui se disait citoyen du monde à une époque où l'expression n'avait hélas aucun sens (en a-t-elle davantage aujourd'hui, à vrai dire...). Zweig s'est suicidé au début de 1942, juste après avoir envoyé le manuscrit à son éditeur, et un mois à peine après la conférence de Wannsee où venait de se sceller le sort des juifs européens. L'écrivain n'a évidemment rien su de ce dernier événement, mais il suffit de lire son texte pour comprendre qu'il redoutait l'innommable et qu'il ne voulait pas le voir advenir.
Son livre est comme un testament de la culture européenne. C'est le récit très simple de ses soixante années d'existence, moitié autobiographie moitié analyse des évolutions internationales. Zweig appartient à une génération qui a traversé un nombre effarant d'épreuves collectives : né dans « le monde de la sécurité » (Vienne dans les dernières décennies des Habsbourg), il a vu son pays se précipiter dans la guerre en 1914. L'épuisement, la défaite, la ruine, le chaos économique et monétaire d'après-guerre, la montée de l'antisémitisme, la progression du fascisme, l'expansionnisme hitlérien, la capitulation des démocraties occidentales, les persécutions puis une nouvelle guerre... Tout cela, Zweig le raconte, mais de son point de vue. Or il ne faut pas oublier, sous peine de contresens, que son point de vue est celui d'un bourgeois issu d'une riche famille juive de Vienne. Il est parfaitement conscient d'appartenir à un monde privilégié et ne cherche pas à le dissimuler : sa première guerre mondiale ne se déroule pas dans les tranchées et il n'est que spectateur de la misère des autres. Je ne vois cependant pas ce que cela enlève à la valeur de son témoignage ni à son caractère poignant, ni à la sincérité de son émotion et de son effroi.
Il a certes fréquenté quelques-uns des esprits les plus brillants du premier vingtième siècle (et son livre fourmille de portraits d'écrivains et artistes pris sur le vif, parfois assez étonnants), mais Zweig porte surtout un regard très lucide sur le naufrage collectif de l'Europe. C'est la partie qui m'a le plus impressionné, sans doute par déformation professionnelle. J'avais initialement le projet de distiller des citations au fil de ma lecture mais j'y aurais mis au moins le tiers du livre. Alors je me suis abstenu, et en fait je n'ai pas besoin de dire plus que cela : il faut lire ce livre. Surtout aujourd'hui, à l'heure où la Bête, qui ne dort jamais que d'un oeil, manifeste à nouveau les signes de son éveil.
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Le conscience claire,
l'âme pure,
et les trahisons de l'Histoire
OU
quand la beauté ne suffit pas.

Stefan Zweig faisait partie de cette haute bourgeoisie autrichienne
qui avait connu les fastes de la fin d'un empire.
Il a vécu dans un microcosme cosmopolite où être juif n'avait rien
de douloureux, et il a passé sa jeunesse dans un monde où l'art et la beauté
regnaient.
Seul l'ennui d'un système éducatif poussiéreux, lui-même indicatif d'une société encore glorieuse mais déjà stagnante, a quelque peu assombri son enfance et son adolescence.
C'est d'ailleurs cet ennui qui fera de lui, très tôt, un lecteur chevronné et un poète.

La fortune parentale aidant, les années d'université sont passées à Berlin, où les études
de philosophie lui laissent généreusement le temps de lire et d'écrire. le doctorat obtenu après une année héroïque où il réussit à étudier aussi les matières des trois précédentes, le voilà entièrement libre de voyager, de lire et d'écrire. Commence alors l'été, la belle saison
qui fera mûrir les fruits de ces passions.

