Eriophora

Quand on dort plusieurs siècles d'affilé et qu'on n'est actif que quelques semaines par millénaires, comment fomenter un coup d'État contre une intelligence artificielle qui voit tout et qui sait tout ?

Sunday et ses 27 000 collègues ont une mission quelque peu originale : voyager dans toute la galaxie afin de créer des portails qui permettraient à un potentiel empire humain de se déplacer instantanément. « Potentiel », car avec la distorsion de l'espace-temps, il s'est écoulé plusieurs dizaines de millénaires sur Terre. Pourtant, aucune nouvelle de leurs lointains descendants…
Parmi les membres de l'équipage, la révolte gronde : à quoi sert de gâcher le temps qu'il nous reste à vivre pour une humanité qui n'existe peut-être plus ? Ils ont fait le tour de la galaxie une bonne dizaine de fois et bâti des milliers de portails, n'est-il pas temps de s'arrêter ? Mais l'IA du vaisseau, programmé pour poursuivre la mission jusqu'à la mort, ne permet aucune retraite.

Le concept est intéressant, et le format novella permet d'entrer rapidement dans le coeur du sujet. L'histoire est racontée du point de vue de Sunday : c'est son journal de bord qu'on lit. Malheureusement, je ne me suis pas du tout attachée à elle : c'est quelqu'un de froid et hautain. Très proche de l'IA au début du roman, sa prise de conscience l'amènera progressivement du côté des révolutionnaires. Personnellement, je l'ai trouvée un peu longue à la détente et assez aveuglée par son conditionnement.

De même, l'écriture est froide et clinique. Très peu d'émotions me sont parvenues pendant cette lecture.
Cependant, les sujets abordés (transhumanisme, intelligence artificielle, révolte) me plaisent particulièrement. Ce n'est pas contre une intelligence artificielle qu'on lutte, mais contre ses programmateurs, qui ont anticipé la plupart des scénarios de révolte.
Mais n'est-ce pas monstrueux de destiner autant d'humains à une telle vie ? Même s'ils étaient conditionn- pardon ! volontaires, comment leur en vouloir de souhaiter profiter des années qu'il leur reste ?

Des idées intéressantes, donc, mais pas un roman mémorable.
J'ai cependant bien aimé l'idée de l'énigme cachée entre les lignes de ce roman : quelques lettres sont écrites en gras et en rouge, et je me suis amusée à les relever. Un message est caché dedans, et je ne peux que vous encourager à faire de même ;)
J'ai aussi appris que ce roman se place dans la lignée de plusieurs nouvelles, que l'univers qu'il effleure est approfondi dans d'autres textes. L'intention est louable, il reste encore beaucoup de mystères (qui sont ces créatures qui s'échappent parfois des portails nouvellement créés et agressent le vaisseau ?), mais je n'ai pas encore décidé si j'avais envie de poursuivre avec Peter Watts.