Le genre : l'étranger à Barcelone
C'est à l'occasion d'une opération critique “petits éditeurs” lancée par ma médiathèque que j'ai découvert ce roman (et son auteur), choisi d'abord sur sa première de couverture.
Taxi, publié aux éditions “Asphalte”, belle résonance. Et puis lecture de la quatrième de couverture, prometteuse : une odyssée de sept jours et six nuits d'un chauffeur de
taxi insomniaque dans Barcelone, fuyant ses propres problèmes de couple dans son “
taxi-confessionnal”.
J'avoue pourtant avoir eu du mal à entrer dans l'histoire. On suit les errances de Sandino, entre clients, nombreuses maîtresses et famille, sans que rien de tangible au niveau de l'histoire ne se mette en place. Il repousse incessamment le moment de rentrer chez lui car il sent, il sait que sa femme va lui annoncer qu'elle le quitte. Il voit ses maîtresses. Il prend des clients. Il va à la crémation de sa grand-mère avec ses parents et son frère Victor. le tout noyé sous une avalanche de noms de rues, de places barcelonaises… Pas si accrocheur quand on n'est pas familier des lieux.
Et puis petit à petit, le roman nous happe. Les personnages s'épaississent : Ahmed, le copain de bistrot qui lui demande d'emmener son frère en France pour qu'il quitte la pente de la radicalisation sur laquelle il est engagé ; Sofia, la copine qui s'est mise dans un sale pétrin en récupérant un sac d'argent et de drogue dans son
taxi ; Jésus, l'illuminé musicien qui pense pouvoir ressusciter les morts …
Sandino (un pseudonyme, tout un symbole) est un homme camuesque qui semble dépossédé de sa volonté, ou tout du moins incapable de prendre (et d'assumer) ses décisions. Chauffeur de
taxi “par défaut”, anciennement écrivain, les seuls récits qu'il écrit se passe dans sa tête. Il excelle dans l'art de fantasmer les scènes, mais pas dans celui de les faire vivre. La confrontation avec sa femme, attendue tout au long du roman, n'aura d'ailleurs pas lieu (si ce n'est une brève conversation téléphonique), car il trouve toujours une bonne raison de ne pas rentrer chez lui. le voilà embarqué (malgré lui ?) dans une sale histoire de drogue (qu'il ne rechigne pas à consommer lui-même), obligé de se battre, de négocier avec des truands.
L'écriture de Zanon est particulièrement travaillée et confère au roman une indéniable qualité. Il sait distiller par petites touches des problématiques très contemporaines, mais en restant fixé sur son personnage. le côté “roman noir”, davantage présent dans le seconde partie du récit, permet de relancer l'action et de maintenir le lecteur en éveil.
Une belle rencontre que ce roman, et un auteur dont je découvrirai avec plaisir d'autres ouvrages.