Stefan est un homme qui a voué sa vie à la littérature. Sensible, effacé, discret, il se met entièrement à son service. Sa réussite est pour lui presqu'une surprise. Il se limite d'ailleurs à des traductions, des essais, des nouvelles,ne s'estimant pas encore capable d'écrire des romans, des biographies ou des pièces. Il vit son écriture presque comme un sacerdoce, lui, le juif athéiste. L'art, au service du beau, du juste et du vrai, lui est devenu une sorte de divinité, ou en tous cas une spiritualité séculière. Et il voit cet art comme formant l'âme de cette Europe prospère, libre et cultivée dont il espère une progression ininterrompue vers les utopies les plus magnifiques.

C'est la première guerre mondiale - totalement impensable pour lui et pour tant d'autres -qui met fin à ces envolées. L'histoire fait soudainement irruption dans l'âge d'or. C'est sans doute qu'il y avait là aussi de bien vilaines bêtes dans le jardin d'Eden, et que l'âge n'était pas doré pour tout le monde. Il en naît un Zweig choqué, meurtri, mais aussi plus mûr, qui désormais a trouvé sa cause : lutter pour ces valeurs qu'il ne savait pas si menacées. L'époque des romans, pièces de théatre et biographies.

Les années de guerre s'éloignant, l'espoir reprend : sans doute n'était ce qu'une aberration historique, sans doute sommes nous à nouveau en route vers l'avenir resplendissant… Mais bientôt paraissent les premières chemises noires, puis brunes, et Zweig comprend, cette fois bien avant les autres qu'on n'en a pas fini avec la vipère : la bête n'a été qu'assommée … Elle finira par conquérir l'Europe. Zweig, ayant perdu son public - il ne peut plus publier dans sa langue maternelle - sa bibliothèque, ses collections et jusqu'à sa nationalité, vivant en refugié, n'a plus la force de continuer à vivre.
Stéfan est une sorte da saint laïc assassiné par la barbarie. On comprend, on vit la lente descente vers la tombe de cet homme qui a connu les lumières les plus exaltantes. Et, devant son ordinateur, l'on se prend à écrire une eulogie. Suivi d'un silence qui seul peut saluer, respectueusement, un tel homme, une telle vie.







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Dans le monde d'hier, Zweig évoque ses souvenirs, de façon d'autant plus poignante qu'il les rédige, après le suicide de son ami Freud à Londres, avant que la situation politique concernant les juifs ne dégénère. Sa femme Lotte Altmann a tapé à la machine le texte certainement remanié, et envoyé le manuscrit à New York, par courrier.

Un jour avant qu'ils ne se suicident, ensemble.

Ces souvenirs d'un des très grands écrivains du XX siècle, pourrait être perçu comme la nostalgie d'un monde révolu : la sérénité, la liberté d'esprit et le bonheur de grandir dans cette Vienne où les gens dansent, où la sécurité règne.
Pourtant, Zweig est trop intelligent pour dresser un monde où tout était parfait.
Il présente le tableau de cette bonne bourgeoisie juive à laquelle il appartient. Disant cela, il écarte définitivement les futurs (même s'il est mort) critiques lui opposant que le peuple viennois de la fin du XIX siècle ne partageait pas ce sentiment de sécurité.

Voici donc son testament, témoin de son évolution intellectuelle, de sa pensée, concernant la liberté, la naïveté de croire en un monde toujours pareil, et nous nous devons de le lire comme tel, avec sa prise de conscience que les changements ont au départ été bénéfiques : l'école reproduisait un ensemble de valeurs rétrogrades, rigoristes, le mépris de la jeunesse et de la liberté d'esprit.
En réaction, les jeunes se tournent vers la poésie, dont Rilke, alors que le mouvement national socialiste perpétue, ou renouvelle, la brutalité et l'intolérance. Intolérance par rapport à la sexualité, où l'hypocrisie règne : il y a des bordels, à la seule condition de ne pas en parler. Les femmes «  normales », elles, n'ont pas de sexualité, ne doivent pas en avoir.
Puis, après l'Université, Zweig voyage, avec les moyens octroyés par son milieu : Paris, Bruxelles, Londres, New York sont les endroits de sa rencontre avec les autres écrivains, Verhaeren, Romain Rolland et artistes : Rodin. Goethe, restant son modèle.
En Inde, il rencontre un monde pétri d'inégalités, s'appuyant sur la race. Des jeunes filles élevées à Lausanne et Londres, mais filles métisses d'une Française avec un commençant indien, ne sont pas admises dans les bals organisés dans le bateau. Prolégomènes du nazisme, pense Zweig.

Qui continue de voyager, tout en méditant sur son statut d'apatride, puisqu'il a voyagé au départ comme fils de famille intellectuel, puis il se trouve sans patrie, la montée du nazisme, qui se termine dans son dernier chapitre par «  incipit Hitler » l'empêche de rentrer à Vienne et le force à s'exiler au Brésil. « L'apatride se trouve en un nouveau sens libéré, et seul celui qui n'a plus d'attache à rien n'a plus rien à ménager. »

Zweig relève aussi le paradoxe de la judéité dont on subodore que la richesse constitue le plus fervent désir et capacité.
« Rien n'est plus faux. La richesse n'est pour lui (le juif) qu'un degré intermédiaire, un moyen d'atteindre son but véritable, et nullement une fin en soi. La volonté réelle du Juif, son idéal immanent, est de s'élever spirituellement, d'atteindre à un niveau culturel spirituel supérieur ». Paradoxes de la pensée, écrits avec une élégance particulière, brillant testament sur ce monde qui n'existe plus.
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Le sol s'est dérobé sous les pieds de Stefan Zweig. Tout s'est écroulé autour de lui. Cet ouvrage dont il ne connaîtra pas la publication, le Monde d'hier, est le testament d'un "citoyen du monde" devenu apatride. Pas seulement chassé de son Autriche natale, mais chassé de la culture universelle puisque désormais privé de publier dans sa langue maternelle, l'allemand.

Nous sommes en 1941. Anéanti de voir le sort qui lui est réservé, ainsi qu'à ses coreligionnaires, Stefan Zweig décide de se lancer dans l'écriture d'un ouvrage d'une longueur inhabituelle chez lui. Un ouvrage dans lequel explose sa rancoeur à l'encontre de celui qui a plongé la planète dans le chaos, la haine faite homme : Hitler. Peut-être aussi la rancoeur de voir la conscience collective d'un peuple se laisser manipuler et entraîner dans une entreprise funeste.

Submergé par le désespoir, il perd l'objectivité qui caractérisait son humanisme forcené. Il dresse alors un tableau idyllique de sa jeunesse, période bénie qu'il qualifie de "monde de sécurité", oubliant ainsi qu'il avait été favorisé par le destin, le faisant naître au sein d'une famille riche, auréolé d'un talent qui lui valut très tôt le succès littéraire.

Son rêve d'une "Europe unie de l'esprit" avait déjà été malmené par l'abomination du premier conflit mondial. Il ne peut supporter l'idée d'être le témoin, encore moins la victime, d'une nouvelle catastrophe de pareille ampleur, du seul fait d'une idéologie assassine.

Stefan Zweig commence son ouvrage par un avant propos qui nous fait comprendre qu'une décision est prise : "Jamais je n'ai donné à ma personne une importance telle que me séduise la perspective de faire à d'autres, le récit de ma vie." Une vie dont il ne conçoit donc désormais plus qu'elle ait une suite. C'est le cancer de la haine qui le ronge.

Ce grand humaniste sans frontière se considère comme dépossédé, non seulement de sa patrie, mais du monde entier. Ce monde, il sait déjà qu'il va le quitter. Pour où, il ne sait pas. Il n'y a pas d'avenir pour les apatrides.

Ouvrage bouleversant, indispensable pour qui se passionne pour l'oeuvre de Stefan Zweig.
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J'ai commencé ce livre l'an dernier. Je l'avais laissé de côté depuis. Avec les événements de ces dernières semaines, j'ai senti qu'il était temps de m'y replonger. Entre la biographie, l'essai, les souvenirs, difficile de classer cet ouvrage. L'écriture, celle de Zweig, est forcément superbe.

On apprend que cet auteur est passionné de rencontres. Il a rencontré et été amis avec de nombreux écrivains (Romain Rolland, Rilke, Hoffman), musiciens (Strauss), médecins (Freud),… D'ailleurs parfois cela s'apparente à du name dropping.

Auteur reconnu de romans, pièces de théâtre, Zweig est également un biographe et un traducteur.

Le livre relate son enfance jusqu'à son séjour en Angleterre avant son départ en Amérique Latine et sa décision de se suicider.

On découvre un monde aujourd'hui disparu. Saviez vous que les passeports n'existaient pas avant la première guerre mondiale ?

Né à la fin du 19 siècle à Vienne, il relate dans la première partie ses études dans un institut très strict. Une fois cet obstacle franchit, il se décide pour l'étude de la philosophie car ce sont celles qui lui demanderont le moins de travail. Il va partir à Berlin et surtout rencontrer des écrivains, des artistes, des poètes. Issu d'une famille aisée, il n'a pas besoin de travailler et peut se consacrer à ces rencontres.

Il narre les relations hommes / femmes (inexistantes) et montre comment cette absence de relation mène à des drames (syphilis, suicides, etc). Il évoque les aspects hiérarchiques de l'Allemagne où plus que les études, c'est d'appartenir à un corps universitaire précis qui compte. On sent une partie des événements funestes qui arriveront par la suite.
Il explique cette effervescence artistique qui le grise et le rend humble à la fois. Il raconte sa rencontre avec Théodore Herzl qui va publier ses premières oeuvres. Herzl, père du sionisme, va beaucoup l'impressionner mais Zweig ne se décidera pas à s'engager à le suivre d'un point de vue politique. A cette époque Zweig se consacre à la traduction pour apprendre et ciseler sa maitrise des langues. « Dans mon for intérieur, ma route pour les années suivantes était maintenant clairement tracée : voir beaucoup, beaucoup apprendre, et seulement ensuite débuter vraiment ! Ne pas paraitre devant le monde avec des publications prématurées – connaitre d'abord du monde ce qu'il a d'essentiel ! ». Pour appliquer cet adage, Zweig décide, après Berlin, d'aller en Belgique. En effet il a découvert le poète Belge Verhaeren et veut le traduire en Allemand pour le faire connaitre dans les pays germanophones.

Finalement Zweig obtient son doctorat de philosophie, grâce à Kolbenheyer, un ami d'enfance de Zweig. Cet ami et collègue de lettres, il lui règle son compte très élégamment « Avec Erwin Guido Kolbenheyer, un de mes amis de jeunesse et confrère en lettres – lequel, peut-être, n'aime guère qu'on le lui rappelle aujourd'hui parce qu'il est devenu un des poètes officiels et professeurs de l'Allemagne hitlérienne – je passai toutes mes nuits à bûcher. ».

Après cet examen, il part pour Paris. Zweig est un amoureux de la capitale Française et de sa littérature (Marceline Desbordes-Valmore, Balzac, Victor Hugo, Léon Bazalgette,..) Cette période va être l'occasion de se faire et de cultiver de nombreuses amitiés (Bazalgette, Rilke, Verhaeren). Il va rencontrer brièvement Rodin, qui lui inspire beaucoup d'admiration. Il poursuit son voyage par un séjour à Londres.

Il se décide à poser ses valises à Vienne pour un temps. Et heureux hasard il va rencontrer une des dernières personnes qui aura connu Goethe. Zweig en relatant cette période Viennoise, nous présente sa passion pour la collection des manuscrits, des courriers, des oeuvres en cours de musiciens et auteurs germanophones célèbres. Il explique l'évolution de sa collection. Et ses réflexions sur la création de l'oeuvre artistique est très intéressante. « Je n'en sais pas assez d'un artiste quand je n'ai sous les yeux que son oeuvre achevée, et je souscris à la parole de Goethe : pour comprendre pleinement les grandes créations, il ne suffit pas de les voir dans leur état d'achèvement, il faut les avoir surprises dans leur genèse, dans leur devenir ». P195 Aujourd'hui à l'heure de l'informatique, des copiés collés, des multiples versions, impossible d'avoir une telle collection, ni une telle réflexion.

Dans cette période viennoise il va écrire ses premières pièces de théâtre. Il nous raconte que ces pièces devaient être interprétées par deux grands artistes mais qui meurent quelques jours avant la première. Bouleversé par ces faits et sans doute un peu superstitieux, il abandonne l'écriture de pièce de théâtre pour se consacrer au roman.

Il repart en voyage qui vont cette fois l'amener en Afrique, en Inde et aux US. Il assiste à la construction du canal de Panama et au racisme et la pauvreté en Inde. On est au tout début du 20eme siècle, Zweig commence le chapitre « Les rayons et les ombres sur l'Europe » par expliquer les changements en cours. La jeunesse l'emporte sur l'âge. le sport qui n'était absolument pas une activité plébiscitée dans sa jeunesse, le devient. D'après lui le voyage se démocratise (enfin pour une petite partie de la population)… Puis les nuages commencent à s'accumuler. Les incidents se multiplient.

Il repart sur Paris où il découvre des artistes. En 1913, il relate sa rencontre avec Romain Rolland qui va devenir un ami fidèle. Avec des pages où il célèbre l'intelligence et la culture de son ami. Il cite cette citation intéressante : « L'art peut nous consoler chacun en particulier, mais il ne peut rien contre la réalité. »

Les premiers jours de la première guerre mondiale sont un coup de tonnerre.

Page 267, « Si l'on était venu à la guerre, cela n'avait pu être que contre la propre volonté de leurs propres hommes d'Etat ; eux-mêmes ne pouvaient être en faute, personne dans le pays n'encourait la moindre responsabilité. C'était donc de l'autre côté de la frontière, dans l'autre pays, que devaient nécessairement se trouver les criminels, les fauteurs de guerre : si l'on prenait les armes, c'était en état de légitime défense contre un ennemi astucieux et fourbe, qui sans le moindre motif attaquait la pacifique Autriche, la pacifique Allemagne. »

L'entre-deux guerres et ses troubles est décrit par Zweig comme une montée des désordres avec des enfants qui n'écoutent plus leurs parents, des filles et des garçons qui ne respectent pas l'ordre naturel des sexes (on ne parle pas encore de genre). Les filles coupent leurs cheveux et les garçons les laissent pousser. L'homosexualité se développe… Et Zweig a deux ou trois propos homophobes. Les homosexuels poussant à la guerre (p365). L'écriture est bousculée (p352-353). Tout cela ne vous rappelle rien ? « Partout les anciens désemparés couraient après le dernière mode ; on n'avait plus soudain qu'une seule ambition celle d'être jeune… Quelle époque sauvage, anarchique, invraisemblable que ces années où en Autriche et en Allemagne, tandis que fondait la valeur de la monnaie, toutes les autres valeurs se mettaient à glisser ! Une époque d'extase enthousiaste et de fumisterie confuse, mélange unique d'impatience et de fanatisme. »

En dehors de l'enthousiasme, cela ressemble à notre époque…
Zweig dénonce le poids des lobby de l'armement (le mot lobby n'est pas utilisé mais c'est l'idée). Par contre il est très peu clair sur ce qu'il fait personnellement pour empêcher cette vague de haine. Il faudra qu'il soit touché personnellement pour le comprendre. P401 « Comme pour toutes les choses essentielles de la vie, ce n'est pas jamais par l'expérience d'autrui que l'on acquiert ce genre de connaissances, mais toujours par sa propre destinée. »

Il va mettre du temps pour se décider à partir de l'Autriche car sa famille, ses amis, tous ne comprennent pas ses craintes. ET par une des rares touches personnelle, il va évoquer le décès de sa mère et l'impact des lois aryennes sur sa vie.

C'est un très beau livre. Zweig nous décrit une Europe en ébullition. Il s'épargne beaucoup et n'est pas sans préjugé mais ses descriptions de l'époque sont passionnantes. le monde d'hier de Zweig, c'est notre monde d'avant.

Et voici mon abécédaire.

A comme Apatride, ce que va devenir Zweig et qu'il présentera comme une douleur. A cette occasion on apprend que les passeports n'existaient pas avant la première guerre mondiale.

B comme Biographe, saviez-vous que Zweig en plus d'auteur est un biographe (Marie Stuart, Balzac, Joseph Fouché)

C comme Cosmopolite, Collectionneur : Zweig se présente comme un homme de son temps… mais c'est surtout un homme très riche. Il voyage sans arrêt, il s'achète une maison à Salzburg juste après la guerre… Et il se crée une collection de manuscrits originaux et d'autographe

D comme Dramaturge: Zweig est également un auteur de pièce de théâtre.

E comme Européen, Ecrivain, Empire, Ecriture, Exil : Zweig est un écrivain qui a connu plusieurs périodes sombres de l'Europe. Mais il reste un Européen convaincu.

F comme Freud, France : Zweig a des amis prestigieux et aime la France (surtout Paris).

G comme Guerres et Goethe : Zweig va éviter de se battre mais verra de ses propres yeux les horreurs de la première guerre mondiale en allant chercher des oeuvres en Russie.

H comme Hitler, Hofmannsthal, Herzl (Théodore, père du sionisme) : Tous des hommes Allemands sortant de l'ordinaire et qui auront marqués Zweig.
I comme Inflation : Zweig met en avant les effets de l'inflation entre les deux guerres sur la montée du nazisme

J comme Juif : Zweig est né dans une famille juive non pratiquante. La foi ne semble pas jouer un grand rôle dans son monde.

K comme Kolbenheyer : Ami et collègue que Zweig éreinte dans son livre : « Avec Erwin Guido Kolbenheyer, un de mes amis de jeunesse et confrère en lettres – lequel, peut-être, n'aime guère qu'on le lui rappelle aujourd'hui parce qu'il est devenu un des poètes officiels et professeurs de l'Allemagne hitlérienne – je passai toutes mes nuits à bûcher. ».

L comme Londres : C'est là où Zweig deviendra apatride.

M comme Musique, Manuscrits, Mussolini : Zweig aime la musique, il collectionne les partitions originales, il va collaborer avec Strauss. Et il mentionne dans son livre avoir écrit à Mussolini pour lui demander de libérer une de ses connaissances, ce que fera Mussolini.

Name dropping : on l'aura compris Zweig vous parle de ses connaissances connues et reconnues. Les autres …n'existent pas ou ne semblent pas exister. Exemple « de 1900 à 1914, je n'ai jamais vu le nom de Paul Valéry en tant que poète, ni dans Le Figaro ni dans le Matin, Marcel Proust passait pour un gommeux de salon, Romain Rolland pour un musicographe très averti ; ils avaient près de cinquante ans quand le premier rayon encore timide la renommée les atteignit, et leur grande oeuvre était plongée dans l'obscurité au milieu de la ville la plus curieuse et la plus spirituelle du monde. »

O comme Opéra, Oeuvres : Zweig va écrire pour l'opéra et Strauss.

P comme Politique, Poésie, Paris, Philosophie, Polyglotte : Zweig parle plusieurs langue et c'est sa décision de traduire de la poésie qui va l'amener à voyager en Belgique, en France.

Q comme Questions : Les questions que Zweig se posent. Qu'auraient dû faire les intellectuels de son temps pour empêcher le nazisme ?

R comme Romain Rolland, Rilke, Rodin, Russie : Zweig va rencontrer ces artistes. Les deux premiers seront ses amis. Il ira en Russie et fera part de ses doutes mais sans s'engager contre les communistes.
S comme Strauss, Salzburg, Suisse, Souvenirs : Zweig est autrichien. Il va travailler avec Strauss

T comme Théâtre, Traducteur : Zweig est également traducteur car il estime que c'est la meilleure façon d'appréhender une langue en profondeur.

U comme Unique : Un tableau unique de cette époque si bouleversée.
V comme Verhaeren, Voyages : Pour son époque Zweig va énormément voyager sur tous les continents (sauf peut-être l'Océanie). Verhaeren est le premier poète que Zweig va se décider à traduire car c'est un inconnu en Allemagne.

W comme Wien : la ville de son enfance.

X comme : Xénophobe. Zweig est homophobe mais pas xénophobe. Il faillait un X...

Y comme : Yiddish Zweig ne parle pas cette langue mais l'évoque en parlant des juifs de l'Europe de l'Est, qui ont été persécuté bien avant ceux de l'Europe de l'Ouest.

Z comme Zweig : Forcément.





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Ecrit en exil, au Brésil, peu de temps avant la mort de son auteur par suicide, cet ouvrage n'a rien d'un testament littéraire, non c'est avant tout la re-création du monde d'avant de Stefan Zweig.
Un monde perdu, fantasmé, sans doute magnifié, voire transfiguré, par le filtre des souvenirs du narrateur, celui de la fin du 19è et du début du 20è siècle. La douce vie dans la Vienne impériale. le monde de tous les espoirs, un monde où la jeunesse commençait à se sentir exister en dehors des carcans imposés au 19è siècle .... c'est celui de Stefan Zweig, le monde de sa jeunesse, plein d'enthousiasme, joyeux des promesses que le début de l'industrialisation laissait espérer..... le téléphone, le cinéma, l'automobile, et au delà l'espoir d'une vie plus facile dans un monde si nouveau que les esprits novateurs se prenaient à rêver en inventant de nouvelles formes d'expression littéraires, picturales, architecturales ...
Bien sûr ces jeunes gens n'étaient pas dénués d'arrogance intellectuelle, mais ils portaient en eux une telle fièvre de nouveauté, tant de certitude de vie meilleure ...
C'est ce monde là, embelli par le souvenir de folles illusions, que Stefan Zweig fait revivre pour nous, lecteurs d'aujourd'hui. Et il le fait avec une telle ardeur, un style exaltant, un tel talent de conteur se situant bien au delà de la norme habituelle que le lecteur a l'impression que ce passé redevient tout à coup présent par la magie d'un verbe inspiré.
Alors, tout à coup on fréquente avec émotion ... Hugo von Hoffmannsthal, Rainer Maria Rilke, Emile Verhaeren, Romain Rolland, Auguste Rodin, Sigmund Freud, Richard Strauss ..... et bien d'autres, toutes sommités intellectuelles et artistiques, que Stefan Zweig a pu côtoyer, dont il s'est fait des amis et qu'il fait revivre par le biais de portraits précis, ardents, saisissant de réalisme, transcrivant avec amour et respect ce qu'il pressent du tempérament de chacun. A ce titre, la rencontre avec Auguste Rodin, et la visite de l'atelier du Maître donne à lire et à vivre la fascinante expérience de l'homme en pleine concentration créatrice, lorsque Rodin apporte par petites touches et retouches une amélioration à l'oeuvre en cours, laissant Stefan Zweig pantois et muet de saisissement et d'admiration.

Par ailleurs, l'intelligence aiguë de l'auteur, dénué d'esprit politique mais animé d'un vibrant sens critique, lui permet aussi de décrypter impitoyablement son époque. Il en délivre une analyse précise, incisive, non seulement de celle de sa jeunesse, mais aussi de celle de la première guerre mondiale et surtout de l'après-guerre, d'abord emplie d'espoir mais peu à peu entachée par l'inexorable montée des nationalismes, surtout après la crise financière de 1929. Alors il développe une puissante et terrifiante étude de la montée de l'hitlérisme en Allemagne, puis en Autriche, développant les minuscules mais inexorables avancées de la marche forcée vers le cataclysme mondial .

Stefan Zweig, dont la fibre européenne ne supporte pas les nationalismes étroits prônant le repli sur soi-même, ressent très rapidement quelle horreur peut naître de la situation européenne à l'avènement d'Hitler, se sent dans l'obligation de fuir son Autriche natale et devient donc apatride et sans espoir, tant la destruction du monde qu'il a connu lui paraît sans remède.
Vous l'aurez compris, cet ouvrage est un incomparable témoignage de la première partie du 20è siècle. Remarquablement rédigé, il offre une vision, certes limitée par le regard d'un unique individu, mais également transcendée par l'intelligence visionnaire de son auteur.

Modestement, Stefan Zweig ne met jamais sa personne en avant, en dehors de quelques souvenirs d'enfance et d'adolescence, ne nous dit pratiquement rien de son oeuvre, mais la lecture de cet ouvrage ne peut qu'inciter le lecteur à la découvrir, tant ces "Souvenirs d'un européen" éclatent de talent.
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Certains imaginent le monde de demain, et moi je lis le monde d'hier!
Aucune contradiction là-dedans. Nous avons là un témoignage pour aujourd'hui et pour demain. Même s'il faut faire le tri. L'idée sans doute la plus évidente, c'est la nécessité vitale d'institution européenne, malgré les imperfections et souvent l'impuissance des institutions actuelles.
Mais ce livre testament de Zweig est d'abord un grand livre. Même en traduction, on sent cette prose superbe, fluide, polie, qui coule de source.
Et puis on y approche des personnages des débuts du 20e siècle, comme Romain Rolland, Émile Verhaeren ou Rainer Maria Rilke. Zweig nous fait sentir les époques qu'il traverse, depuis l'Empire austro-hongrois jusqu'aux prémisses du nazisme en Autriche.
On y apprend beaucoup aussi sur Zweig lui-même, les lignes directrices de sa pensée, ses rencontres, ses sentiments. Il est pourtant extrêmement pudique sur sa vie personnelle. Ses épouses ne sont jamais nommées!
Et sa vie est pétrie de contradictions, qui éclatent dans ces souvenirs.
La première est l'éloge de l'Empire austro-hongrois, dont il critique pourtant le caractère suranné, notamment dans l'éducation et les rapports entre les sexes.
Zweig ne voit pas la misère ouvrière, ou alors sous l'angle de l'amélioration due aux progrès libéraux. Il est pourtant touché par les conditions terribles des soldats de 14-18 et va au-devant d'eux pour se rendre compte par lui-même. Mais c'est plus son pacifisme que la fibre sociale qui le guide. Quand il vante la liberté de circuler avant 1914, on ne peut s'empêcher d'ajouter qu'elle ne touchait que des classes privilégiées de la société. Les autres n'en avaient tout simplement pas les moyens. En revanche, quand il vilipende la nationalisme et le bellicisme, on ne peut que le suivre.
L'autre grande contradiction est qu'il ne pouvait qu'avoir une aversion profonde pour tout ce qui allait dans le sens du nazisme: antisémitisme, négation de la culture. Et pourtant il ne s'est jamais engagé contre les nazis, il ne semble pas avoir alerté quiconque. Et même à Londres, après 1934, il s'interdit de témoigner sur ce qu'il a constaté. Il dit s'être toujours tenu à l'écart des partis, ce que l'on peut comprendre. Mais ce n'est pas prendre une carte de parti que de lutter contre le nazisme, ne serait-ce que par des écrits ou même par une action humanitaire. Je serais intéressé à lire une bonne biographie de Zweig qui traite de ces questions.
Mais la principale qualité de cette autobiographie est de décrire la trajectoire d'un homme d'un extrême raffinement au sein d'une période de bouleversements radicaux et de violence extrême. Elle nous pose la question des limites de l'humanisme quand la sauvagerie se déchaîne.
Ce livre est une grande leçon de littérature et de vie. Même si finalement la vie n'a pas résisté.
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